Rapport de la FAO sur la biodiversité pour l’alimentation et l’agriculture

Fin février a été publié le premier rapport mondial sur l’état de la biodiversité liée à notre alimentation et notre agriculture (BAA) par l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), agence spécialisée des Nations unies (ONU).

Ou comment expliquer en 500 pages qu’on ne sait finalement pas grand-chose de la biodiversité et qu’il reste à peu près tout à faire sur la question, et rapidement…

Ce document de la Commission des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture (http://www.fao.org/cgrfa/fr/) s’appuie sur une centaine de rapports nationaux et internationaux portant sur le sujet. Si son constat principal n’apprendra pas grand-chose à qui suit les actualités (la biodiversité est en danger !), concentrons-nous tout de même sur les cinq constats principaux du rapport.

1. La biodiversité est essentielle pour l’alimentation et l’agriculture

Le rapport commence par rappeler les « contributions » de la biodiversité pour l’alimentation et l’agriculture (BAA), qu’on peut appeler des « services écosystémiques ». Ce sont les bénéfices que l’humain tire des écosystèmes. Il y a les services liés au support et à la régulation : la pollinisation par les animaux, le maintien de la santé des sols par les microorganismes et les invertébrés, le maintien de la qualité de l’air et la régulation du climat par les forêts, les prairies, la protection contre les catastrophes naturelles, assurée par exemple par les végétaux stabilisant les sols, la régulation des « nuisibles » par leurs prédateurs naturels… Il y a les services culturels : ce sont ceux liés aux attributs esthétiques, divertissants, éducatifs, stimulants des écosystèmes.

La biodiversité offre également des services de résilience : grâce à elle, les systèmes sont capables de se remettre plus rapidement de bouleversements. L’étude cite par exemple les agriculteurs en Éthiopie qui font le choix de planter plusieurs variétés d’orge plutôt qu’une seule afin d’éviter les mauvaises récoltes. Plusieurs autres bénéfices sont cités.

2. Tout un ensemble de facteurs de changement interdépendants influent sur la BAA 

Parmi les facteurs cités : le changement climatique, l’évolution des marchés internationaux, la croissance démographique, l’utilisation des terres, la pollution, l’utilisation excessive d’intrants, la surexploitation des ressources, la prolifération d’espèces envahissantes… Le rapport recommande d’améliorer la connaissance et le suivi des facteurs de changement, ainsi que le recensement des pratiques ayant un effet positif sur la biodiversité.

3. La BAA s’appauvrit

La diversité végétale diminue, les stocks de poissons sont surexploités, le nombre de races d’animaux d’élevage se réduit comme peau de chagrin, les pollinisateurs sont en déclin (pour plus de détails, voir la revue 101 sur l’hécatombe des insectes). Le rapport reconnait de nombreuses lacunes, notamment dans nos compétences en taxonomie. Il recommande d’améliorer nos enregistrements et de faire participer les scientifiques amateurs à ces travaux afin de pouvoir mieux planifier et prioriser les mesures correctives.

4. Le recours à de nombreuses pratiques respectueuses de la biodiversité va croissant

Le rapport souligne une difficulté entravant une plus grande généralisation de ces pratiques : elles n’apportent généralement d’avantages qu’à long terme, ce qui est difficilement compatible avec la productivité et la rentabilité immédiates. Des efforts de conservation in situ des ressources génétiques peuvent se faire grâce à la mise en place de zones protégées, la promotion de pratiques plus respectueuses de la biodiversité, ou la mise en place de mesures stratégiques et juridiques visant à limiter les activités préjudiciables à la biodiversité. Des collections (de micro-organismes par exemple) permettent une conservation ex situ. Là encore, le rapport recommande d’améliorer nos connaissances sur le sujet, mais aussi de s’attaquer aux facteurs sous-jacents qui font obstacle à la mise en place de programmes de conservation, comme les facteurs liés aux connaissances, aux ressources ou aux politiques.

5. Les cadres qui favorisent une utilisation durable et la conservation de la BAA demeurent insuffisants

Ce sont les cadres juridiques, politiques et institutionnels qui sont visés par ce constat. Le rapport déplore une sensibilisation insuffisante des « décideurs à l’importance que revêt la BAA pour la production durable, les moyens d’existence, la sécurité alimentaires et la nutrition, ainsi qu’aux moyens qui pourraient permettre d’élaborer des politiques pertinentes ou de les renforcer ». Le rapport recommande de « renforcer les mécanismes incitatifs visant à promouvoir la gestion durable de la BAA » et d’améliorer les collaborations intersectorielles (culture, élevage, forêts, pêche et aquaculture), la coopération et l’implication de toutes les parties prenantes à la gestion de la BAA.

Le rapport se conclut avec le rappel du rôle fondamental que jouent la biodiversité et ses services écosystémiques pour améliorer la résilience, la durabilité et la productivité de l’agriculture. Les recommandations de la FAO nécessitent une action urgente et un engagement sur le long terme pour faire face aux multiples menaces qui pèsent sur la biodiversité.

Sophie Hild

Lire aussi : Rapport de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES)

Article publié dans le numéro 102 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences

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