Billet de Louis Schweitzer : Un arrêt très important concernant l’abattage sans étourdissement

Billet du président • revue n°120 (Hiver-Printemps 2024)

La Cour européenne des droits de l’homme rend un arrêt très important concernant l’abattage sans étourdissement

La Cour européenne des droits de l’homme assure pour les 46 pays du Conseil de l’Europe le respect de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle peut être saisie par les citoyens ou les ONG et prononce des arrêts qui s’imposent aux juridictions nationales et aux gouvernements. Elle vient de rendre un arrêt très important pour les droits des animaux sur une affaire concernant l’abattage rituel des animaux sans étourdissement préalable.

Les gouvernements des régions flamande et wallonne de la Belgique, juridiquement compétents, ont, après une longue instruction et de nombreuses consultations, interdit cet abattage qui ne respecte pas le bien-être animal.

Des personnes et des organisations appartenant aux religions juive et musulmane ont formé des recours contre ces décisions. La Cour a rejeté ces recours ; elle a relevé que l’étourdissement préalable était, selon un consensus scientifique établi, le moyen optimal pour réduire la souffrance de l’animal. Elle a noté que cette interdiction n’empêchait pas les fidèles de se procurer de la viande abattue dans d’autres régions et pays conformément aux rites de leur religion.

Ce qui est essentiel dans cet arrêt et constitue une avancée majeure pour les droits des animaux va bien au-delà de la question de l’abattage : la Cour a estimé que la protection de la morale publique, à laquelle se réfère la Convention européenne des droits de l’homme ne peut être comprise comme visant uniquement la protection de la dignité humaine dans les relations entre personnes. En effet, la Convention ne se désintéresse pas de l’environnement dans lequel vivent les personnes qu’elle vise à protéger, et en particulier des animaux dont la protection a déjà retenu l’attention de la Cour. Aussi, la Convention ne pourrait-elle être interprétée comme promouvant l’assouvissement absolu des droits et libertés qu’elle consacre sans égard à la souffrance animale.

La notion de « morale » est évolutive par essence et la protection du bien-être animal constitue une valeur éthique à laquelle les sociétés démocratiques contemporaines attachent une importance croissante.

Il en résulte que la Cour peut en tenir compte lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, d’examiner la légitimité du but poursuivi par une restriction au droit à la liberté de manifester sa religion. Par conséquent, la Cour estime que la protection du bien-être animal peut être rattachée à la notion de morale publique, ce qui constitue un but légitime au sens de l’article 9 de la Convention.

Ainsi, il est légitime, au nom de la morale publique, qui intègre la protection du bien-être animal, de restreindre la liberté de manifester sa religion.

Louis Schweitzer

ACTUALITÉS