Alors que plus d’un tiers des mammifères marins sont aujourd’hui menacés, seuls 3 % de l’espace marin mondial serait épargné par la pression humaine. Longtemps considéré comme « un espace de liberté pour tous », la haute mer n’est plus protégée par son éloignement et requiert une protection nouvelle.
30 % des océans protégés d’ici 2030
En absorbant près de 30 % du CO2 et 90 % de la chaleur émis dans l’atmosphère par les activités humaines, l’océan est un puit à carbone essentiel à la régulation du climat. Mais l’océan est aussi une des principales réserves de biodiversité de la planète. Il constitue plus de 90 % de l’espace habitable et abrite 250 000 espèces connues.
Pour ces raisons, la communauté scientifique appelle à protéger au moins 30 % des océans d’ici 2030. Cet appel a été entendu par les États participant à la COP 15 sur la biodiversité de Kunming-Montréal en décembre 2022, qui ont retenu cet objectif. Le traité dit « BBNJ » est un des outils qui devrait permettre d’atteindre cet objectif.
Le BBNJ, un traité historique
Le traité « BBNJ » (marine biodiversity of areas beyond national jurisdiction, soit « la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale ») est un accord sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine en haute mer.
La haute mer est la zone qui s’étend au-delà de la juridiction nationale des États. Elle représente plus de 60 % de la surface des océans, près de la moitié de la surface du globe et 80 % de la biosphère.
Après vingt ans de négociations, les 193 États de l’ONU sont parvenus à un accord, adopté le 19 juin 2023. L’accord BBNJ entend permettre la création d’aires marines protégées en haute mer, la réalisation d’études d’impact environnemental, mais aussi un accès équitable et un partage des bénéfices des ressources génétiques marines en haute mer.
En renforçant la gouvernance mondiale des océans et en établissant un cadre juridique contraignant pour protéger la haute mer, cet accord représente une avancée historique. Comme l’a justement énoncé António Guterres, secrétaire général des Nations unies, « ce traité est crucial pour faire face à la triple crise planétaire du changement climatique, de la perte de biodiversité et de la pollution ».
Les scientifiques s’accordent pour reconnaître que la création d’aires marines protégées est fondamentale pour restaurer la biodiversité des océans, aider les écosystèmes marins à se régénérer et ainsi préserver les biens et services qu’ils fournissent. Aujourd’hui, seul 1 % de la haute mer serait protégé.
Cet accord devrait permettre d’identifier les zones nécessitant une protection particulière en haute mer, d’y établir de nouvelles aires marines protégées et d’ouvrir un fonds mondial pour la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité. Ce faisant, il représente une étape clef pour protéger l’océan et permettre un juste partage de ses ressources.
Un traité nécessaire, mais insuffisant ?
Par souci de cohérence et de sécurité juridique, le traité BBNJ ne portera pas sur les ressources minières des fonds marins, d’ores et déjà régies par l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), ni sur la gestion de la pêche, qui reste la compétence prioritaire des organisations régionales de pêche (ORGP).
Bien que le champ d’application du traité BBNJ ne puisse concurrencer la compétence de ces organisations, l’obligation d’études d’impact environnemental avant tout projet industriel, prévue par le traité, permettra de facto un contrôle indirect des activités humaines sur les eaux internationales.
L’articulation et la coordination avec les institutions préexistantes sera nécessaire pour assurer le respect des objectifs de conservation et d’utilisation durable de la haute mer, mais risque de ne pas être évidente en pratique.
La prochaine étape sera de veiller à une mise en œuvre concrète du traité, à commencer par sa ratification par un nombre d’États suffisant.
Une protection effective attendue en 2025
2024 a été déclarée l’année de la mer par le président de la République Emmanuel Macron. Il y a pourtant peu de chances que l’accord BBNJ produise des effets avant 2025.
L’accord est ouvert aux signatures pendant deux ans, depuis le 20 septembre 2023. Le nombre important de signature – plus de 80 dès les premiers jours – témoigne de la volonté politique des signataires de procéder à une ratification rapide du traité.
La signature ne représente en effet qu’une intention. Le traité ne pourra entrer en vigueur que lorsqu’il aura été ratifié par au moins 60 États membres de l’ONU. De la rapidité à laquelle sera ratifié le traité dépendra notamment la possibilité d’appliquer l’engagement de protéger 30 % des océans d’ici 2030.
La France, qui possède la deuxième zone économique exclusive mondiale, espère pouvoir annoncer l’entrée en vigueur du traité à l’occasion de la prochaine conférence des Nations unies sur les océans qu’elle organisera à Nice en juin 2025.
Alors qu’une coalition transpartisane pour la protection de l’océan a été lancée par des ONG et des parlementaires le 26 mars dernier, l’Assemblée nationale devra se prononcer sur la ratification du traité BBNJ fin mai.
Leslie Valloir