La chasse à la glu est utilisée par certains chasseurs pour attraper vivant des oiseaux qui seront utilisés pour en attirer d’autres. Cette méthode est décriée depuis des années pour son caractère cruel et non spécifique. Des oiseaux meurent ou sont blessés, et des espèces protégées peuvent y être piégées. Après le gouvernement français, la Cour de justice de l’UE s’intéresse enfin à cette pratique.
L’été dernier, la chasse à la glu avait fait parler d’elle lorsque la Commission européenne avait mis en demeure la France de conformer sa législation avec la directive Oiseaux qui, selon la Commission, n’autoriserait pas la pratique de la chasse à la glu. Le gouvernement français avait alors décidé de suspendre pour la première fois cette pratique, en attendant de savoir si la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) confirmerait l’avis de la Commission. Le 17 mars 2021, la décision de la Cour est tombée : la chasse à la glu n’est pas conforme au droit européen car « un État membre ne peut pas autoriser une méthode de capture d’oiseaux entraînant des prises accessoires dès lors qu’elles sont susceptibles de causer aux espèces concernées des dommages autres que négligeables ».
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L’UE se saisit enfin de la question de la chasse à la glu
En 2019, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et l’association Once Voice avaient attaqué les arrêtés de 2018 autorisant la chasse à la glu dans une poignée de départements du sud de la France. Pour rappel, ce mode de chasse consiste à capturer des grives et des merles à l’aide de batônnets engluées posés sur des arbres. Ces oiseaux, une fois capturés et mis en cage, servent d’appelants pour attirer leurs congénères qui sont eux tirés au fusil. La chasse à la glu est interdite dans l’UE mais des dérogations existent donc en France pour les Alpes-de-Haute-Provence, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, le Var et le Vaucluse.
Dans sa décision du 29 novembre 2019, le Conseil d’État avait posé une question préjudicielle à la CJUE sur le caractère sélectif ou non de cette pratique de chasse. En effet, le bâtonnet englué est susceptible de piéger d’autres espèces d’oiseaux, et notamment des espèces menacées d’extinction et/ou protégées juridiquement contre toute atteinte ou destruction. De nombreux oiseaux capturés meurent collés au bout de quelques heures, d’autres ont des plumes arrachées, les empêchant de voler correctement.
Le Conseil d’État souhaitait savoir comment évaluer la sélectivité de ce procédé de chasse en fonction de la quantité de prises accessoires (c’est-à-dire les autres espèces que les grives et les merles), son caractère non létal (en théorie) ainsi que l’obligation de libérer les spécimens sans dommages sérieux.
La décision de la Cour européenne sur la chasse à la glu
La CJUE a rendu sa décision qui risque de ne pas plaire aux chasseurs à la glu.
Le Conseil d’État avait estimé que la dérogation française autorisant la chasse à la glu poursuivait l’objectif de protéger « l’utilisation des modes et moyens de chasse consacrés par les usages traditionnels ». Cependant, la Cour a jugé que le caractère traditionnel d’une méthode de capture d’oiseaux n’est pas suffisant pour autoriser une dérogation à l’interdiction de chasse à la glu.
En outre, la Cour explique que la justification de cette dérogation n’est pas satisfaisante si elle ne précise pas, appuyée par des preuves scientifiques, l’inexistence d’autres pratiques permettant d’attraper les espèces visées par ce type de chasse. Or, la CJUE estime que d’autres méthodes tout aussi efficaces pour chasser les grives et les merles mais plus sélectives et respectueuses de l’animal semblent exister, comme la reproduction d’animaux en captivité. Il existe aussi des appeaux, ces sifflets imitant le chant de certains oiseaux, qui sont d’ailleurs déjà utilisés en partie par les chasseurs.
En outre, la Cour apporte des réponses sur les critères d’évaluation du caractère sélectif d’une pratique de chasse. Selon elle, il faut prendre en compte non seulement « l’ampleur des prises qu’elle implique pour les oiseaux non ciblés », mais aussi « ses éventuelles conséquences sur les espèces capturées en termes de dommages causés aux oiseaux capturés ». Ainsi, pour qu’une méthode de chasse soit autorisée par dérogation, le nombre de prises accessoires doit être très réduit, se concentrer sur une période limitée et le dommage aux oiseaux piégés doit être négligeable. Or, la CJUE constate que vraisemblablement et « en dépit d’un nettoyage, les oiseaux capturés subissent un dommage irrémédiable » à leur plumage à cause des gluaux.
Conclusion
En conclusion, le juge européen a estimé que le seul critère du mode de chasse « traditionnel » n’est pas suffisant pour autoriser la pratique de la chasse à la glu par dérogation et que le caractère sélectif de cette pratique, au regard des dommages non négligeables infligés aux oiseaux capturés, dont certains sont d’espèces non ciblées, n’est pas respecté. La chasse à la glu est donc non conforme à la directive européenne du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages.
Maintenant que la CJUE a tranché, le Conseil d’État devra rendre son avis sur la chasse à la glu en France. L’interdiction définitive de ce mode de chasse est en bonne voie. Cela pourrait créer un précédent pour interdire d’autres modes de chasse traditionnels, cruels et vestiges d’un autre temps.
Nikita Bachelard