Nous en parlons depuis plusieurs mois : le gouvernement doit annoncer des mesures sur le bien-être des animaux sauvages captifs des cirques, delphinariums, zoos et élevages de fourrure en France. Nous les attendons encore. Et nous allons probablement attendre un moment.
Au mois de juin, la LFDA, Code Animal et la Fondation Brigitte Bardot se sont fait l’écho d’un sondage sur les « nouveaux animaux de compagnie » (NAC) sauvages réalisé par Eurogroup for Animals, dont nous sommes membres, et Animal Advocacy and Protection (AAP). L’enquête d’opinion effectuée en février 2020 sur 6 137 adultes de six pays européens (France, Allemagne, Espagne, Italie, Pologne et Finlande) révèle que 87 % des Européens interrogés sont contre la détention d’animaux sauvages par des particuliers. Du côté de la France, la proportion est équivalente.
La détention d’animaux sauvages par des particuliers soulèvent de nombreuses problématiques. D’abord, les espèces sauvages ont des besoins physiologiques et comportementaux complexes, parfois mal connus par les scientifiques eux-mêmes, et ils ne sont pas adaptés à la vie en milieu captif contrairement aux espèces animales domestiques qui ont fait l’objet de sélections pour mieux le supporter. Ainsi, 77 % des Français interrogés reconnaissent qu’il n’est pas facile de s’occuper d’un animal exotique, tel qu’un serpent, une mygale, un perroquet, etc.
En plus de cette difficulté, les animaux sauvages peuvent être dangereux. Certains peuvent gravement blesser un humain en le mordant, le griffant, le piquant, etc. Ils peuvent aussi être porteurs de maladies zoonotiques et créent donc un risque épidémiologique significatif. La pandémie de la Covid-19 montre bien le risque qu’il y a à entrer en contact avec des animaux sauvages. Parmi les Français interrogés, 84 % jugent qu’il n’est pas sans danger de détenir des animaux sauvages chez soi.
S’ils sont d’origine exotique – et la plupart le sont –, les NAC sauvages peuvent se révéler dangereux pour la préservation de la biodiversité. En effet, des individus se retrouvent fréquemment dans la nature, soit parce qu’ils se sont échappés, soit parce qu’ils ont été lâchés, et deviennent une menace pour les espèces sauvages locales. Par exemple, la tortue de Floride, massivement lâchée dans la nature il y a quelques années, grignote peu à peu la place d’espèces de tortues autochtones dans l’écosystème, entrainant une chute des populations de la tortue cistude d’Europe.
En outre, de nombreux animaux sont capturés dans leur milieu naturel pour être vendus à des particuliers. Pourtant, 90 % des personnes interrogées en France sont opposées à la capture des animaux dans la nature. La détention de NAC sauvages alimente le trafic de faune sauvage. Il trône à la 4e place des commerces illégaux. Ces dernières années, la mode des bébés félins a pris de l’ampleur : des personnalités s’affichent parfois avec des tigreaux ou des lionceaux pour faire le buzz sur les réseaux sociaux. Détenir un fauve est malheureusement possible légalement en France, tout comme pléthores d’autres espèces, y compris des chauves-souris – la liste est interminable. Toutefois, ces jeunes félins sont pour la plupart détenus illégalement. Depuis 2018, 25 ont été saisis par les autorités selon l’association Code Animal.
Pour toutes ces raisons, nos trois ONG souhaitent que le commerce et la détention de NAC sauvages soient mieux réglementés en France et dans l’Union européenne. Nous sommes soutenues par 90 % des Français interrogés. De même, 82 % des Français et 88 % des Européens interrogés pensent que l’échelon européen est pertinent pour mieux réglementer le commerce et la détention d’animaux sauvages par les particuliers, en raison de la libre circulation des marchandises au sein du marché européen.
Le gouvernement français et la Commission européenne ont pris connaissance de ce sondage. Espérons qu’ils entendent la voix de leurs concitoyens.
Nikita Bachelard