Dans Bébés gorilles à vendre : enquête sur un trafic international, Arte retrace le parcours de ces gorillons braconnés et vendus illégalement.
Sources est un magazine d’investigation de la chaîne de télévision ARTE. L’épisode intitulé Bébés gorilles à vendre : enquête sur un trafic international (disponible en replay jusqu’au 28/08/2027, ndlr) est consacré au trafic de bébés gorilles issus des forêts d’Afrique centrale. Pourtant protégés, ces jeunes animaux sont enlevés et vendus au plus offrant sur le marché illicite des espèces sauvages.
Selon le programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE)1, plus de 400 gorilles disparaissent chaque année en raison du braconnage. Pour chaque gorillon enlevé, les braconniers abattent entre six et sept gorilles adultes, bien qu’ils soient protégés. Déjà menacés par la guerre et la déforestation, les gorilles sont également la cible d’un trafic lucratif qui menace leur survie.
L’enquête débute en 2023 après la publication du rapport de l’organisation non gouvernementale (ONG) Global Initiative Against Transnational Organized Crime alertant sur le trafic illégal de grands singes vivants. Ce rapport estime que le prix d’un bébé gorille peut atteindre jusqu’à 548 000 dollars. L’enquête tente alors de comprendre qui sont ces trafiquants, quelles sont les filières de ce commerce illégal et qui en profite.
Avec l’aide d’experts, les journalistes ont mené leurs investigations sur Internet, en particulier sur les réseaux sociaux. Les gorilles sont capturés dans leur aire de répartition, principalement en République démocratique du Congo (RDC) ou au Cameroun. Ils sont ensuite vendus par des trafiquants localisés principalement en Libye, Jordanie, Irak, Pakistan et Moyen-Orient. Ces criminels postent des annonces en ligne et proposent aussi d’autres espèces protégées comme des bébés tigres ou des bébés chimpanzés.
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Les intermédiaires sont nombreux. La méthode « Hawala » (« mandat » ou « virement » en arabe) est couramment employée. Connu pour blanchir les profits issus du crime, ce système parallèle et informel de paiement permet de transférer de fortes sommes à travers le monde entre l’acheteur et le vendeur par un réseau d’intermédiaires empêchant ainsi toute trace de transaction.
Les gorillons sont transportés sur de longues distances et traversent la mer, souvent cachés à bord de bateaux de pêche, pour être acheminés jusqu’à leurs acheteurs. Les conditions de transport sont éprouvantes : certains animaux ne survivent pas.
Les braconniers ne sont pourtant pas inquiétés par les barrages de policiers ou de militaires. Ce constat révèle à la fois la facilité avec laquelle ces trafiquants mènent leur commerce et soulève également la question de la corruption. En 2018, un militant a diffusé un courrier du ministère de l’Environnement de la RDC programmant l’envoi de deux gorilles sans autorisation à deux zoos chinois. Une pétition a permis l’annulation du projet.
Dans un rapport de 2016, le PNUE et l’agence INTERPOL estiment que le commerce illégal des espèces sauvages rapporterait plus de 20 milliards de dollars par an. Plus largement, cette étude classe la criminalité environnementale2 comme la 4e activité criminelle illégale la plus importante au monde après celles liées au trafic de drogue, aux contrefaçons et à la traite des êtres humains.
Fanny Marocco
- Le rapport du PNUE sur le commerce illégal de grands singes intitulé Stolen Apes : The Illicit Trade in Chimpanzees, Gorillas, Bonobos and Orangutans signalait déjà la situation en 2013. ↩︎
- L’Assemblée des Nations unies définit cinq catégories de crimes environnementaux : le commerce illégal d’espèces sauvages, l’exploitation forestière illégale, la pêche illégale, le déversement et le commerce illégal de déchets et substances dangereux et toxiques, et l’exploitation et le commerce illégal de minerais. ↩︎