Traditionnellement, la Suisse est progressive en matière de bien-être animal. Récemment, un projet de réforme constitutionnelle sur le sujet a mobilisé la population helvétique. La France pourrait s’en inspirer.
Les initiatives citoyennes en faveur de la cause animale qui se font jour dans de nombreux pays peuvent constituer un levier efficace pour modifier la réglementation applicable à l’égard des animaux. Si en France le RIP (référendum d’initiative partagée) s’avère difficile à mettre en œuvre compte tenu des conditions requises (proposition de la loi présentée par 1/5e des parlementaires et soutenue par 1/10e du corps électoral), il existe de l’autre côté de la frontière, en Suisse, des modalités d’exercice du processus législatif plus propices à provoquer des modifications normatives. Chez nos voisins helvètes, le mécanisme d’expression directe par les citoyens leur offre la possibilité d’obtenir une révision de la Constitution par le biais d’une initiative populaire. La proposition de texte doit réunir dans un délai de 18 mois 100 000 signatures et, sous réserve de validité, faire ensuite l’objet d’une votation populaire. C’est dans ce cadre qu’une initiative populaire « Non à l’élevage intensif en Suisse » visant à introduire dans la Constitution la protection de la dignité des animaux dans la production agricole a été déposée le 17 septembre 2019 et déclarée recevable par arrêté fédéral. Le Conseil fédéral s’est toutefois prononcé pour un rejet du texte et a présenté le 29 janvier 2020 un contre-projet jugé plus progressiste puisqu’il va plus loin que l’initiative qui se limite aux seuls animaux de rente dans la production agricole. Si le contre-projet reprend des éléments de l’initiative (protection des animaux de rente en leur assurant un hébergement respectueux, des sorties régulières et des conditions respectueuses lors de l’abattage), il s’en écarte également à double titre. D’une part, il ne retient pas la proposition d’inscrire dans la Constitution le cahier des charges de l’élevage biologique, et d’autre part, il va au-delà en proposant un principe général de protection du bien-être animal en vertu duquel tous les animaux doivent être détenus conformément à leurs besoins tout au long de leur vie.
Pour l’heure, le Conseil fédéral a consulté pour avis les cantons et différentes organisations (partis politiques, associations et fédérations) et il dispose à présent jusqu’au mois de mai 2021 pour soumettre au Parlement un projet d’arrêté fédéral. Il s’en suivra une votation populaire en 2022 ou 2023. Dans l’hypothèse où l’initiative populaire serait rejetée et le contre-projet adopté, le Conseil fédéral soumettrait alors au Parlement un projet de loi permettant de concrétiser les nouvelles dispositions constitutionnelles. Il faudra donc encore patienter avant que la Suisse ne rejoigne le Luxembourg, unique pays européen à avoir, à ce jour, inscrit dans le préambule de sa constitution son engagement en faveur du BEA.
Muriel Falaise