En février dernier, la LFDA a été auditionnée par le député Loïc Dombreval dans le cadre de sa mission d’information sur le bien-être des animaux de compagnie et les équidés en fin de vie (voir article de M. Baussier et S. Hild). Louis Schweitzer a consacré son billet de la revue de juillet au rapport qu’a rendu le député au Premier ministre et au ministre de l’Agriculture à la fin du mois de juin.
Le rapport de Loïc Dombreval n’a à ce jour pas été rendu public, pour une bonne raison selon son auteur : le gouvernement aurait décidé de retenir certaines des 121 propositions pour les adopter. Des annonces devraient donc être faites prochainement.
En attendant, le député a déposé une proposition de loi reprenant certaines de ses propositions majeures. Nous l’avons rencontré en septembre pour qu’il nous donne plus de détails sur ses propositions et sa proposition de loi visant à améliorer le bien-être des animaux de compagnie.
La proposition de loi
La proposition de loi se décline en 10 articles qui reprennent quelques propositions du rapport. Le premier article augmente les peines maximales encourues en cas de sévices graves ou sexuels, actes de cruauté et abandon d’un animal de 2 à 5 ans de prison et de 30 000 à 75 000 euros d’amende afin que ces actes soient au moins punis à hauteur du simple vol d’animal – il est plus grave de voler que d’être cruel envers un animal selon le code pénal… Il crée des peines d’amende et de prison en cas de mort d’un animal par imprudence, défaut de sécurité et mort involontaire. Il fait de la mort volontaire d’un animal un délit – alors qu’elle n’est jusqu’ici qu’une contravention – puni des mêmes peines que les actes de cruauté précédemment cités. Les peines de mauvais traitements sont augmentées, y compris celles pour les professionnels. L’article 1er crée aussi un fichier des personnes interdites de détenir des animaux, sur le modèle du fichier d’interdiction du port d’arme, qui serait accessible aux professionnels et aux refuges lors d’une vente ou une adoption, ainsi qu’un stage de sensibilisation dans des refuges ou organisations de protection des animaux, en tant que peine complémentaire. Il propose enfin d’harmoniser les codes juridiques dans le cas où un nouvel animal de compagnie (NAC) sauvage serait lâché dans la nature, pour qualifier ce geste d’abandon et non d’introduction d’un animal dans la nature, qui est puni seulement d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende dans le code de l’environnement.
L’article 2 vise à interdire, dans les communications audiovisuelles, de présenter sous un jour favorable un animal de compagnie issue d’une race hypertype (chien ou chat au nez écrasé par exemple, comme le bouledogue et le persan).
L’article 3 propose la création d’une attestation de connaissance comme préalable indispensable à tout acquisition d’un animal. Cette attestation vise à donner des bases théoriques indispensables pour s’occuper correctement de son animal de compagnie.
L’article 4 dispose que l’identification et l’évaluation comportementale des animaux de compagnie soient inclues dans le mandat des vétérinaires sanitaires.
L’article 5 prévoit, parmi plusieurs mesures visant à réduire l’abandon, l’obligation pour le vétérinaire sanitaire d’informer l’autorité administrative lorsqu’un animal n’est pas identifié, la possibilité pour les agents de restituer un animal trouvé errant sans délai dès lors que l’identité du propriétaire est connue, ainsi que l’obligation, pour les détenteurs de chien ou de chat hypertypés, de le faire stériliser. Pour rappel, les malformations génétiques de ces animaux induisent un mal-être.
L’article 6 traite des élevages d’animaux de compagnie. Est considéré comme un élevage la détention d’une femelle reproductrice dès qu’un chien ou chat de sa progéniture est cédé à titre gratuit ou onéreux. Entre autres mesures, l’augmentation de l’âge minimal auquel un chiot ou un chaton peut être cédé, qui passe de 8 semaines actuellement à 10, visant à améliorer la socialisation des jeunes animaux. Il prévoit également l’interdiction de vendre des chats ou des chiens sur des sites généralistes de vente en ligne et dans les animaleries, dans le but de limiter les achats d’impulsion, qui tendent à perpétrer la vision « objectifiée » de l’animal, être sensible.
