L’utilisation des animaux pour la recherche pendant la crise de la Covid-19

D’après les derniers chiffres disponibles sur l’utilisation des animaux à des fins scientifiques, le nombre de procédures expérimentales impliquant des animaux en 2020 aurait baissé de 12% par rapport à l’année précédente. Mais cette baisse n’est que contextuelle. Directement liée aux nombreux confinements, la dynamique pour réduire significativement le nombre d’animaux utilisés n’est toujours pas enclenchée. Bien au contraire.

Animaux recherche covid

Les derniers chiffres disponibles pour l’utilisation des animaux à des fins scientifiques en France sont ceux qui concernent les procédures de l’année 2020. On y apprend que le nombre de procédures expérimentales impliquant des animaux s’élèvent à 1 643 787, soit une baisse de 12 % par rapport à l’année précédente. La dynamique serait-elle enfin enclenchée pour réduire significativement le nombre d’animaux utilisés (les années précédentes, les baisses étaient d’en moyenne 1 %) ? En fait, non. Cette baisse significative s’explique en grande partie par les périodes de confinement liées à la crise sanitaire de la Covid-19, lors desquelles les procédures n’ont pas pu être réalisées. Il y a fort à parier que les chiffres seront plus élevés les années suivantes. En outre, ces statistiques occultent les animaux qui, même s’ils n’ont pas été utilisés, ont bien été élevés dans ce but, et certains même euthanasiés, faute de personnel pour s’en occuper.

Les animaux utilisés

Animaux recherche covid

En 2020, les animaux impliqués dans le plus grand nombre de procédures sont les souris (un peu plus d’un million de procédures), suivi par les rats (149 000 procédures), les lapins (144 000 procédures, à la hausse) et les poissons (120 000 procédures). Le nombre de procédures impliquant des primates a augmenté de près de 20 % par rapport à 2019, culminant à 3996, au plus haut depuis 2017, dont 2232 impliquant des singes pour la première fois. La hausse du nombre de primates utilisés s’explique, au moins en partie, par l’intérêt porté à ces animaux par les chercheurs lors de la crise de la Covid-19. Le département maladies infectieuses du Centre de l’énergie atomique a par exemple gelé ses projets initiaux pour mobiliser ses 500 primates pour la recherche sur le SARS-CoV-2. Les primates ont été grandement appréciés pour la recherche de vaccins et de traitements contre la Covid-19, en raison de leur grande proximité génétique avec les humains, et notamment de leur système immunitaire proche. Le hamster doré s’est aussi révélé être un modèle de choix pour les scientifiques, car il est très sensible au SARS-CoV-2 et semble reproduire une partie des caractéristiques humaines de la maladie. Ainsi, le nombre de procédures impliquant des hamsters dorés dans les laboratoires français en 2020 s’élevait à 8 467, soit une hausse de 43 % par rapport à 2019.

Compte tenu du fait qu’un animal peut être réutilisé dans plusieurs procédures si elles sont légères et que son état le permet, il n’est toujours pas possible, d’après les statistiques du ministère de la Recherche, de connaître le nombre exact d’animaux utilisés, ce que nous déplorons. En 2020, le nombre de procédures utilisant un animal ayant déjà participé à au moins une expérience auparavant s’élève à 34 300.

La provenance des animaux constitue encore un problème. Quatre-vingt-deux pour cent des animaux utilisés proviennent d’élevages agréés par les autorités, répondant aux normes minimales fixées par la directive européenne de 2010, qui ne sont pas assez élevées (par exemple, les surfaces et volumes pour l’hébergement des animaux sont insuffisants pour permettre la libre expression des comportements). Ainsi, 18 % des animaux proviennent d’élevages non agréés, où les conditions sont potentiellement encore moins bonnes.

