Le 25 janvier 2023, l’Assemblée nationale a définitivement adopté une proposition de loi pour limiter l’engrillagement des espaces naturels et restreindre la pratique de la chasse en enclos.
Une proposition de loi « visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée » a été définitivement adoptée le 25 janvier dernier par l’Assemblée nationale. Ce nouveau texte constitue une avancée importante pour la lutte contre la chasse en enclos, pratique qui consiste à chasser dans des espaces grillagés des animaux sauvages, que les organisations de défense des animaux condamnent depuis longtemps.
L’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) avait rendu publique en 2019 une enquête réalisée dans un parc de chasse grillagé en Nouvelle-Aquitaine, où les chasseurs pouvaient traquer et tuer des sangliers, élevés pour l’occasion. Cette enquête avait notamment révélé la cruauté des participants, qui faisaient durer le plaisir en pourchassant leurs cibles le plus longtemps possible, puisque celles-ci ne pouvaient de toute façon pas s’échapper.
Après plusieurs tentatives de proposition de lois non abouties, ce nouveau texte a finalement été adopté sans grandes difficultés, députés et sénateurs s’étant mis d’accord pour limiter ces pratiques d’engrillagement et de chasse artificialisée, néfastes pour le bien-être animal et pour la préservation de la biodiversité.
Le contexte de la proposition de loi
Le 12 octobre 2021, le sénateur Jean-Noël Cardoux avait déposé une proposition de loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels pour permettre, notamment, la libre circulation des animaux sauvages. Cette proposition voulait contrer le phénomène appelé « solognisation », en référence à la Sologne où près de 4 000 km de grillages ont été posés par des particuliers le long de leurs propriétés, empêchant les intrusions d’individus mais surtout la libre circulation des animaux sauvages. Certains propriétaires engrillagent dans le but de pratiquer la chasse en enclos. L’engrillagement des forêts s’est propagé dans de nombreux autres territoires français.
L’objectif de la proposition de loi était également de garantir la libre circulation des animaux sauvages en cas d’incendies (comme constaté lors des importants feux de forêts de l’été 2022).
Si ce nouveau texte a été adopté sans encombre, c’est possiblement car il n’est pas perçu comme une proposition anti-chasse, mais comme une mesure visant uniquement certains grands propriétaires. D’après le député Richard Ramos, « chasseurs et défenseurs de la biodiversité soutiennent donc conjointement le texte, ce qui explique la convergence de vues entre les sénateurs et nous (les députés) ».
Les apports principaux de la proposition de loi
Ce texte comporte quelques avancées pour la lutte contre la chasse en enclos et pour la libre circulation des animaux sauvages, à savoir :
- Les clôtures implantées dans les zones naturelles ou forestières devront désormais être posées 30 cm au-dessus de la surface du sol, leur hauteur limitée à 1,20 m, et elles ne peuvent ni être vulnérantes ni constituer des pièges pour la faune (il existe quelques exceptions, notamment pour les clôtures érigées dans un cadre scientifique ou revêtant un caractère historique ou patrimonial). Malheureusement, les espaces engrillagés en dehors de ces zones ne sont pas concernés.
- Les clôtures déjà existantes et construites moins de 30 ans avant la publication de la loi devront se mettre en conformités avant 2027. Par contre, pour les autres, les espaces devront faire l’objet d’un plan de gestion de chasse annuel contrôlé par la fédération départementale des chasseurs. Ainsi, la chasse en enclos perdure.
- Les pratiques de l’agrainage et de l’affouragement seront désormais interdites dans les enclos qui empêchent complètement le passage de la faune sauvage. Des exceptions existent pour la « gestion cynégétique ».
Pour compenser ces nouvelles mesures, députés et sénateurs ont jugé nécessaire de garantir le respect à la propriété privée des propriétaires terriens en instaurant une contravention de 4e classe pour les promeneurs qui s’aventureraient dans ces forêts privées engrillagées[1]. Cela pourrait complexifier les choses en cas d’accident de chasse sur un promeneur, et il conviendra de s’assurer qu’il sera toujours possible de porter plainte en cas de blessure, même si la victime se trouvait sur un terrain privé au moment des faits[2].
Conclusion
Cette loi est un pas en avant pour la lutte contre la chasse, qui sera limitée une fois que les délais de mise en conformité des clôtures seront écoulés. Néanmoins, elle ne rend pas pour autant cette pratique illégale. Ainsi, dans l’intervalle de la mise en conformité des clôtures – le délai de 4 ans peut paraître excessif pour démanteler des grillages ou des barbelés – les animaux sauvages ou élevés dans la perspective d’être chassés pourront toujours faire l’objet de tueries organisées dans des espaces privés. De même, les espaces clôturés depuis plus de 30 ans pourront continuer à abriter des parties de chasse. Les mesures adoptées par le Parlement sont utiles mais restent insuffisantes. La chasse en enclos doit être interdite.
Talel Aronowicz
[1] Article 8 de la proposition de loi : « pénétrer sans autorisation dans la propriété privée rurale ou forestière d’autrui, sauf les cas où la loi le permet, constitue une contravention de la 4ème classe ».
[2] Ce problème a été mentionné dans le rapport fait au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, sur la proposition de loi adoptée avec modifications par le Sénat en deuxième lecture, par M. Richard RAMOS, 18 janvier 2023 : « jusqu’à présent, une personne qui se blessait sur un territoire de chasse pouvait en attaquer le propriétaire: ce ne sera plus le cas, puisque la propriété sera désormais protégée ».