La chasse aux trophées est pratiquée sur tous les continents, souvent par de riches chasseurs américains ou européens. Ces derniers importent ensuite leurs « trophées » dans leurs pays respectifs. L’importation est-elle efficacement réglementée ? Des améliorations sont-elles encore nécessaires ?
La chasse aux trophées
La chasse aux trophées est une pratique consistant à chasser et abattre un animal afin d’obtenir certaines parties de son corps en tant que symbole ou trophée. Ainsi, les éléphants sont chassés pour leurs défenses, les zèbres et les ours pour leur peau. Bien souvent, la viande de l’animal ne sera pas destinée à la consommation humaine.
Cette pratique, qui consiste à tuer un animal dans le seul but d’en rapporter un objet pour une collection, n’est pas justifiable. De plus, les méthodes utilisées causent souvent la souffrance des animaux.
Quelques chiffres
Les principaux exportateurs de trophées de chasse sont la Namibie, l’Afrique du Sud, le Canada, la Russie, l’Argentine et le Kirghizistan. Entre 2014 et 2018, 125 000 trophées ont été importés dans le monde (rapport HSI 2021 : [PDF]). Les États-Unis, premiers importateurs au niveau mondial, sont responsables de 71 % des imports.
L’Union européenne, deuxième importateur mondial, a importé environ 15 000 trophées de chasse durant cette période. Des trophées appartenant à 73 espèces protégées ont été retrouvés. Le zèbre est l’espèce la plus importée en Europe, notamment par l’Allemagne et l’Espagne : 3 119 trophées de zèbres ont été importés dans l’Union sur la même période.
Les dangers de cette pratique
Certains experts jugent cette pratique acceptable car elle permettrait de préserver à long terme certaines espèces. À l’inverse, 136 ONG de protection animale, dont la LFDA, estiment que cette chasse est incompatible avec la conservation des espèces, et que « […] cette pratique décime des espèces menacées pour la gloire affichée de quelques touristes sanguinaires et irresponsables ».
La chasse aux trophées peut causer une diminution de la santé des animaux, de leur taille (les individus les plus grands étant tués, ils perdent une chance de transmettre leurs gènes) et parfois même de la résilience des espèces. Cela peut conduire à la réduction de leur viabilité et ainsi de leurs chances de survie sur le long terme (Eurogroup for Animals, 2022 : [PDF]). Selon des études scientifiques, telles que celle publiée par la revue néerlandaise Ecological Indicators, les éléphants adoptent des stratégies de survie. Ils se déplacent plutôt la nuit, en se dissimulant dans des buissons. Il arrive aussi que des éléphants naissent avec des défenses plus courtes. Cette modification du caractère héréditaire est attribuée à la pression sélective du braconnage.
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Ces pratiques troublent les structures sociales au sein d’une population. Elles ajoutent une menace supplémentaire pour des espèces souvent déjà en danger d’extinction, comme les éléphants ou les rhinocéros. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a établi une liste rouge classant les espèces menacées d’extinction en neuf catégories. Certaines catégories, pouvant être pertinentes dans le domaine de la chasse aux trophées, vont du danger critique à la préoccupation mineure. Depuis 2015, l’Union européenne a rendu obligatoire la détention d’un permis d’importation en plus du permis d’exportation pour six espèces : le lion et l’éléphant d’Afrique, l’ours polaire, le rhinocéros blanc, l’hippopotame et le mouton argali.
La pratique ne représente pas un avantage économique important pour les locaux, car seulement 3 % des gains leur reviennent (HSI, 2021). La chasse aux trophées n’est pas efficacement encadrée. Les quotas, qui sont fixés par chacun des pays exportateurs, ne sont pas respectés (Schnegg & Dimba-Kiaka, 2018). Il y a beaucoup de corruption et peu de transparence (Balint & Mashinya, 2006).
Une inaction de l’Union européenne ?
Selon l’association Humane Society International/Europe, « si davantage de pays de l’UE interdisaient les importations de trophées de chasse, cela contribuerait efficacement à mettre un terme au massacre ». La crise mondiale de la biodiversité requiert une action rapide des gouvernements afin d’éviter la disparition d’autant plus d’espèces sauvages.
En 2019, environ 50 députés européens, accompagnés par bon nombre d’organisations de protection des animaux et de la nature, ont appelé à l’interdiction de la chasse aux trophées pour les espèces en danger, par une lettre rendue publique. Malgré le travail des ONG, l’Union européenne n’a toujours pas interdit la chasse aux trophées. Pourtant, cette pratique est décriée par plus de 75 % des personnes interrogées au sein de l’Union.
Aujourd’hui, il semble qu’un nombre grandissant de pays européens prennent des mesures pour freiner les importations de ces trophées. La France avait déjà interdit les importations de trophées de lions en 2015. Hors de l’Union, le premier ministre britannique a affirmé, en 2021, qu’il comptait mettre fin à l’importation de trophées dans son pays. Ainsi, en mars 2023, les députés britanniques ont adopté un projet de loi interdisant l’import de trophées de chasse appartement à des centaines d’espèces dont les rhinocéros et les lions. Cela marque une vraie évolution, et certains pays européens, comme l’Espagne ou l’Italie, sont en train d’étudier des projets de lois similaires. Cela pourrait être une vraie avancée dans la protection de la faune sauvage, ce qui permettrait de limiter leur déclin rapide.
Une avancée en France
En France, le trafic d’animaux sauvages est le 4e trafic le plus important. Entre 2014 et 2018, la France a importé 752 trophées (HSI, 2021). La plupart des trophées importés sont issus d’espèces menacées d’extinction listées par l’UICN. Lorsque leur viande est importée, elle est confisquée par la douane car leur consommation est interdite. La France est le seul pays au monde à avoir importé des trophées de rhinocéros noir et de narval, alors que ce sont des espèces en danger critique d’extinction. L’importation du narval n’est pas encore interdite.
Le 21 juin 2023, 113 députés de l’Assemblée nationale sur 114 votants ont voté pour renforcer les moyens qu’ont les agents des douanes pour lutter contre l’importation de trophées de chasse illégaux. Les agents sont désormais autorisés à prétendre être des acheteurs afin d’arrêter les personnes important illégalement ces trophées. Selon la procédure du « coup d’achat », les agents des douanes peuvent effectuer des enquêtes judiciaires. Ils peuvent même poursuivre de manière transactionnelle ou judiciaire les infractions commises, après une enquête des agents des services d’enquêtes judiciaires des finances.
Sandra Regol, la député ayant proposé cet amendement, affirme qu’il est nécessaire d’« instaurer des restrictions dans l’importation scandaleuse, frauduleuse et pourtant légale, de ces dépouilles d’espèces protégées qui émeuvent chaque fois la population. Nous allons enfin y mettre un terme ».
Nous sommes encore loin de l’interdiction totale de l’import de trophées de chasse. Cette décision montre tout de même que certains parlementaires sont prêts à monter au créneau pour dénoncer ce type de chasse.
Mariam Ghalim