Le devenir des cétacés du Marineland

Le 4 décembre 2024, le Marineland d’Antibes, plus grand parc marin d’Europe, a annoncé qu’il allait vider ses bassins dès le 5 janvier et relocaliser les animaux dans d’autres structures. La question de leur bien-être est évidemment centrale aux yeux des ONG, dont la LFDA, qui souhaitent que Marineland ne prenne pas les choses à la légère. Une telle relocalisation doit reposer sur des éléments sérieux.

Photo d’illustration

L’inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) avait mené une mission d’exploration des différentes options relatives au devenir des cétacés du Marineland d’Antibes. Ses conclusions, rendues en juin 2024, ont été publiées en septembre. La mission a évalué les options possibles pour les deux orques et les 12 grands dauphins restants et en a tiré des recommandations à destination du ministère de l’Environnement et du parc.

Convertir un delphinarium en parc d’attractions

En 2019, la LFDA avait participé à une concertation du ministère de l’Environnement sur la captivité des cétacés. Après analyse des résultats financiers de l’entreprise, elle pointait déjà du doigt son chiffre d’affaires en baisse. Anticiper la fin de l’activité, notamment par l’arrêt de la reproduction des cétacés, paraissait nécessaire. La direction du parc avait fait la sourde oreille.

En 2022, Marineland avait déjà pris la décision de se séparer de ses cétacés. Cette décision faisait suite à une chute de rentabilité depuis une dizaine d’années, que le parc a imputée à la pression des organisations de protection animale, à la loi visant à lutter contre la maltraitance animale de 2021, aux graves inondations subies en 2015 et à la pandémie de Covid-19.

Afin de faire de son delphinarium un parc d’attractions, Marineland doit effectivement commencer par se séparer de ses animaux. Il n’est donc plus question, comme les organisations de protection des animaux l’ont proposé depuis une dizaine d’années, d’arrêter la reproduction des animaux pour attendre le décès progressif des derniers animaux. Marineland souhaitait que les orques et les dauphins soient partis au plus tard en février 2026. L’entreprise n’a donc pas souhaité profiter de la dérogation proposée par la loi de 2021 pour conserver les cétacés dans le cadre de programmes scientifiques.

Lire aussi : « Quel sort pour les orques captives en France ?« 

Le transfert vers le Japon refusé par le gouvernement

Bien que Marineland ait longtemps refusé de le commenter dans la presse, un contrat a été signé en octobre 2023 avec Kobe Suma Sea World au Japon, pour y transférer tous les orques et dauphins. Le transfert aurait pu être rapide car le parc japonais était prêt à les accueillir. Il souhaitait utiliser Wikie pour la faire se reproduire. La mission note que les bassins dans lesquels auraient été accueillis les orques sont bien plus modernes que ceux de Marineland mais sont néanmoins largement plus petits, ne représentant qu’un tiers de la surface et un cinquième du volume des bassins actuels des orques. Autant dire qu’il se serait agi pour les épaulards de quitter une piscine pour rejoindre une baignoire.

Pour des raisons évidentes de bien-être animal, mais aussi face à la pression de l’opinion publique, la mission s’est montrée hostile à cette option. Au mois de novembre 2024, un permis d’exportation, document administratif indispensable pour le déplacement d’orques entre deux pays dans le respect de la Convention sur le commerce international de faune et de flore sauvages, a été demandé aux services déconcentrés de l’État. Fort heureusement, la ministre de l’Environnement Agnès Pannier-Runacher a annoncé que l’État s’opposait au transfert des orques vers le Japon.

Un autre parc est envisagé pour transférer les animaux, en Europe cette fois : il s’agit du Loro Parque de Tenerife, seul établissement européen détenant encore des orques, avec Marineland. L’option est rendue possible depuis que le nombre d’orques au Marineland a été divisé par deux. Les conditions de détention des animaux seraient relativement similaires à leurs conditions actuelles, mais la reproduction des animaux, y compris de Wikie, reste possible.

Privilégier les sanctuaires aux delphinariums étrangers

L’IGEDD a évalué plusieurs options de sanctuaires pour orques et pour dauphins. Un appel à manifestation d’intérêt pour un projet de sanctuaire a été lancé début 2024 et les résultats ont été analysés par l’IGEDD. Un certain nombre de dossiers de projets de sanctuaire, portés par des associations, ont été écartés par la mission, pour diverses raisons : manque de sérieux ou de détails, absence de références scientifiques, faiblesse technique, caractère irréaliste (par exemple, en impliquant de conserver les animaux sur le site de Marineland)…

Pour les orques, la mission a retenu la possibilité d’envoyer les animaux au Canada, au Whale Sanctuary Project. Il s’agit du projet le plus avancé de prise en charge des épaulards captifs et la solution la plus « crédible » selon l’IGEDD. Cette dernière invite l’État et Marineland à « donner une chance à l’option des sanctuaires ».

Les grands dauphins pourraient être transférés, pour partie, au sein du Jonian Dolphin Conservation Sanctuary à Tarente, en Italie. L’option du sanctuaire de Lipsi, en Grèce, ne semble plus d’actualité car le projet est toujours bloqué par les autorités helléniques et le manque de financement. Cependant, le sanctuaire de Tarente ne pouvant accueillir tous les dauphins de Marineland, d’autres solutions doivent être trouvées. La mission de l’IGEDD recommande de répartir les dauphins entre le Jonian Dolphin Conservation Sanctuary de Tarente, le Loro Parque espagnol et d’autres delphinariums. Ce n’est évidemment pas une option acceptable d’un point de vue éthique du fait des conditions de captivité et de la reproduction, qui perpétuera la captivité des dauphins à des fins de divertissement.

Lire aussi : « Les enclos marins comme solution au devenir des cétacés issus de l’industrie du spectacle ?« 

Collaboration nécessaire de Marineland avec les parties prenantes

Si Marineland se dit prêt, selon la mission, à s’en remettre à la décision finale du ministère, tant qu’il ne contrecarre pas sa volonté de transformer rapidement son delphinarium en parc d’attractions, l’IGEDD recommande à l’État de s’assurer de la « pleine coopération » du parc. En effet, l’investissement du personnel de Marineland sera indispensable au devenir des cétacés. La mission reconnaît que l’entreprise pourrait demander à l’État français une indemnisation pour faire face aux pertes financières liées à l’échec du contrat passé avec le Kobe Suma Sea World et aux éventuels délais dans le début des travaux de reconversion des bassins.

L’IGEDD recommande également à l’État de garantir le suivi strict des animaux qui seront placés en sanctuaires par des partenariats scientifiques et selon des protocoles validés par un comité d’experts.

Enfin, la mission recommande à Marineland d’entamer d’ores et déjà une collaboration avec les équipes du Whale Sanctuary Project canadien et du Loro Parque espagnol, afin d’examiner plus en détail les possibilités de transferts.

Nikita Bachelard

ACTUALITÉS