Le degré de gravité des procédures expérimentales

Une expérience est soumise à la législation relative à l’expérimentation animale à partir du moment ou le degré de douleur, souffrance, angoisse ou dommage durable est équivalent ou supérieur à ce que cause l’introduction d’une aiguille. La part des procédures de gravité légère – par exemple des anesthésies, des prises de sang ou des biopsies légères – diminue, pour atteindre 30 % du total, contre 37 % en 2017. Cette baisse se fait en faveur malheureusement de procédures de gravité dite modérée, consistant notamment en des chirurgies ou des prélèvements sanguins importants sans reconstitution du volume de sang, qui culminent à 50 % des procédures en 2020. Les procédures de gravité sévère sont celles susceptibles d’engendrer « une douleur, une souffrance ou une angoisse intense », ou « une douleur, une souffrance ou une angoisse modérée de longue durée », ainsi que celles susceptibles d’avoir une incidence grave sur le bien-être ou l’état général des animaux ; elles diminuent, heureusement, mais correspondent quand même à 14 % du total. Quant aux procédures conduisant à la mort de l’animal, dites « sans réveil », elles constituent 6 % des procédures en 2020. Finalement, en additionnant les procédures de gravité modérée et sévère, près des deux-tiers des animaux subissent des dommages physiques ou psychiques non négligeables.

La finalité des procédures impliquant des animaux

Animaux recherche covid

Les animaux sont utilisés pour des recherches dans des domaines variés. En 2020, 36,7 % des procédures avaient une visée de recherche fondamentale, comme l’étude du système immunitaire ou du fonctionnement du cerveau par exemple. Cette part est en baisse, tout comme celle des expériences pour la protection de l’environnement (0,1 % du total), pour la préservation des espèces (1,2 %), pour l’enseignement supérieur et la formation (1,7 %) et pour le maintien de lignées d’animaux génétiquement modifiés (2,6 %). Quant aux enquêtes médico-légales, elles ont concerné seulement 2 procédures avec animaux en 2020.

En revanche, la part des procédures à visée de recherche appliquée et celle pour les tests de toxicité réglementaires ont augmenté par rapport à 2019. Les expériences de recherche appliquée correspondent à 27 % des procédures, soit 4,3 points de plus qu’en 2019. Celles à visée réglementaire comptent pour 30,9 % des procédures (2 points de plus qu’en 2019). Ces augmentations peuvent s’expliquer – au moins en partie – par les expériences liées à la Covid-19. Les procédures de recherche appliquée concernent notamment la recherche et le développement de vaccins et de traitement contre le coronavirus. Les tests réglementaires sont ceux exigés notamment avant la mise sur le marché d’un nouveau vaccin ou médicament.

Des informations ont circulé pendant la crise sanitaire, expliquant que les tests sur les animaux avaient été écartés pour passer directement à la phase d’essais cliniques sur l’humain, afin de gagner la course contre la montre face aux ravages du virus. Les scientifiques et les autorités ont démenti. Le ministère de la Recherche aurait même optimisé l’évaluation et la validation des projets d’expérimentation. Ce qui est vrai, en revanche, c’est que des expériences liées à la Covid-19 ont parfois favorisé les modèles in vitro et in silico, à la place des modèles animaux. Par exemple, c’est grâce à des techniques in vitro que l’efficacité du vaccin Pfizer/BioNtech contre les variants « anglais » et « sud-africain » a pu être démontrée.

Conclusion

La crise de la Covid-19 a eu impact sur les animaux de laboratoire, que ce soit ceux utilisés dans le cadre de procédures directement liées à la recherche sur le virus, ou bien ceux présents dans les laboratoires déserts. La baisse sans précédent du nombre de procédures impliquant des animaux en 2020 par rapport aux années précédentes est certainement exceptionnelle. Les statistiques des années suivantes, et notamment ceux de l’année 2021 (toujours pas publiées), permettront une comparaison. En attendant, une réelle stratégie nationale de développement et de dissémination des méthodes alternatives à l’expérimentation animale se fait toujours attendre.

Nikita Bachelard

ACTUALITÉS