Première et longtemps seule association à défendre les conditions de vie et de mort des animaux d’élevage, l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA) célébrait le 17 avril dernier ses 60 ans, lors d’un webinaire compte tenu des mesures sanitaires. L’occasion de rappeler les combats et les victoires de cette association qui a œuvré et continue d’œuvrer avec la LFDA pour le bien-être des animaux que l’homme destine à sa consommation.
Une rencontre inattendue
C’est une rencontre inattendue, durant l’été 1957, entre une ânesse échappée de l’abattoir de Menton, corde au cou, et une femme et sa fille venues nourrir des chats errants qui est à l’origine de l’OABA. Jacqueline Gilardoni rassure la pauvre bête, d’autant plus apeurée que le gardien de l’abattoir est à ses trousses. Elle l’achète pour lui épargner la boucherie, la baptise Amigo, et demande à visiter les abattoirs.
Elle est outrée par ce qu’elle voit, car le merlin (une sorte de masse) est utilisé, sans être d’une efficacité garantie, pour assommer les animaux afin de les immobiliser avant la saignée. À l’époque, il n’y avait pas d’immobilisation avant l’assommage, les bovins étaient tenus avec un licol, tête basse et on frappait avec la masse. L’assommage n’entrainait pas une perte de conscience mais une immobilisation de l’animal.
Femme de tête, pragmatique, elle prend contact avec des associations britanniques et découvre le pistolet d’abattage, en achète immédiatement et en fait don aux abattoirs volontaires.
Une œuvre pionnière
Jacqueline Gilardoni s’appuie sur l’expertise d’un avocat, Louis Lespine, et d’un vétérinaire, André Triau, pour créer l’OABA, dont les statuts sont déposés le 17 avril 1961. Le Droit et la Science seront toujours les deux piliers de l’association (avocats et vétérinaires sont en nombre au conseil d’administration).
Premier combat, première victoire de l’OABA, avec l’obtention du décret de 1964 qui rend obligatoire l’étourdissement préalable à l’abattage, aidée dans ce combat par Brigitte Bardot. C’est la seule fois dans l’histoire de la protection animale où la France est en avance sur l’Europe qui n’impose l’étourdissement préalable que 10 ans plus tard. En 1965, l’OABA est reconnue d’utilité publique. Une seconde victoire suit rapidement avec l’interdiction en 1966 du déphalangeage des volailles (pratique utilisée dans les élevages concentrationnaires).
Avec la Ligue française des droits de l’animal (LFDA), l’OABA participe à la Déclaration universelle des droits de l’animal en 1978. Les deux organisations s’engagent dans une lutte contre l’élevage industriel et pour l’information des consommateurs sur le mode d’élevage des poules pondeuses (avec la mention d’abord écrite sur la boîte, puis sur les œufs directement).
Faire respecter l’animal par la loi
Une circulaire interministérielle (Agriculture et Intérieur) de mars 2000 autorisait les égorgements rituels des animaux lors de l’Aïd el kebir dans de simples terrains vagues, les « sites dérogatoires ». L’OABA engage un recours auprès du Conseil d’État qui déclare illégale cette circulaire. Les abattages ne peuvent être réalisés depuis que dans des abattoirs.
Autre victoire, contre le gouvernement français, la Cour de justice de l’Union européenne, en décembre 2019, met un terme au « bio-halal » déclarant l’agriculture biologique et l’abattage sans étourdissement incompatibles. Le ministère de l’Agriculture soutenait le contraire… Sept années de procédures auront été nécessaires.
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Des actions de terrain
Dès 1993, l’OABA se voit confier la garde définitive d’une douzaine de bovins retirés à leur détenteur maltraitant et les place chez un éleveur en Savoie. C’est le début du « Troupeau du Bonheur ». Chaque année, l’OABA se voit confier des centaines d’animaux de ferme maltraités ou sans soin par leur éleveur défaillant. L’association met ainsi fin à leur calvaire et leur offre une nouvelle vie dans des fermes partenaires. Certains d’entre eux, dont la garde définitive est obtenue après décision de justice, sont gardés toute leur vie durant, sans exploitation (ni reproduction, ni abattoir). Des centaines animaux constituent de nos jours le Troupeau du Bonheur.
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Le dialogue comme valeur fondatrice, toujours privilégié
Depuis 2001, c’est un vétérinaire qui assure la présidence de l’OABA et c’est un vétérinaire qui sera appelé à lui succéder. Cette association welfariste a pour objectif d’améliorer les conditions de vie et de mort des animaux, encourageant le travail des éleveurs respectueux de leurs animaux et des abattoirs améliorant leurs pratiques, avec en autres la vidéo-contrôle. C’est dans cet esprit que l’OABA s’est associée immédiatement à l’initiative de la LFDA de créer un étiquetage définissant des niveaux de bien-être animal pour apporter une information au consommateur et l’aider dans ses choix.
Docteur Jean-Pierre Kieffer vétérinaire, Président de l’OABA
Le livre 60 années de protection des animaux, de la naissance à l’abattage est une rétrospective de toutes les actions de l’OABA. Préfacé par Allain Bougrain-Dubourg, cet ouvrage illustré retrace six décennies de protection des animaux de ferme. Il montre la persévérance et la fidélité de l’OABA à ses missions, qui se sont prolongées bien après les quarante années de présidence de sa fondatrice et se prolongeront au-delà des vingt années de celle de Jean-Pierre Kieffer, suite au passage de relais à un autre vétérinaire, Manuel Mersch.
Le livre de 165 pages très illustré peut être commandé sur le site de l’OABA au tarif de 17 euros. Les bénéfices seront intégralement reversés à l’association.