À deux jours de Noël, l’initiative présentée par Jesús Velázquez Flores a été adoptée par le Congrès de l’État mexicain de Veracruz. C’est le 29 juillet 2014 que ce député du Parti de la Révolution démocratique (= social-démocrate) avait déposé une proposition visant à interdire l’accès des arènes aux mineurs.
Les Commissions des Droits de l’homme et de l’Environnement avaient donné un avis favorable et, le 23 décembre 2015, le Congrès l’a adoptée à l’unanimité avec 42 votes. Ainsi, la loi relative aux droits des enfants et des adolescents de l’État de Veracruz comprend dorénavant un article 40 bis qui stipule: « L’assistance et l’entrée des mineurs aux corridas sont interdites, afin de leur assurer la sécurité et les valeurs humaines, et de leur garantir ainsi l’accès à une vie libre de violence.»
Le Mexique est le premier des huit pays taurins de la planète en termes démographiques, et Veracruz est le troisième État du Mexique en termes démographiques, après l’État de Mexico et le District de Mexico. Sa population, qui dépasse les 8 millions, approche tout simplement celle des 11 départements taurins français. Le Bulletin législatif qui rend compte de la session du 23 décembre expose l’argumentaire (p 49-52).
Ainsi :
- Le considérant IV rappelle que la législation (la loi sur les droits des enfants et des adolescents de l’État de Veracruz, la Constitution des États mexicains, et les traités internationaux) « met l’intérêt supérieur de l’enfant au-delà de tout autre intérêt légitime avec lequel il pourrait entrer en concurrence ou en conflit » et que « le Comité des Droits de l’enfant des Nations unies considère que les corridas sont une activité violente préjudiciable à l’enfant ».
- Le considérant VI fait référence aux « études psychologiques et psychiatriques» pour pointer «le traumatisme dont peut souffrir l’enfant exposé à la torture ou la mort d’un animal ».
- Le considérant VII signale que « selon l’expertise collective de l’INSERM de septembre 2005, dans le chapitre sur l’impact des médias, l’exposition répétée à des scènes de violence diminue la réaction des spectateurs. Il se produit une accoutumance à la violence, il s’installe une passivité et une indifférence face aux actes violents ». Rappelons que cette étude de l’INSERM, instance française, faisait partie des références présentées au Gouvernement par l’un des coordinateurs du PROTEC lors des Rencontres Animal et Société de 2008.
- Le considérant X indique que « les experts, scientifiques, et universitaires comme le Dr Kenneth Shapiro affirment que ceux qui maltraitent les animaux présentent une plus grande probabilité d’être violents envers les personnes et de commettre des infractions », et rappellent à cet égard la « vaste étude d’Arluke et al (Journal of Interpersonal Violence, 1999)».
- Le considérant XI rappelle que « selon la compilation effectuée par le Dr Nuria Querol dans son analyse intitulée “Corridas et protection du mineur”, les recherches établissent également un lien particulièrement étroit entre le mauvais traitement des animaux et la violence domestique ».
- Le considérant XII fait référence à « la recommandation des Nations unies faite au Mexique en juin 2015, dans le sens de la préoccupation de l’ONU concernant le bien-être physique, mental et affectif des enfants qui vont dans les écoles taurines ou qui sont exposés à la violence des corridas ».
- Et le dernier considérant (XV) appuie sa conclusion sur « la relation constatée entre la violence envers les animaux et la violence envers les humains, compte tenu des opinions des scientifiques, des universitaires et des professionnels du droit à travers le monde ».
Cette disposition bienvenue s’inscrit dans le cadre de la dégringolade de la corrida, au Mexique comme dans tous les autres pays taurins de la planète. Une enquête d’opinion réalisée il y a 2 ans montrait que 3 Mexicains sur 4 étaient opposés aux corridas.
Plusieurs États mexicains ont à ce jour tout simplement interdit la corrida:
- l’État de Sonora (2,9 millions d’habitants) en mai 2013,
- l’État de Guerrero (3,5 millions d’habitants) en juillet 2014,
- l’État de Coahuila (2,9 millions d’habitants) en août 2015,
et cela sans compter les décisions à l’échelon des « municipalités », autre entité territoriale mexicaine apte à prendre des décisions d’interdictions des corridas ou d’accès des mineurs à celles-ci. C’est décidément en France que la question des corridas traîne le plus, que ce soit du point de vue des animaux ou du point de vue des mineurs exposés.
Jean-Paul Richier