Le foie gras peut-il se passer de gavage?

Le gavage, indispensable à la production de foie gras selon la loi française, est source de souffrance pour les oiseaux. Bonne nouvelle: des alternatives plus éthiques se développent, permettant aux consommateurs de se faire plaisir sans participer au traitement cruel réservé à ces animaux.

© Photo: L214

La France est le premier pays producteur de foie gras au monde puisque 30 millions de canards et 280 000 oies sont gavés chaque année sur son territoire. Par ailleurs, la réglementation française impose la pratique du gavage aux producteurs souhaitant que leurs produits bénéficient de l’appellation « foie gras », contrairement à la plupart des pays européens qui ont massivement choisi d’interdire cette pratique. Pourtant, les Français sont de plus en plus nombreux à vouloir consommer du foie gras plus « éthique » et les alternatives au gavage se multiplient.

Contexte national: la baisse de la consommation de foie gras en France

Selon les données officielles du ministère de l’Agriculture, la consommation de foie gras diminue de manière significative puisque l’année 2019 a connu une consommation de 14,9 milliers de tonnes dans le pays contre 18 milliers de tonnes en 2015. Une telle baisse fait l’objet d’une vive inquiétude parmi les producteurs de foie gras. Ainsi, le Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (CIFOG) s’est plaint d’une « très forte chute des ventes » en avril 2020 durant la crise du coronavirus.
Cette chute dans la consommation de foie gras est cohérente avec les tendances observées au sein de l’opinion publique qui considère que la production de foie gras est une pratique cruelle. Selon un sondage de 2017, plus d’un tiers des Français refusent d’acheter du foie gras pour des raisons éthiques liées à la souffrance animale, un résultat en hausse de 18 points par rapport à 2009. Un sondage IFOP pour la Fondation Brigitte Bardot réalisé en 2016 révèle en outre que les trois quarts des Français préféreraient un foie gras obtenu sans gavage si le choix se présentait à eux. Enfin, 70 % des Français se disent favorables à l’interdiction du gavage pour produire du foie gras sachant qu’il existe des alternatives. L’opinion publique a d’ailleurs été entendue par les parlementaires européens qui ont voté, en juin dernier, un texte demandant à la Commission européenne d’émettre des propositions « visant à interdire le gavage cruel et inutile des canards et des oies pour la production de foie gras ».

La prise de conscience du public et d’une partie des décideurs publics s’explique en partie par une meilleure connaissance des souffrances liées à la production de foie gras qui repose sur le gavage, dévoilées notamment grâce aux actions d’organisations telles que L214 et la Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences (LFDA). De telles souffrances ont été objectivées par la communauté scientifique depuis un certain nombre d’années déjà. En effet, le rapport du Comité scientifique de la santé et du bien-être animal sur la protection des palmipèdes à foie gras publié par la Commission européenne en 1998 et celui du docteur vétérinaire Donald Broom de 2015 affirmaient déjà que le gavage n’était pas un mode d’alimentation naturel pour les palmipèdes gras, que celui-ci était extrêmement préjudiciable à la santé des oiseaux et qu’il entraînait une mortalité élevée chez les animaux.

Les alternatives au gavage

La production de foie gras par le biais du gavage des animaux n’est pourtant pas une fatalité : un foie gras sans gavage est possible. C’est déjà une réalité ; le produit final issu d’animaux non gavés est souvent désigné sous le nom de « foie fin ».  Pour ce faire, il suffit d’ajouter des ingrédients au foie sain, après l’abattage. Ce processus permet d’éviter de rendre les animaux malades et, ce faisant, de leur épargner d’importantes souffrances. Les producteurs eux-mêmes considèrent que le foie fin est une alternative plus respectueuse des animaux. Ainsi, la marque de foie gras Labeyrie développe une offre de foie fin pour la Suisse, la Belgique et l’Italie au titre de son engagement en faveur du bien-être animal et le supermarché Lidl a commercialisé le foin fin de la marque Pierre Guéraçague.

D’autres alternatives au gavage ont vu le jour, comme le recours à l’engraissement libre. Chez Eduardo Sousa, producteur de foie gras en Espagne, les oies sont élevées en liberté et ne sont en aucun cas gavées. De même, un producteur installé dans le département du Haut-Rhin en France est parvenu à produire du foie gras sans recourir au gavage, c’est-à-dire en mettant à la disposition des oies de la nourriture à base de maïs toute la journée.

Le chercheur à l’Inserm Rémy Burcelin et son équipe ont également mis en place un procédé permettant de produire du foie gras d’oie sans gavage au sein d’une biotech baptisée Aviwell. La méthode consiste à injecter aux oies âgées de deux jours une dose de sérum contenant des probiotiques déclenchant le stockage des graisses, imitant le processus par lequel les oies s’engraissent avant de migrer pour l’hiver. Grâce à l’injection, le foie des oies grossit sans qu’il soit nécessaire de les gaver. Toutefois, il est à noter que le foie obtenu reste un foie malade.

Ces alternatives permettraient d’éviter de recourir au gavage sans pour autant épargner aux animaux les autres mauvais traitements propres à l’élevage. Ceux qui souhaiteraient découvrir des substituts au foie gras qui n’entraînent pas de souffrance animale peuvent se tourner vers les nombreuses alternatives végétales présentes sur le marché, comme les « Faux Gras » proposés par l’association belge GAIA ou les « VEG’gras » de la marque Senfas. Enfin, la startup « Gourmey » développe du foie gras cultivé à partir de cellules de canard.

Conclusion

Malgré les alternatives existantes et une opinion publique en faveur de méthodes de production de foie gras moins cruelles, la France reste l’un des derniers pays européens à conditionner la production de ce mets de luxe au gavage. Le droit français impose en effet aux producteurs voulant commercialiser leurs produits sous l’appellation « foie gras » d’avoir recours au gavage. Qu’attend la France pour rejoindre la liste des nombreux pays européens ayant interdit le gavage ?

Ilyana Aït Ahmed

Les fêtes de fin d’année approchent, la période annuelle de forte consommation de foie gras avec.
La LFDA met toujours à disposition son livret Le foie gras. Une gourmandise au prix de la souffrance pour informer les consommateurs sur les problématiques éthiques et de bien-être animal posées par la production de foie gras.
N’hésitez pas à commander des exemplaires pour diffuser le livret à votre entourage en joignant par téléphone au 01.47.07.98.99 ou par email à contact@fondation-droit-animal.org.

ACTUALITÉS