L’oiseau de proie, diurne comme nocturne, est le plus souvent désigné par le terme « rapace ». A force d’être utilisé, ce terme ne retient pas l’attention ; pourtant il est impropre.
Dans Le Petit Larousse illustré 2015, on lit : rapace adj . Se dit d’un oiseau qui poursuit ses proies avec voracité, et rapace n.m. : Oiseau carnivore, à bec puissant et crochu et à griffes fortes et recourbées. Passe pour la définition du substantif, mais que vient faire la poursuite de proies avec voracité ? Voyons alors dans le même ouvrage ce qu’est la voracité : avidité à manger. Et l’avidité : désir ardent et immodéré. Ainsi, aux termes du Petit Larousse, un oiseau de proie est en chasse parce qu’il est avide de manger immodérément… C’est grotesque ! Il saisit et tue des proies pour se nourrir (et nourrir ses petits), et assurer sa vie (et la leur). Et si son repas est rapide, c’est pour éviter que sa proie lui soit dérobée, et non parce qu’il est saisi de gloutonnerie incoercible, comme seul l’homme peut l’être ! L’avidité à manger est une conduite, ou plutôt une manière de se conduire mal.
Et que nous dit Le Robert ? Rapace adj. Vorace, ardent à poursuivre sa proie (en parlant d’un oiseau). C’est pire ! Voilà donc l’oiseau qui met une particulière et quasi coupable ardeur dans sa chasse. Faudrait-il qu’il cherche à capturer un oiseau au vol avec calme, comme nous irions à la cueillette des champignons, ou aux fraises ? Allons à vorace : « Qui dévore, mange avec avidité. La loutre est un animal vorace (Buffon) ». Voilà la loutre qui rejoint les goinfres, et avec la caution de Buffon, ce dont le Robert aurait pu se dispenser, Buffon étant dans ses descriptions et ses commentaires plus proche de l’histoire naturelle de Pline l’Ancien que des connaissances actuelles, dont Le Robert aurait pu tenir compte.
Au total, ces deux dictionnaires, en usant de termes inappropriés, désinforment le lecteur (avide de savoir) et démontrent les carences de leurs rédacteurs en matière de comportement animal. Ce que l’on éprouve également en s’arrêtant, dans le Petit Larousse 2015, aux mots bœuf, mouton, porc et veau. Chacun de ces termes est illustré d’un dessin coloré de l’animal. Mais les dessins sont surchargés de traits pointillés limitant les « morceaux de boucherie ». Ainsi le bœuf est-il composé de 29 morceaux numérotés (1-collier, 2-macreuse, 3-basses côtes, etc.), le mouton de 9, le porc de 14 et le veau de 14, des côtes premières à la sous-noix. C’est une parfaite insulte à l’animal. La moindre décence aurait été de laisser intacts les dessins des animaux, et d’ajouter à part les dessins des carcasses, avec les légendes situant les divers morceaux, ce qui est aussi une information à donner dans un dictionnaire. Mais en surchargeant le dessin de l’animal par les contours des morceaux de boucherie, on réduit l’animal à de la bidoche.
Jean-Claude Nouët
Article publié dans le numéro 87 de la revue Droit Animal, Ethique et Sciences.