CR: L’ours polaire et le droit – Signaux d’alerte

Jean-Marc Neumann, 2020. Préface d’Astrid Guillaume. Collection Zoosémiotique, éditions L’Harmattan, Paris

Ce compte rendu de lecture du livre, L’ours Polaire et le droit – Signaux d’alerte, écrit par Jean-Marc Neumann, informe le lecteur sur la difficulté de la survie de l’ours polaire et démontre l’impact des activités humaines à la fois sur le réchauffement climatique et sur les espèces menacées comme l’ours polaire, qui est en grand danger.

L’ours polaire, le plus gros carnivore terrestre, ne manque pas de fasciner depuis toujours. « Il est le Seigneur de l’Arctique (et…) un esprit dans la mythologie inuit » (p. 11). Jean-Marc Neumann, juriste et chargé d’enseignement en droit animal à l’université de Strasbourg, membre de nombreux conseils scientifiques, comme celui de la Société française de Zoosémiotique (SfZ), administrateur de la LFDA en 2014, nous présente cet animal emblématique et menacé. Le présent livre est le premier à paraître dans la nouvelle « Collection Zoosémiotique », créée par la SfZ.

Après avoir rappelé les caractéristiques scientifiques de l’espèce et la répartition géographique des différentes populations, Neumann introduit son propos par la description du vécu d’une ourse polaire et de ses deux oursons, « afin que le lecteur non scientifique puisse appréhender la vie d’un ours (…) et comprendre concrètement les défis auxquels il se trouve confronté » (p. 25). Ce choix est particulièrement heureux. Sur un mode romancé, nous partageons la vie quotidienne de Tara, son choix d’un mâle « le mieux à même de transmettre les meilleurs gènes » (p. 29), sa tanière sur la terre ferme, son hibernation, la naissance de ses petits, un mâle et une femelle « à l’abri des regards, des températures glaciales » (p. 28), « petites boules pataudes au pelage immaculé que rien ne distingue de la neige sinon trois ronds noirs : les deux yeux et le nez » (p. 34), qui passeront plus de deux années avec leur mère. Tara emmène ensuite ses oursons « à leur première chasse au phoque » (p. 36) et leur apprend les rudiments de la vie, une vie de plus en plus difficile avec la fonte des glaces due au réchauffement climatique.

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Armé de sa sympathie pour Tara, le lecteur est alors bien placé pour accéder aux attendus juridiques qui affectent l’ours polaire et qui constituent une large part du livre, les chartes et les conventions internationales qui visent à la conservation, les accords bilatéraux, comme ceux qui lient la Russie et les États-Unis ou les États-Unis et le Canada. À ces engagements juridiques, il faut ajouter les travaux des scientifiques comme ceux du « Polar Bear Specialist Group » (PBSG), dont le rôle est, au plan international, « de coordonner, de synthétiser et de diffuser l’information scientifique nécessaire à l’établissement d’une politique à long terme de protection de l’ours polaire » (p. 84). Il importe enfin de présenter aussi les règlementations nationales des États concernés : le Canada, les États-Unis, le Groenland (Danemark), la Norvège (Archipel du Svalbard) et la Russie, avec, en outre, « le cas particulier de l’Islande, qui n’abrite pas de sous-population d’ours polaires mais est occasionnellement l’objet de ‘visites’ de la part d’individus isolés » (p. 119), qui sont en général abattus. Cet abondant matériel, qui concerne d’abord les juristes, constitue aussi une importante documentation de référence pour toute personne intéressée par le sujet.

Les normes juridiques actuelles sont des passerelles vers les enjeux qui touchent au devenir de l’habitat de l’ours polaire, c’est-à-dire l’Arctique, « une région convoitée que les prochaines décennies transformeront en profondeur » (p. 123) : enjeux politiques et militaires impliquant notamment la Russie qui « considère l’Arctique comme son territoire » (p. 124), enjeux économiques « pour les richesses que recèle l’Arctique » (p. 127) : gaz, pétrole, terres rares… Face à de tels enjeux, le sort de l’ours semble bien précaire. Il est l’objet de diverses menaces. « Toutes cependant ont une origine commune : l’humain. » (p. 133)

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Parmi ces menaces, on trouve d’abord le réchauffement climatique. « Sans glaces marines, l’ours polaire ne peut s’alimenter suffisamment et ne peut constituer des réserves de graisse vitales pour sa survie. » (p. 133) Or le réchauffement climatique conduit à la disparition progressive de cet habitat. Mais l’animal doit aussi craindre les pollutions, dont beaucoup se concentrent dans la graisse de son corps, l’exploitation économique de l’Arctique, dans des proportions qui risquent de négliger les impératifs écologiques, le tourisme même, par lequel, malgré les efforts des croisiéristes de réduire l’empreinte-carbone des bateaux, le risque de pollution par les hydrocarbures reste bien présent. La chasse, même pratiquée de manière traditionnelle par les populations autochtones, n’arrange pas les choses chez une espèce menacée. Il y a aussi, au Canada, des « chasses au trophée » durant lesquelles « certains avancent un chiffre de l’ordre de 5000 ours tués » (p. 165). Il faut ajouter l’augmentation de la pression démographique humaine, qui rend dangereux les contacts entre ours et humains et aboutit souvent à une élimination des premiers par les seconds. Même la recherche scientifique peut être une cause occasionnelle de décès. Enfin, le réchauffement climatique conduit, indirectement, à la migration vers le Nord d’espèces concurrentes, comme le grizzly, l’orque, voire le requin du Groenland.

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Qu’en sera-t-il alors de la survie à long terme de l’ours polaire ? Comme pour beaucoup d’animaux, la captivité en parc zoologique n’est pas la solution, notamment parce que « dans leur environnement naturel, les ours polaires disposent d’un espace quasi illimité » (p. 203), qui permet des comportements impossibles en milieu clos, et qu’en captivité ils développent des stéréotypes et des pathologies mentales. Neumann formule, en conclusion, une série de recommandations visant à sauver les ours polaires, même si le sujet essentiel du réchauffement climatique « ne peut être géré efficacement qu’au niveau international » (p. 227).

Avec l’auteur, pour la survie de ce symbole merveilleux de la faune arctique, « osons espérer que la sagesse l’emportera » (p. 238).

Georges Chapouthier

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