La chasse à la baleine, largement pratiquée jusqu’au début du XXe siècle, n’est plus aujourd’hui pratiquée que par une poignée de pays. Pourtant décriée par les ONG de protection des animaux et perçue négativement par beaucoup, la pratique persiste. Mais pour combien de temps ?
La commission baleinière internationale
La première trace de chasse à la baleine remonte au IXe siècle, mais la chasse industrielle s’est développée à la fin du XIXe siècle. La graisse des cétacés était utilisée comme huile d’éclairage ou lubrifiant pour machines. Avec l’arrivée du pétrole au XXe siècle, cette utilisation a drastiquement diminué, tandis que la demande de viande de baleine demeurait importante.
Le déclin de certaines espèces de baleines inquiétait la communauté internationale. C’est pourquoi, en 1931, 22 pays se sont réunis pour signer la première convention réglementant la chasse à la baleine. Ensuite, la commission baleinière internationale (CBI) a été créée en 1948. Aujourd’hui, 88 pays en sont membres. Cette commission est limitée par le manque de moyens coercitifs pour faire appliquer les réglementations, et par la souveraineté de chaque État, décidant d’appliquer, ou non, les normes internationales nationalement.
L’huile, le blubber (lard de mammifère marin) et le cartilage de cétacés sont présentement commercialisés pour l’industrie pharmaceutique et cosmétique. La viande est encore consommée dans certains pays, mais la demande est en baisse.
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Moratoire sur la chasse commerciale
C’est en 1982, via un moratoire international promulgué par la CBI, que la chasse commerciale à la baleine est officiellement bannie mondialement. Elle demeure autorisée dans le cadre de recherches scientifiques, mais seuls quelques pays le font.
Exception culturelle
L’interdiction internationale de la chasse à la baleine ne concerne pas les peuples autochtones, comme les Nunavut ou les Inuits, pour qui cette activité est une pratique ancestrale, qui tendent à reconnaître l’animal comme sacré. C’est une pratique de subsistance, leur permettant de se nourrir, et de pratiquer leur artisanat traditionnel. La CBI prévoit des quotas de pêche, permettant aux communautés de continuer leurs pratiques au Groenland, aux États-Unis, en Russie et à Saint-Vincent-et-Les-Grenadines (Caraïbes). Le Canada, qui s’est retiré de la CBI en 1982, crée ses propres quotas pour ces communautés.
L’autorisation de chasse des peuples autochtones est critiquée, car il semble que :
- les conditions à remplir pour bénéficier de cette autorisation soient souples ;
- la viande est parfois vendue à des touristes ;
- les baleines mettent plus de temps à mourir aves des harpons traditionnels qu’avec les méthodes commerciales utilisant des explosifs ;
- des espèces en danger d’extinction sont parfois chassées.
Outre cette exception, certains pays continuent, malgré les interdictions internationales, de pratiquer la chasse commerciale. C’est le cas de la Norvège, du Japon, et jusqu’à peu, de l’Islande, lesquels ne font plus partie de la CBI.
Le cas du Japon et de la Norvège
Le Japon, initialement opposé au moratoire, l’a accepté en 1987. Bien qu’il affirmait respecter l’interdiction de chasse, la Cour internationale de justice l’a condamné en 2014. Le Japon prétextait chasser les baleines pour des raisons scientifiques alors qu’en réalité, il les commercialisait (CIJ, 2014). Le Japon mit fin à la chasse entre 2015 et 2016, avant de quitter la CBI en 2018 et de reprendre officiellement la chasse commerciale en 2019. Le pays affirme aujourd’hui être en accord avec les quotas de la CBI pour ne pas épuiser les ressources, mais continue de chasser le rorqual boréal, un animal en danger selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Il ne respecte donc pas la conservation des espèces.
De son côté, la Norvège, qui a repris la chasse à la baleine à visée commerciale en 1993, semble tuer les baleines à une allure similaire au Japon. Entre 2006 et 2015, la Norvège a tué 5 617 baleines et le Japon, 5 436. Récemment, le quota prévu par le gouvernement norvégien s’élevait à 917 baleines pour la saison, chiffre qui semble diminuer.
Chasse suspendue en Islande pour des raisons de protection animale
La chasse à la baleine a longtemps représenté une partie importante de la culture islandaise. Aujourd’hui, seulement 2 % de la population déclare manger leur viande. La plupart des chasseurs de baleines ont arrêté leur activité.
C’est pour des raisons de bien-être animal, liées au fait que la chasse à la baleine n’est pas conforme à la loi sur la protection des animaux du pays, que la ministre de l’Alimentation Svandis Svavarsdottir a décidé, le 20 juin 2023, de suspendre la chasse à la baleine jusque fin août 2023. La ministre affirme qu’elle va étudier les conditions juridiques, afin d’imposer de nouvelles restrictions sur la chasse en se basant sur la loi de protection des animaux.
Beaucoup pensent que l’activité ne reprendra pas. En effet, selon le directeur de l’ONG Humane Society International, Ruud Tombrock, « il n’y a aucune manière « humaine » de tuer une baleine en mer ». Les techniques actuelles consistent à harponner les baleines avec des explosifs, mais elles ne meurent pas sur le coup et agonisent de longues heures. En 2022, les ONG Whale and Dolphin Conservation et Hard To Port avaient alerté le gouvernement islandais sur les charges explosives des harpons utilisés qui n’explosaient pas : les baleines étaient alors soumises à un supplice atroce. Le directeur de Sea Shepherd UK affirme que « si la chasse à la baleine ne peut pas être pratiquée humainement ici, (…) elle ne peut être pratiquée humainement nulle part ». Ainsi, si les lois norvégiennes et japonaises de protection des animaux s’alignent avec celles de l’Islande, la chasse commerciale de cétacés pourrait s’arrêter définitivement.
Mariam Ghalim