En réponse à l’initiative citoyenne européenne (ICE) pour la fin de l’élevage en cage portée par Compassion in World Farming (CIWF), la Commission européenne a décidé d’engager une transition progressive vers la fin de l’élevage en cage. Cette volonté est partagée par le Parlement européen. En revanche, au Conseil de l’Union européenne, certains Etats ne semblent pas particulièrement favorable à cette solution : c’est le cas de la France.
Tout a commencé en 2018. L’ONG Compassion in World Farming, qui lutte contre l’élevage intensif, a décidé de lancer une initiative citoyenne européenne pour demander la fin de l’élevage en cage. Elle a rallié à sa pétition officielle auprès des institutions européennes environ 170 organisations partenaires, dont la LFDA qui œuvre dans ce domaine depuis plus de quarante ans.
Depuis son lancement en septembre 2018, nous avons régulièrement tenu informé les lecteurs de cette revue des avancées de cette pétition officielle. En septembre 2019, les organisateurs annonçaient le dépassement du million de signatures de citoyens européens pour demander la fin de l’élevage des animaux en cage. En octobre 2020, la Commission européenne annonçait officiellement avoir recueilli près de 1,4 million de signatures, faisant de cette ICE la sixième à dépasser le million de signatures requis par la Commission européenne. À noter que sur ces six, il s’agit de la deuxième ICE qui concerne les animaux, l’autre étant « Stop vivisection » lancée en 2012 pour mettre fin à l’expérimentation animale. Une preuve de plus que les citoyens européens se soucient du sort réservé aux animaux.
Le verdict de la Commission européenne sur l’élevage en cage
La Commission européenne devait rendre son verdict sur cette ICE six mois après la validation des signatures, mais la crise sanitaire a entrainé du retard. Le 15 avril 2021, les organisateurs de l’ICE ont été entendus par les eurodéputés pour expliquer leurs motivations et leurs revendications. À cette occasion, des parlementaires ont pris la parole pour exprimer leur soutien à la fin de l’élevage en cage. Trois représentants de la Commission européenne étaient également présents : Vera Jourova, vice-présidente chargée des valeurs et de la transparence, Janusz Wojciechowski, commissaire à l’agriculture, et Stella Kyriakides, commissaire à la santé et à la sécurité alimentaire, dont dépendent les travaux sur le bien-être animal. Tous trois ont apporté leur soutien à cette initiative. M. Wojciechowski a déclaré : « Vous avez mon plein soutien – le plein soutien de la Commission européenne pour mettre en œuvre cette transformation ». Quant à Mme Kyriakides, elle a indiqué que « le bien-être animal et la santé animale occupent une place très importante dans notre ordre du jour » et que « nous devons nous efforcer de faire mieux [et de faire plus]. Et nous sommes absolument déterminés à le faire. L’initiative citoyenne européenne en est un rappel opportun. »
Les propos des commissaires étaient de bon augure pour la réponse formelle de la Commission européenne qui a été rendue le 30 juin. La Commission a finalement annoncé son intention d’interdire l’élevage en cage progressivement, en accompagnant les éleveurs dans cette transition. En 2023, la Commission fera une proposition de texte législatif en ce sens. Elle étudie la possibilité de démarrer cette fin progressive à partir de 2027.
Le Parlement européen vote en faveur de la fin de l’élevage en cage
Entre-temps, le Parlement européen s’est prononcé sur sa position vis-à-vis de cette ICE pour la fin de l’élevage en cage. Le 21 mai, la commission agriculture du Parlement européen a voté en faveur d’une résolution demandant à la Commission européenne de mettre fin à l’élevage des animaux en cage.
Cette résolution a ensuite été soumise au vote de l’ensemble du Parlement européen en séance plénière le 10 juin. À une écrasante majorité (558 votes pour, 37 contre et 85 abstentions), les députés européens ont adopté cette résolution sur l’initiative citoyenne européenne pour la fin de l’élevage en cage. Le Parlement demande à la Commission de réviser la directive européenne sur la protection des animaux dans les élevages afin d’éliminer progressivement les systèmes d’élevage en cages. Il rappelle aussi l’importance que les normes européennes sur l’élevage en cage soient appliquées aux produits importés depuis des pays tiers. En outre, il insiste sur la nécessité d’accompagner financièrement les éleveurs dans cette transition hors cages. Il semble que les parlementaires aient été entendus. En guise de cerise sur le gâteau, les eurodéputés ont adopté un amendement qui demande à la Commission de « présenter des propositions visant à interdire le gavage cruel et inutile des canards et des oies pour la production de foie gras ».
La France à contre-courant
La fin de l’élevage en cage dans l’UE est donc en bonne voie. En France, le candidat Emmanuel Macron s’était engagé pendant la campagne présidentielle de 2017 à interdire l’élevage des poules en cage s’il devenait président. Cependant, une fois élu, il n’a pas tenu son engagement. Dans la loi EGAlim adoptée par le Parlement français en 2018, un amendement visant à interdire la création de nouvelles cages pour les poules pondeuses avait été voté. Le ministère de l’Agriculture devait publier un décret pour en préciser les modalités d’application, mais s’y est finalement refusé alors que la loi l’y obligeait. En réaction, CIWF a porté l’affaire devant le Conseil d’État. Le 27 mai, il a rendu sa décision : le gouvernement a six mois pour prendre un décret d’application, sous peine d’astreinte. Les ONG, dont CIWF et la LFDA, veilleront au contenu de ce décret pour qu’il instaure une interdiction effective de toute nouvelle cage dans les élevages de poules pondeuses.
Même si l’État français n’y met pas de la bonne volonté, la Commission et le Parlement européens ont l’intention d’en finir avec l’élevage en cage. À cela s’ajoute l’adoption de mesures en ce sens par d’autres États membres européens. C’est donc le sens de l’Histoire, que la France le veuille ou non. En tout cas, ces avancées sont des victoires historiques pour les ONG de défense des animaux et un immense espoir pour les animaux d’élevage.
Nikita Bachelard