L’article 7 rend obligatoire, pour les communes, la capture, l’identification, la stérilisation et le relâchement des chats libres. Cette option existe et a fait ses preuves, mais elle n’est pas encore généralisée car non obligatoire. Outre les chats destinés à l’élevage, l’article 7 prévoit l’obligation de stériliser tous les chats dès l’âge de 6 mois.
L’article 8 traite des chiens dits « dangereux », catégorisation qui se révèle sans fondement scientifique et dont les mesures législatives associées sont inefficaces et inappliquées. Cette catégorisation ne serait plus basée sur des critères morphologiques et raciaux mais sur des critères comportementaux après évaluation comportementale par un vétérinaire sanitaire. De plus, l’activité de mordant sportif (activité consistant à entrainer un chien à mordre et relâcher) serait interdite.
L’article 9 reprend la proposition du député Dombreval d’instituer un Défenseur des animaux, idée inspirée de l’allocution de Robert Badinter lors du colloque de la LFDA en 2019. Ce statut serait similaire à celui du Défenseur des droits actuellement incarné par Claire Hédon. Le Défenseur des animaux serait indépendant. Toute personne qui l’incarnerait se verrait limité à un mandat unique de 6 ans, sans cumul de mandats possible. Ses missions seraient constituées du traitement de saisine pour acte de maltraitance ou de cruauté sur un animal et de la formulation de recommandation à l’attention des pouvoirs publics. Son champ de compétence serait d’abord les animaux de compagnie mais pourrait être élargi aux autres animaux. Le Défenseur des animaux serait assisté par des contrôleurs dans l’exercice de ses missions. Il pourrait proposer des modifications législatives ou réglementaires et devrait être consulté dans le cas de projets de modifications des lois ou règlements par le gouvernement. Loïc Dombreval insiste sur la personnalité du Défenseur des animaux, qui devrait avoir une certaine envergure politique et médiatique.
L’article 10 propose un moyen de financer les mesures de cette proposition de loi.
D’autres propositions contenues dans le rapport
D’autres mesures proposées par le député dans son rapport relève du réglementaire.
Il propose d’augmenter le nombre d’inspecteurs au sein des Directions départementales de protection des populations (DDPP), à qui il revient d’inspecter les élevages d’animaux de compagnie par exemple, mais aussi d’effectuer de nombreuses inspections relatives aux animaux d’élevage et aux animaux sauvages captifs. Il souhaite également que le ministre de l’Agriculture indique le caractère prioritaire de la protection des animaux dans sa lettre de mission adressée chaque année à la direction générale de l’alimentation. Pour l’instant, la protection animale n’a jamais été mentionnée.
Il propose l’expérimentation d’une brigade de la protection animale au sein des commissariats, sur la base de ce qui existe déjà à Marseille par exemple.
Loïc Dombreval propose de mandater l’Académie vétérinaire de France pour une évaluation des méthodes de dressage des chiens telles que les colliers étrangleurs ou électriques.
Il a également proposé un Observatoire de la condition animale, dans le but de disposer de données précises. Cette mesure a été reprise par le gouvernement dans le plan de relance économique et va être mise en œuvre. Il souhaite la création d’un Fonds national pour la protection animale, financé par des partenaires publics et privés et destiné notamment à soutenir les projets de petites associations gestionnaires de refuges pour animaux de compagnie.
Il propose d’encadrer le prix de l’identification, pour qu’elle soit accessible à tous.
Concernant les chevaux, le député suggère une incitation fiscale pour que les centres équestres créent des espaces ouverts pour sortir les chevaux de leur box une partie de la journée.
Le rapport ne traite pas des NAC, pour lesquels Loïc Dombreval a estimé qu’un rapport de mission spécifique devrait être accordé. Il propose néanmoins, dans son rapport et dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi, de créer une liste positive des animaux sauvages pouvant être détenus par des particuliers.
Conclusion
Les mesures proposées par le député Loïc Dombreval qui ont été portées à notre connaissance pourraient sans doute contribuer à améliorer la protection et le bien-être des animaux de compagnie et des équidés en France. Nous espérons avoir bientôt accès à l’ensemble du rapport et des propositions. En attendant, reste à savoir si le gouvernement va véritablement se saisir du sujet du bien-être des animaux de compagnie, et si sa proposition de loi, signée par 155 parlementaires de la majorité, sera mise à l’ordre du jour lors d’une séance de l’Assemblée nationale.
Nikita Bachelard