Un récent sondage réalisé par Ipsos I&O à la demande de l’ONG CAS International s’intéresse à la perception de la corrida par la population des trois pays européens où elle est toujours pratiquée : la France, l’Espagne et le Portugal.
La population est majoritairement critique
Ce sondage, réalisé en mars et avril 2024 auprès d’un échantillon représentatif de 7 500 personnes, révèle que les citoyens concernés sont majoritairement défavorables à la corrida et semblent attendre des institutions qu’elles luttent en ce sens. De manière générale, on constate également que les femmes se prononcent beaucoup plus contre la corrida, avec des écarts allant jusqu’à 18 points par rapport aux hommes, en particulier au Portugal.
Voici une partie des résultats de ce sondage :
- 77 % pensent que la corrida cause trop de souffrance aux taureaux.
- 58 % pensent que la corrida devrait être interdite.
- 74 % pensent que l’Union européenne devrait protéger le bien-être animal au sein des traditions culturelles.
- 67 % ne sont pas d’accord avec l’utilisation d’argent public pour soutenir les corridas.
Des avis sensiblement différents selon le pays
Les résultats sont présentés de manière globale puis détaillés par pays, ce qui met en lumière les disparités entre les trois territoires. On peut noter que les Français et les Portugais sont respectivement les moins et les plus convaincus par les questions liées à la souffrance animale. Ainsi, les Français sont moins nombreux à penser que la tauromachie cause trop de souffrance aux taureaux (73 % dont seulement 69 % des hommes, contre 83 % des Portugais). La capacité des animaux à ressentir la douleur et d’autres émotions comme la peur et le plaisir fait plus consensus au Portugal (96 %) qu’en France (92 %). À l’inverse, les Français sont davantage d’accord pour interdire aux mineurs d’assister aux corridas (69 % contre 63 % des Portugais et des Espagnols). Soixante pour cent des Français et des Portugais pensent que la corrida devrait être interdite, face à 54 % des Espagnols. Un peu plus de la moitié des Français (54 %) estiment qu’il ne s’agit pas d’une tradition « précieuse » dans leur pays, c’est 9 points de plus que pour les Espagnols. De manière générale, les Espagnols semblent avoir une vision plus conservatrice de ces enjeux.
Billet de Louis Schweitzer : « La corrida, acte barbare, perdure, mais ce n’est que partie remise » (n° 118)
Comment votent les « anti » et les « pro » corrida ?
Ces résultats sont également mis en regard des votes des répondants à la dernière élection nationale (présidentielle ou législative de 2022 pour la France). Si les sujets relatifs à la souffrance des animaux, dont celle infligée par la corrida, ne révèlent pas de disparités selon les orientations politiques, c’est le cas des autres thématiques (interdiction, tradition, rôle des institutions, etc.). Ces contrastes constatés dans les trois pays, parfois au sein d’un même électorat, pourraient faire l’objet d’une analyse en soi pour en tirer les leçons tant ils semblent évoquer des spécificités culturelles et politiques profondes. Le sujet nous est pourtant commun à tous, quelles que soient les frontières : celui de notre empathie face à la souffrance animale banalisée et élevée au rang de divertissement.
Léa Le Faucheur