Dans le numéro 86 de juillet 2015 de cette revue, nous avons vigoureusement dénoncé les pratiques de mise à mort de lamproies tuées préalablement à la mode barbare de l’arrachage de la peau à vif, pour être consommées à la sauce bordelaise lors de la « Fête de la lamproie » organisée annuellement en Gironde.
En mai, nous avions envoyé un courrier au sous-directeur de la santé et de la protection animale, à la Direction générale de l’Alimentation du ministère de l’Agriculture. Nous y demandions que ces pratiques soient interdites, en application de la réglementation en vigueur, et nous citions l’exemple du dépouillage des anguilles vivantes auquel il avait été mis fin, à la suite de l’action de la LFDA, par les services du ministère.
Notre courrier avait semblé être resté lettre morte : pas de réponse, pas de suites. Cette « Fête de la lamproie » (si l’on peut dire) se répétant tous les ans, nous avons envoyé le 18 février 2016 un nouveau courrier au même destinataire, en application de l’expérience séculaire et proverbiale de devoir taper plusieurs fois sur la tête d’un clou pour l’enfoncer …
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Monsieur le Directeur,
Dans notre courrier du 1er juin 2015 (dont copie jointe), nous avons eu l’honneur de vous informer des conditions dans lesquelles se déroule en avril de chaque année depuis 1990 une « Fête de la Lamproie » dans la commune de Sainte-Terre (département de la Gironde).
Il s’agit, sous couvert de tradition gastronomique locale, de la mise à mort de centaines de lamproies par une pratique cruelle consistant à suspendre la lamproie vivante par la bouche à un crochet, à la saigner par coupe de l’extrémité de la queue, puis à la dépouiller, parfois après l’avoir plongée dans l’eau bouillante.
Nous n’avons pas obtenu de réponse de votre part, et nous n’avons pas remarqué qu’une mesure ait été prise localement. Les faits rapportés et dénoncés en 2015 vont donc se répéter en 2016. Certes, la lamproie est assez éloignée des types d’animaux qui suscitent généralement l’intérêt voire la compassion.
Néanmoins, elle doit être considérée comme apte à ressentir la douleur, la souffrance et l’angoisse, dès lors que la taxinomie la place parmi les vertébrés. La lamproie doit donc bénéficier des dispositions protectrices de la loi, notamment celles figurant aux articles L.214-3, R.214-63 à 66, R.214-77 du code rural, ainsi qu’aux articles 521-1, R.654-1 et R.655-1 du code pénal, en tant qu’animal « tenu en captivité » puisque conservé en vivier depuis sa capture jusqu’à sa mise à mort.
En rappelant ici les positions fermes qu’avaient su prendre sur ces points d’application du droit au sujet du sacrifice des anguilles également en Gironde, en 1996 Monsieur Philippe Vasseur, ministre chargé de l’agriculture, puis en 1998 Monsieur Bernard Vallat, chef du Service de la qualité alimentaire et des actions vétérinaires de la DGAL, notre Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences demande à nouveau qu’un procédé, tel celui de la décérébration préalable, soit imposé afin d’épargner aux lamproies les souffrances d’une mise à mort cruelle et d’un dépouillage à vif.
Rappelons que le ministre, que nous citons, avait estimé que les anguilles, entre leur pêche et leur vente sur les marchés étaient des « animaux tenus en captivité », que les poissonniers qui pratiquaient leur dépouillage à vif devaient être passibles des peines prévues par le code pénal, et que le haut fonctionnaire de ses services avait donné des instructions en ce sens aux directions vétérinaires des départements concernés.
Nous avons eu l’heureuse surprise de recevoir la réponse tant attendue du ministère, datée du 1er mars et signée du Directeur général de l’Alimentation lui-même. Au sujet des « […] conditions de mise à mort des lamproies lors de la fête annuelle de la lamproie se déroulant sur la commune de Sainte-Terre. Je souhaite vous confirmer que la vigilance des services de l’État a bien été appelée sur cette manifestation afin que soient notamment respectées les règles de protection animale ».
La Fondation LFDA a appris depuis qu’une note de service de la DGAL sera signée et diffusée à destination du préfet et des agents de l’Etat, soulignant que les mises à mort des lamproies, telles que pratiquées, constituent des actes de cruauté visés par le code pénal.
Elle remercie le Directeur général de l’Alimentation et ses services pour avoir donné suite aux informations qu’elle avait fournies sur ce cas particulier de graves maltraitances animales.
Jean-Claude Nouët
Article publié dans le numéro 89 de la revue Droit Animal, Ethique et Sciences.