Les chats domestiques descendent des chats sauvages Felis silvestris, et depuis leur domestication au Proche-Orient il y a environ 10 000 ans, ils ont voyagé avec les hommes et se retrouvent sur tous les continents sauf l’Antarctique, avec des populations sauvages y compris dans les archipels les plus reculés. Le processus de domestication n’a altéré en rien les caractéristiques des chats (à l’exception de certaines races), notamment concernant leur intérêt pour et la performance de leurs sessions de chasse.
Au niveau mondial, l’espèce felis catus, qu’il s’agisse du chat domestique qui vagabonde ou du chat haret, a des impacts multiples sur les écosystèmes, à savoir :
- la prédation,
- l’effarouchement et le harcèlement (influencent les comportements de recherche de nourriture et de défense, les réponses au stress, le métabolisme énergétique et l’état corporel, la vulnérabilité aux autres prédateurs, ainsi que l’investissement et la production reproductive),
- la compétition (autre carnivore terrestre ou rapaces),
- la transmission de pathologies (toxoplasmose, rage ou leucémie féline) aux espèces terrestres et même marines ou encore l’hybridation (avec les autres espèces de félins sauvages).
Selon Hamer et al. (2021) les chats à l’état sauvage exercent une pression importante sur la faune locale, supérieure à celle d’autres prédateurs sauvages de taille similaire, du fait des effets combinés des densités de population plus élevées des chats, d’une plus grande intensité d’utilisation du domaine vital et de préférences plus larges en matière d’habitat.
Tous les chats domestiques passant toute ou partie de leur vie à l’extérieur, « en liberté », peuvent avoir un impact sur la faune sauvage. La grande majorité des chats de propriétaires ayant accès à l’extérieur, et bien que recevant de manière quotidienne un accès à l’aliment, prédatent.
Plusieurs facteurs peuvent influencer les taux de prédation, qu’ils soient liés à l’animal (âge, condition physique), leur environnement (lieu d’habitation, saison) ou à l’humain (soins apportés par les propriétaires, moment d’accès à l’extérieur, les dispositifs anti-prédateurs).
Plusieurs études ont documenté la diversité d’espèces prédatées par les chats, chasseurs opportunistes. Leurs proies comprennent un large éventail d’animaux, notamment des oiseaux, des mammifères pouvant aller jusqu’à 4 kg, des reptiles, des amphibiens, des poissons et des invertébrés tels que les papillons et les libellules.
Des études menées dans différents pays ont quantifié la prédation des chats sur les individus de plusieurs groupes d’espèces. Les chiffres sont éloquents, qu’il s’agisse du Canada, de l’Australie, des États-Unis ou de l’Europe, le nombre rapporté de proies est estimé à plusieurs centaines de millions chaque année, laissant présager le nombre encore plus important – 5 à 10 fois plus – d’animaux réellement tués (Loyd et al., 2013, Krauze-Gryz et al., 2019).
En fonction de la fragilité des écosystèmes (du fait de leur taille, du changement climatique, des activités humaines), il est facile de comprendre que des espèces natives puissent disparaître, non seulement celles faisant l’objet de prédation, mais également celles se trouvant privées de leurs proies naturelles.
Cela fait des chats domestiques la première source de mortalité (anthropique) pour les oiseaux et les petits mammifères, éclipsant facilement d’autres sources telles que la mortalité due aux poisons et aux pesticides et les collisions avec des structures et des véhicules (Trouwborst et al., 2020).
Le chat est également en troisième place du podium des espèces envahissantes qui menacent le plus grand nombre de vertébrés derrière le rat et le champignon chytride (fléau des batraciens) (Bellar et al., 2016).
Des campagnes d’éradication ont permis de rétablir les écosystèmes sur certaines îles. À noter qu’une telle approche a également un impact sur les autres espèces envahissantes – telle que le rat par exemple – rendant nécessaire l’élaboration d’une stratégie globale d’éradication multi-espèces.
D’autres approches moins drastiques, consistent en l’installation de clôtures, l’utilisation de clochettes ou de bavettes colorées et autres dispositifs anti-prédation, de la stérilisation et de l’identification, de la limitation des heures d’accès à l’extérieur (y compris en imposant des couvre-feux), de la limitation du nombre de chats par propriétaire ou encore de l’instauration de zones sans chats. Ces mesures peuvent être volontaires ou prescrites par la réglementation, mais nécessitent souvent de nombreuses ressources, sont difficiles à contrôler dans leur mise en œuvre et ne sont pas toujours pleinement efficaces.
Il est important de rappeler que l’un des objectifs de développement durable adoptés en 2015 par l’assemblée générale des Nations Unies (n° 15) est : « Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, […] et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité ».
D’un point de vue législatif, un arsenal existe déjà, que ce soit à des niveaux locaux, nationaux ou internationaux (voir Trouwborst et al., 2020 pour une liste non exhaustive) et ce concernant 3 domaines, à savoir :
- la réglementation sur les espèces envahissantes ;
- la réglementation relative aux zones protégées ;
- la réglementation sur la protection des espèces.
Les textes législatifs ne sont que très rarement mis en œuvre. Le coût des mesures, aussi bien financier que politique (rejet de l’opinion publique), n’est à ce jour toujours pas évalué au regard du coût porté par les écosystèmes et la biodiversité (les effets ne se faisant pas toujours ressentir à court-terme).
Bien que le bien-être physique et mental du chat ne doive pas être écarté de l’équation, il est important de ne pas lui attribuer une pondération supérieure aux intérêts des autres espèces impactées par sa présence ou supérieure aux autres espèces domestiques dont la possession est souvent régie par des conditions (réglementations) plus drastiques.
Le pan de la sensibilisation et de l’éducation des (futurs) propriétaires et soigneurs de chat est cruciale – le volet émotionnel limite l’application des mesures raisonnables que la science et l’observation nous amènent à considérer.
L’ensemble des éléments disponibles issus des études et observations indique que, du point de vue de la conservation de la biodiversité, il est souhaitable d’empêcher la propagation, de contrôler les effectifs et, idéalement, de parvenir à une réduction importante du nombre de chats sauvages et autres chats sans propriétaire.
Franck Péron