Les organisations de protection animale ont profité de la campagne électorale pour inciter les candidats aux européennes à défendre dix grands sujets pour l’amélioration du bien-être animal.
Le rituel des questionnaires aux candidats
C’est désormais une habitude pour les organisations de protection animale de faire cause commune à l’approche des échéances électorales. Depuis la présidentielle de 2022, cette coalition d’ONG – une trentaine, dont la LFDA – a pris la forme d’un collectif nommé Engagement Animaux. Pour la LFDA, qui sollicitait les candidats à la présidentielle dès 1981, et bien qu’elle déplore une absence flagrante de résultats concrets, recourir aux questionnaires est devenu systématique.
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Les candidats aux élections sont rompus à cet exercice qui a trait à tous les sujets imaginables. Pour les ONG de protection animale, c’est un outil qui a démontré son utilité : il permet de mesurer l’évolution ou bien l’absence d’intérêt de la classe politique pour les sujets relatifs aux animaux, d’identifier les sujets clivants au sein des différentes familles politiques, ou encore de rappeler aux élus les engagements pris en période électorale. De mesures au départ très ambitieuses voire symboliques, les propositions des ONG sont devenues plus techniques au fur et à mesure que le milieu associatif s’est professionnalisé et qu’il a investi le terrain politique. Ainsi, alors que la LFDA avait soumis, avec la Fondation Assistance aux Animaux, une unique question aux présidentiables en 1988 (« serez-vous déterminé à faire accorder à l’animal le statut de personne juridique ? »), elle a soutenu cette année un manifeste* de 33 mesures.
Pour une Europe engagée pour les animaux
Intitulé Vote for Animals 2024 dans sa version originale, le manifeste soumis aux candidats est tout d’abord le fruit du travail des ONG membres de l’Eurogroup for Animals (dont la LFDA), un réseau européen dédié à l’amélioration du bien-être animal par le plaidoyer. Le texte est axé autour de 10 grands engagements thématiques déclinés en mesures concrètes pour une meilleure protection des animaux d’élevage, aquatiques, sauvages, de compagnie, d’expérimentation ou élevés pour leur fourrure. Elles répondent à des enjeux d’actualité (négociations issues de la stratégie « De la ferme à la table », engagements de la Commission à la suite des ICE pour l’interdiction de l’élevage pour la fourrure et des cages, appel au déclassement du niveau de protection du loup, etc.) et font l’effort de se plier au pragmatisme des institutions, sans pour autant désavouer les thématiques émergentes telles que la protection des céphalopodes ou les alternatives protéiques. Ainsi, bout-à-bout, la trentaine de propositions constitue un programme thématique exhaustif, fourni clé-en-main aux élus et aux partis qui souhaiteraient s’en emparer.
Une initiative commune, à quelques exceptions près
La campagne Vote for Animals 2024 a rayonné dans l’ensemble des États membres grâce à une plateforme en ligne où les candidats pouvaient s’engager en quelques clics. À l’échelle nationale, les différentes ONG et coalitions telles qu’Engagement Animaux 2024 ont sollicité les candidats et appelé le public à interpeler ceux qui ne s’étaient pas encore positionnés. Ce mode d’action, aujourd’hui largement répandu, a cependant montré quelques limites. Car si la campagne consistait d’abord en un simple appel à signature du manifeste, en France, les ONG ont fait exception en optant pour un format « à la carte » où les mesures pourraient être soutenues indépendamment les unes des autres. Lors de précédentes campagnes électorales, les organisations membres du collectif s’étaient effectivement heurtées à l’écueil des négociations à la française. La plateforme d’Engagement Animaux a donc fait le choix de classer les candidats français selon le taux de mesures cochées. La coalition italienne a elle aussi été confrontée à la réalité du rapport de force politique local. En Italie, il est nécessaire de réunir au moins 4 % des suffrages pour obtenir un siège au Parlement européen. Dans un souci d’efficacité, les ONG ont donc pris la décision de refuser les signatures des candidats évalués à moins de 3 % dans les sondages – quitte à désavantager le petit Partito animalista – et ont appelé leurs sympathisants à faire converger leurs voix au profit de partis mieux installés. Malgré divers ajustements, les collectifs d’ONG, qui revendiquent pour beaucoup un principe de neutralité, se retrouvent aujourd’hui plus que jamais confrontés aux limites de leurs outils de lobbying transpartisans : peut-on appeler à préférer des candidats qui promettent de s’engager pour les animaux non-humains, sans conditions, en faisant abstraction du manque de considérations éthiques du reste de leur programme ou de votes contradictoires ? « Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent », disait un ancien chef du gouvernement.
Les animaux, privés de débats
Entre crises agricole, économique et géopolitique, le sujet animal n’a pas trouvé sa place dans le débat politique malgré les efforts des ONG. Pire, évoquer le sort des animaux ou les risques environnementaux pendant la campagne électorale, alors que le mouvement de colère des agriculteurs atteignait son paroxysme, pouvait nourrir un sentiment de déconnexion. À l’inverse, il fût l’un des grands thèmes de la dernière campagne présidentielle, ce qui avait permis l’obtention d’engagements prometteurs chez les candidats, certainement galvanisés par le succès de la loi contre la maltraitance animale adoptée quelques mois plus tôt.
Dans ce contexte peu propice, la campagne d’Engagement Animaux est malgré tout parvenue à rassembler les signatures de neuf listes et de leurs 737 candidats. Si les partis ouvertement engagés pour l’amélioration du bien-être animal ont rapidement répondu à l’appel (les Écologistes et les divers partis verts, le Parti Animaliste et la France Insoumise), les engagements des partis de gouvernement, comme la liste PS-Place Publique, ont été plus tardifs, voire inexistants. In extremis, la liste soutenue par Emmanuel Macron s’est difficilement engagée sur 70 % des mesures, à la suite de nombreuses sollicitations. Enfin, à l’extrême gauche, à la droite et à l’extrême droite de l’échiquier politique, aucune liste ne s’est saisie du manifeste. Un constat fidèle aux positions exprimées sur la condition animale par ces partis ces dernières années, aussi bien au Parlement français qu’européen.
Deux tendances se dégagent de cet exercice : les partis du centre et de la gauche se sont engagés ou ont renouvelé leurs engagements malgré un contexte social et économique difficile, tandis que les forces de droite et d’extrême-droite se sont resserrées autour de positions de plus en plus conservatrices, au détriment des animaux.
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À l’annonce des résultats de l’élection, les ONG d’Engagement Animaux ont dressé le bilan de leur campagne. Au total, 1 000 candidats issus de l’Union européenne ont signé le manifeste Vote for Animals 2024. Parmi les 81 français élus, la moitié d’entre eux a choisi de soutenir une grande majorité des mesures du manifeste. Les organisations de protection animale sauront leur rappeler leurs engagements durant leur mandat.
Léa Le Faucheur