L’indice planète vivante permet de mesurer l’état de la biodiversité à l’échelle mondiale. Utilisé pour la première fois en 1970, il reste depuis négatif avec un déclin de 68% des espèces suivies (21 000 au total). L’indice démontre une disparité importante en fonction de la zone géographique étudiée mais les principales causes de cette situation sont la transformation des milieux par l’homme, la surexploitation des espèces, le changement climatique et l’introduction d’espèces exotiques dans des milieux inappropriés.
« La biodiversité que l’on voit aujourd’hui est le fruit de milliards d’années d’évolution, façonnée par les processus naturels et, de plus en plus, par l’influence des êtres humains. Elle constitue la trame de la vie dont nous sommes partie intégrante et entièrement dépendants. […] Dans chaque écosystème, les êtres vivants, y compris les êtres humains, forment une communauté, interagissant les uns avec les autres, mais aussi avec l’air, l’eau, et la terre qui les entourent. »
Convention sur la diversité biologique (2000)
L’Indice Planète Vivante
L’Indice Planète Vivante cherche à mesurer l’état de la biodiversité globale en se basant sur l’estimation de populations de vertébrés suivies de manière suffisamment standardisée au fil des années. Aujourd’hui, 21000 populations de mammifères, poissons, amphibiens, oiseaux et reptiles sont suivies dans le monde. Les sources utilisées pour estimer la taille des populations peuvent provenir d’articles scientifiques, de bases de données en lignes ou de rapports officiels. La méthode de calcul utilisée par le WWF et la Zoological Society of London (ZSL) est disponible en ligne. Les invertébrés devraient intégrer le calcul de l’indice prochainement.
La base de l’indice est de 1 et correspond au premier calcul datant de 1970. Si les populations étaient stables au fil du temps, le chiffre serait lui aussi constant. Il est malheureusement globalement négatif : entre 1970 et 2016, on observe un déclin moyen de 68 % de la taille des populations suivies. L’indice varie selon les régions et on observe une disparité forte, notamment dans les sous-régions tropicales des Amérique (Amérique latine et Caraïbes) où il atteint une moyenne de -94 %. Sont mis en cause notamment la transformation des milieux par l’homme, la surexploitation des espèces, le changement climatique et l’introduction d’espèces exotiques. La région Europe-Asie centrale est la moins touchée avec un indice de -24 %, qui est tout de même assez alarmant.
Une attention particulière est portée sur les vertébrés d’eau douce pour lesquels l’indice est de -84 %, et en particulier ceux de la « mégafaune » : dauphins de rivière, castors, hippopotames, esturgeons, poissons-chats du Mékong, dont les populations sont les plus menacées. Pour les plus gros poissons par exemple, la construction de barrages est particulièrement critique pour leur survie car ils bloquent les voies migratoires.
Une cohérence dans la multiplicité des indicateurs
Cet indice, s’il nécessite de s’intéresser en détails à sa méthode de calcul pour vraiment le comprendre et mesurer les implications de ses variations, est en cohérence avec les autres indicateurs les plus connus qui montrent eux aussi des changements majeurs dans la taille des populations et dans la biodiversité des milieux. Parmi eux, la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) met à jour les espèces classées selon le degré de menace auquel elles font face. Onze catégories existent pour les espèces, allant de « non évaluée » à « éteinte ». Cette liste fait référence et permet entre autres de sensibiliser les politiques aux risques accrus encourus par certaines espèces, et d’adapter le commerce des animaux via la Convention sur le commerce international des espèces sauvages menacées d’extinction (CITES). Si l’on s’intéresse au taxon des animaux, on remarque que le nombre d’espèces listées dont la population décroît (15 357) est bien supérieur à celui des espèces aux populations en augmentation (1 025). Les espèces listées aux populations estimées stables sont au nombre de 16 138 et les données sont inconnues pour 40 895 espèces.
Feuille de route pour redresser la courbe
Le rapport 2020 WWF-ZSL mentionne une initiative nommée Bend the Curve [PDF] (Redressons la courbe) regroupant des universités, des organisations de conservation et des ONG. Cette initiative se consacre à la modélisation de scénarios qui permettraient de stopper ou inverser la courbe de perte de biodiversité terrestre. Sept scénarios ont été élaborés, le premier étant simplement celui du statu quo (efforts limités) basé sur le scénario intermédiaire du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) en 2017 (Fricko et al., 2017).
Trois des scénarios proposent de jouer chacun sur une modalité :
- efforts de conservation pour l’un (plus d’aires protégées, des aides à la restauration des espaces…),
- production plus durable pour le deuxième (avec une augmentation de la productivité des cultures et de l’élevage dans les pays en développement)
- et consommation plus durable pour le troisième (entre autres diminution de la consommation carnée dans les pays les plus développés).
Les trois autres scénarios proposent une combinaison de ces trois modalités.
Sans surprise, le scénario permettant d’inverser complètement la courbe d’abondance moyenne des espèces – aujourd’hui en diminution – à l’horizon 2100 est celui qui intègre les trois modalités à la fois. Suit le scénario combinant les efforts de conservation et de consommation qui inverse la courbe mais plus lentement, puis le scénario combinant les efforts de conservation et de production, encore plus lent. Les scénarios se concentrant sur une seule modalité échouent à inverser la courbe vers une récupération de la biodiversité. Une approche intégrée semble donc être notre meilleure chance de contrer la disparition des espèces. Ce ne sont bien sûr que des projections mais la multiplication de ce genre d’études et la convergence de leurs résultats renforcent leur crédibilité. Des études sont également développées pour anticiper l’évolution de la biodiversité des océans.
Concernant d’autres prescriptions, le rapport évoque également les rapports de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) et de la FAO sur la biodiversité pour l’alimentation et l’agriculture.
Lire aussi: Rapport de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), revue n°102
Lire aussi: Rapport de la FAO sur la biodiversité pour l’alimentation et l’agriculture, revue n°102
Au final, malgré les actualités qui nous enjoignent au pessimisme, on peut se réjouir que des consortiums comme l’UICN, le GIEC, la FAO, l’IPBES ou d’autres publient rapports après rapports pour confirmer et tenter de convaincre même les plus sceptiques que l’appauvrissement de la biodiversité est un fait mais qu’il est encore temps d’agir – rapidement. Même le président chinois promettait le 22 septembre devant l’ONU que la Chine respecterait la neutralité carbone en 2060. Ou bien était-ce pour irriter le président américain qui se posait comme « champion de l’écologie » ?
Sophie Hild
Convention on Biological Diversity. « Sustaining Life on Earth. How the Convention on Biological Diversity Promotes Nature and Human Well-Being. » Convention on Biological Diversity. Montreal: United Nations Environment Programme, 2000.