Alors que le Royaume-Uni en possède un depuis 2004, la France vient tout juste de créer son centre national sur les 3R en expérimentation animale.
Pour rappel, le principe des 3R fait référence à : remplacer les animaux utilisés pour la recherche ; réduire au minimum le nombre d’animaux lorsque leur utilisation est encore nécessaire ; et raffiner les méthodes expérimentales pour minimiser la souffrance animale. Le centre français appelé France Centre 3R (FC3R) existe depuis la fin de l’année 2021. Peu d’informations sont disponibles à son sujet pour l’instant.
Genèse de la création du centre français sur les 3R
La création du FC3R a été rendue possible grâce à un article de la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 adopté en 2020. La loi prévoit « la création d’un centre national dédié au principe des « trois R », adossé à la recherche publique » associant notamment l’Inserm, le CNRS et l’Inrae. Il doit être « doté de moyens adaptés ». Voilà pour le principe.
En tant que membre de la plateforme française pour le développement des méthodes alternatives à l’expérimentation animale (Francopa), la LFDA a cherché à avoir plus d’information sur la création de ce centre, comment il s’articulerait avec Francopa et comment la fondation pourrait être engagée dans ce centre. Nous n’avons pas vraiment obtenu d’éléments de réponse.
Au printemps 2021, une offre d’emploi pour diriger ce centre a été publié. L’offre mentionnait le statut juridique de la structure : un groupement d’intérêt scientifique (GIS). Il doit comprendre un comité de pilotage, un comité scientifique et un conseil d’orientation et de réflexion. Ses locaux se trouvent au sein de l’École nationale vétérinaire de Maison-Alfort.
Un communiqué de presse du 22 novembre 2021 nous a appris que le FC3R a été créé à la demande du ministère de la Recherche par l’Inserm, le CNRS, l’Inrae, le CEA, l’Institut Pasteur de Paris (tous les quatre membres du Gircor, groupe de communication sur la recherche avec animaux), l’Inria, la Conférence des présidents d’université et l’Udice. Ses missions sont découpées en quatre grandes thématiques : la formation au principe des 3R, l’assistance dans la création de projets conformes aux 3R, le financement de projets en conformité avec les 3R et la communication.
D’abord tenue à l’écart de la création de ce centre à notre grand désarroi, la LFDA a finalement été invitée à rejoindre le comité d’orientation et de réflexion en début d’année 2022.
Les écueils du centre sur les 3R
Ce qui frappe à la lecture du communiqué de presse, c’est le peu de références aux animaux et à leur remplacement, le plus important des « trois R ». Remplacer des méthodes utilisant les animaux par des méthodes n’y ayant pas recours est l’objectif fixé par la législation européenne (Directive 2010/63/UE). L’objectif principal que s’est fixé le FC3R à dix ans est d’« obtenir une réduction notable du nombre d’animaux utilisés en expérimentation », ce qui serait déjà bien, mais qui semble manquer d’ambition et rester flou (« notable », cela correspond à combien exactement ?) Le centre se fixe en deuxième objectif d’« assurer un meilleur remplacement par des modèles invertébrés ou des approches complémentaires notamment in vitro ». Les modèles invertébrés, ce sont par exemple des vers ou des mouches, des animaux donc, mais qui ne sont pas comptabilisés dans les statistiques annuelles sur le nombre d’animaux utilisés dans la recherche. Il nous semble que l’objectif principal devrait être de tendre progressivement vers le remplacement de l’utilisation d’animaux à des fins scientifiques, et ce grâce au financement, développement et dissémination de méthodes n’utilisant pas d’animaux, même ceux n’évoquant pas la sympathie du grand public…
De plus, le communiqué parle de « moyens d’actions conséquents », sans préciser les fonds alloués au financement de méthodes alternatives et surtout substitutives à l’expérimentation animale. Le FC3R est un GIS, statut qui ne permet pas une autonomie financière, car ce n’est pas une personne morale. Ce statut juridique a été reproché à Francopa, qui ne dispose donc pas de financement alloué au développement de méthodes non animales.
D’ailleurs, avant la création de cette nouvelle structure, le ministère de la Recherche a indiqué que Francopa ne devrait pas continuer en tant que structure propre car une seule structure devrait persister. Francopa est partie intégrante de la plateforme européenne Ecopa (European consensus platform for alternatives). Or, à ce stade, aucun élément ne permet de connaître le rôle du FC3R vis-à-vis de la plateforme européenne.
Enfin, l’accent mis sur la « mise en place d’une communication spécifique suivant la devise « Pour une recherche responsable et innovante » » nous interpelle, d’autant plus qu’elle veut être dirigée « en priorité en direction du monde de la recherche, et aussi en direction de la société civile. » Que la communication soit tournée vers une recherche responsable et innovante ne nous intéresse pas. C’est la recherche qui doit être tournée vers la responsabilité, l’innovation, et ajoutons l’éthique. La communication, elle, a fortiori à destination de la société civile, doit être transparente, ni plus ni moins, et particulièrement en ce qui concerne l’utilisation des animaux.
Conclusion
L’idée de créer un centre dédié aux 3R qui rassemblerait tous les acteurs du domaine et qui serait doté de financements importants pour développer des méthodes substitutives à l’expérimentation animale est bonne sur le papier. Toutefois, les maigres informations dont nous disposons pour l’instant ne nous permettent pas de nous prononcer sur la pertinence et l’efficacité potentielle d’un tel centre pour le développement des méthodes alternatives et la réduction de l’utilisation d’animaux en expérimentation. En intégrant le FC3R, la LFDA veillera particulièrement à ce que les moyens alloués soient à la hauteur de l’objectif principal et que l’accent soit mis sur le premier « R » : tendre vers le remplacement de l’utilisation des animaux dans la recherche.
Nikita Bachelard