L’Italie a transposé la directive européenne 2010/63/UE mais elle a décidé d’aller plus loin que celle-ci grâce à une législation plus protectrice de l’animal et des personnes habilitées à procéder auxdites expérimentations.
Les Italiens semblent très sensibles au sujet de la protection des animaux en expérimentation. Ils se sont notamment distingués par une très forte participation à l’initiative citoyenne européenne sur le sujet en 2013 avec près de 60 % des soutiens exprimés en Europe. La législation italienne reflète-t-elle l’engagement de ses citoyens ? »
Bien que largement influencé par la directive 2010/63/UE relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques (ci-après « la directive »), le régime juridique italien relatif aux expérimentations animales présente plusieurs spécificités. Tout d’abord, le décret législatif qui transpose la directive 1 impose un certain nombre de mesures plus restrictives que celles contenues dans le texte européen. Ensuite, la loi italienne reconnaît le principe d’objection de conscience en matière d’expérimentation animale. Enfin, l’importance des méthodes alternatives est soulignée par la législation et les juridictions italiennes.
Une législation plus protectrice de l’animal que la directive européenne 2010/63/UE
À la suite de l’adoption de la directive, l’Italie ne s’est pas contentée d’en transposer le contenu, mais a instauré des restrictions supplémentaires à l’usage des expérimentations animales.
D’une part, le décret législatif s’est basé sur plusieurs articles de la directive pour en étendre le champ d’application. C’est, par exemple, le cas en matière d’expérimentations sur les grands singes. Alors que la directive interdit de telles pratiques à l’exception de certaines mesures dérogatoires provisoires, le décret législatif italien interdit purement et simplement ces expérimentations (article 7 §3). De même, la loi italienne prohibe l’élevage des chiens, chats et singes destinés à l’expérimentation sur son territoire (article 10), limite la réutilisation d’animaux à la condition que les procédures successives soient légères ou modérées (article 16), et restreint le champ d’application des procédures réalisables sans anesthésie (article 14).
D’autre part, elle prévoit un certain nombre de restrictions sans que celles-ci ne soient mentionnées dans la directive. À ce titre, elle interdit le recours aux expérimentations animales à des fins militaires (article 5 §2 lettre a), mais également celles réalisées à des fins éducatives, à l’exception des écoles vétérinaires et de certaines écoles de médecine (article 5 §2 lettre f). Le décret prohibe également les interventions susceptibles de rendre aphones les animaux utilisés au cours des expérimentations animales (article 12). Enfin, le texte prévoit l’interdiction des expérimentations réalisées dans le cadre de recherches portant sur la xénotransplantation ou les stupéfiants (article 5 §2 lettres d et e). Cette dernière prohibition fait cependant l’objet d’un moratoire qui en retarde son entrée en vigueur. Initialement prévu pour le 1er janvier 2020, celle-ci devrait être applicable au 1er janvier 20212.
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La transposition de la directive en droit italien a fait l’objet de nombreuses critiques de la part du corps scientifique, qui argue de l’inégalité de traitement entre les structures habilitées à réaliser des expérimentations animales en Italie et celles situées dans les autres États membres de l’Union européenne, mais également du principe d’interdiction de normes nationales plus strictes au sens de l’article 2 de la directive . La Commission européenne a d’ailleurs mis en demeure l’Italie pour transposition incorrecte de sa directive en 2016 , puis émis un avis motivé demandant une modification du cadre normatif italien. Un recours en manquement devant la Cour de justice de l’Union européenne ne serait donc pas à exclure.
Une législation qui consacre le principe d’objection de conscience
À l’occasion de l’adoption de la précédente directive européenne en matière d’expérimentation animale 3, l’Italie était déjà allée au-delà de la simple transposition en consacrant le principe d’objection de conscience.
En vertu d’une loi italienne datant de 1993 toujours en vigueur 4, les professionnels de santé, techniciens, infirmiers, médecins, chercheurs et étudiants peuvent refuser de participer aux expérimentations animales. Les établissements habilités à exercer des expérimentations animales sont par ailleurs contraints de proposer des méthodes alternatives aux objecteurs de conscience. Ces derniers ne peuvent faire l’objet de sanctions ou de discriminations sur la base de leur refus de participer à des expérimentations animales.
Une législation qui reconnaît l’importance de la recherche de méthodes alternatives
Dès les années 1990, la loi italienne a insisté sur l’importance des méthodes alternatives aux expérimentations animales. Alors que la directive 86/609/CEE se limitait à encourager la recherche d’autres techniques susceptibles de fournir le même niveau d’information3, la loi italienne de 1992 a imposé le recours aux procédures les moins douloureuses pour l’animal5. Il revenait également aux structures habilitées de démontrer qu’aucune méthode alternative à l’expérimentation animale sur les vertébrés n’était envisageable.
Si la loi en question a été abrogée à la suite de la transposition de la directive 2010/63/UE, les structures qui réalisent des expérimentations animales semblent conserver cette charge probatoire. À cet égard, le Conseil d’État italien a récemment rappelé, au cours d’un contentieux relatif à des expérimentations sur des macaques réalisées par deux centres universitaires, qu’il incombe aux structures habilitées à réaliser des expérimentations animales de prouver qu’il n’existe pas de méthodes alternatives6.
Conclusion
La législation italienne en matière d’expérimentations animales semble donc s’inscrire dans une approche holistique qui prend en considération autant le sujet que l’auteur de l’expérimentation. Elle cherche donc, d’une part, à limiter la souffrance animale par l’extension des restrictions prévues par la directive 2010/63/UE ; d’autre part, elle tend à protéger les personnes habilitées à procéder auxdites expérimentations en leur permettant de faire jouer l’objection de conscience.
Hugo Marro-Menotti
[1] République italienne, « Décret législatif n°26 du 4 mars 2014 », Journal Officiel n°61 du 14 mars 2014. Retour
[2] République Italienne, « Décret-loi n° 162 du 30 décembre 2019 », Article 5 §3. Retour
[3] Conseil de l’Union européenne, « Directive 86/609/CEE du Conseil concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la protection des animaux utilisés à des fins expérimentales ou à d’autres fins scientifiques », 24 novembre 1986, Journal officiel n°358 du 18 décembre 1986, p. 1-28. Retour
[4] République Italienne, « Loi n°413 sur l’objection de conscience en matière d’expérimentations animales du 12 octobre 1993 », Journal officiel n°244 du 16 octobre 1993. Retour
[5] République Italienne, « Décret législatif n°116 du 27 janvier 1992 », Journal officiel n°40 du 18 février 1992, Article 4 §2 point 4. Retour
[6] Conseil d’Etat italien, Troisième section, Ordonnance n. 230/2020 du 23 janvier 2020. Retour