Les dissections toujours pratiquées en classe

Les dissections d’animaux en classe sont toujours légales en France, mais elles sont réglementées.

On ne peut pas parler d’enseignement sur les animaux sans aborder la question de la dissection. Cette pratique de biologie consiste à étudier des animaux morts ou des tissus ou organes d’animaux. La dissection animale à des fins d’enseignement scientifique est pratiquée en classe depuis le début des années 1900 (Kinzie, 1993). Elle a pour objectif de former les élèves à « la complexité de l’anatomie, des organes et la fragilité du vivant ». Malgré des controverses éthiques évidentes, elle est toujours légale en France.

L’expérimentation animale en classe

Dès 1967, la circulaire du ministère de l’Éducation nationale n° IV-67-70 du 6 février visait à rappeler aux enseignants de sciences naturelles que la vivisection, soit la dissection d’animaux vivants sans anesthésie, telle que la pratiquait Claude Bernard, ne devait pas être pratiquée ni par les élèves, ni devant eux en classe. Une circulaire du 8 août 1973 précisait que l’expérimentation animale avec anesthésie, pouvait en revanche être réalisée en cours de sciences. Vingt ans plus tard, une note de service du ministère de l’Éducation nationale n° 93-260 du 6 août 1993 précisait que des expérimentations sur des animaux vivants « sont admises uniquement dans les classes de Première et Terminale de sciences et technologies de laboratoire, biologie-génie biologique […] et dans les classes préparant aux brevets de technicien supérieur : analyses biologiques, biochimie, biotechnologie ».

Désormais, l’expérimentation animale est interdite lorsqu’elle est pratiquée sur les vertébrés et les invertébrés céphalopodes (poulpes, pieuvres, seiches…) dans l’enseignement primaire et secondaire. C’est ce qu’indique, par interprétation a contrario, la directive européenne 2010/63/UE sur la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques et le décret n° 2013-118 du 1er février 2013 qui la transpose en droit français. En effet, ils autorisent l’expérimentation animale dans l’enseignement supérieur et la formation continue, l’enseignement secondaire n’étant pas cité. N’entrant pas dans le champ d’application des textes précités, les invertébrés vivants peuvent, eux, faire l’objet d’expérimentation en classe de collège et lycée. Ainsi, l’association des professeurs de biologie et de géologie (APBG) met à disposition une fiche pour observer les chromosomes géants des larves de chironome (proche du moustique).

La dissection d’animaux dans l’enseignement secondaire

La dissection animale, pratiquée sur des animaux morts ou des tissus ou organes prélevés sur des animaux, n’entre pas dans les types d’utilisation d’animaux à des fins scientifiques couverts par les dispositions de la directive et du décret précités. Une circulaire du ministère de l’Éducation nationale du 28 novembre 2014 est venue préciser les conditions des dissections en classe : pratiquée « sur des vertébrés ou des produits issus de vertébrés faisant l’objet d’une commercialisation destinée à l’alimentation. La dissection des souris est donc désormais totalement exclue de toutes les classes jusqu’au baccalauréat ». Une levée de boucliers d’enseignants de Sciences de la Vie et de la Terre (SVT) et une affaire portée jusqu’au Conseil d’État a conduit la ministre de l’époque à prendre une nouvelle circulaire n° 2016-108 du 8 juillet 2016, toujours en vigueur. Sur le fond, le contenu est le même :

« des dissections ne peuvent être réalisées que :
– sur des invertébrés, à l’exception des céphalopodes ;
– sur des vertébrés ou sur des produits issus de vertébrés faisant l’objet d’une commercialisation destinée à l’alimentation.
Par conséquent, il n’est plus procédé à des dissections d’animaux morts élevés à seule fin d’expériences scientifiques. »

Les dissections sont donc permises sur des animaux ou morceaux d’animaux vertébrés destinés à la consommation humaine (cuisses de grenouille, cœurs de poule, testicules de mouton…) et des invertébrés autres que les céphalopodes (branchies de moule, gonades d’oursins…). Les dissections sur les souris, qui ne sont pas consommées pour l’alimentation humaine, sont donc bien interdites.

Une pratique controversée

Si la dissection est restreinte aux vertébrés élevés à des fins de consommation humaine et aux invertébrés, éventuellement vivants, elle n’en est pour autant pas anodine. Comme le rappelait le Pr Jean-Claude Nouët en 2016, lors de la polémique autour des circulaires évoquées, la présomption de sensibilité devrait prévaloir pour les espèces dont il n’a pas été démontré qu’elles ne sont pas douées de sensibilité. Dans ce domaine, la science progresse : un rapport scientifique de 2021 a établi pour de bon la sensibilité des crustacés décapodes (crevettes, homards…) et des études émergent sur la probabilité plus ou moins élevée de sensibilité de certains groupes d’insectes.

De plus, le Pr Nouët estimait que la vivisection d’insectes était « ni plus ni moins […] inculquer [aux élèves] l’indifférence à l’égard de la vie animale ». Dans une note de service de la Direction générale de l’enseignement et de la recherche en date de 2016, le ministère de l’Agriculture estime que « l’utilisation d’animaux dans les classes – observation dans le milieu de vie, observation en élevage, expérimentation, dissection d’organes ou d’animaux morts – permet […] [un] apprentissage de valeurs fondamentales, notamment le respect de la vie animale » (sic). Si la connaissance contribue certainement au respect, elle est acceptable quand elle est acquise par l’observation ou d’autres techniques qui n’atteignent pas à l’intégrité de la vie d’un animal, quel qu’il soit. D’ailleurs, le lien est bien étudié entre la maltraitance ou la cruauté exercée par des enfants envers des animaux et leur exposition à de tels actes. Les valeurs d’empathie et de compassion sont tout aussi essentielles à inculquer aux enfants que « la complexité du vivant ».

En finir avec la dissection à l’école

La dissection d’animaux en cours de sciences est une pratique controversée depuis longtemps, comme le montrent les multiples circulaires qui ont forgé son encadrement. La sensibilisation des élèves à l’environnement, aux organismes qui constituent le monde dans lequel ils vivent, ne justifie pas d’atteindre à l’intégrité physique d’animaux, au contraire. Le respect de la Vie sous toutes ses formes commence par ne pas mettre à mort en vue d’une dissection, voire vivisecter, un animal à l’école. Apprécier le fonctionnement des animaux à travers l’observation dans leur environnement naturel, la lecture, ou encore des moyens audiovisuels ou informatiques est le meilleur moyen d’intéresser les jeunes citoyens aux animaux et aux SVT sans les heurter et leur montrer qu’une vie animale, quelle qu’elle soit, doit être respectée. Le ministère de l’Agriculture reconnait que ces manipulations peuvent choquer les enfants et recommande, dans la note de service en date de 2016, d’« utiliser des logiciels de simulation ou des documents vidéo pour remplacer l’expérimentation sur les vertébrés ou les manipulations sur invertébrés pouvant choquer les élèves ». D’ailleurs, certains élèves demandent à ne pas participer à ces manipulations.

Conclusion

L’école doit inculquer aux enfants les connaissances sur les animaux qui leur permettront de comprendre et de s’intéresser au monde qui les entoure. Ces connaissances ne peuvent pas être enseignées au détriment des animaux. La dissection d’animaux morts n’a pas sa place en classe.

Nikita Bachelard

Lire aussi : Supplément revue 120 : L’animal et l’école

ACTUALITÉS