Synthèse de la note du Conseil d’analyse économique sur l’agriculture française à l’heure des choix

La note* élaborée par trois chercheurs du conseil d’analyse économique qui a été présentée à la directrice du cabinet du Premier ministre au mois de novembre dernier met en exergue la situation de l’agriculture française qui affiche des résultats très insatisfaisants et ce en dépit des aides publiques importantes dont elle bénéficie.

L’on constate notamment que l’emploi y diminue, des revenus faibles dans certaines activités, un environnement qui se dégrade de façon patente et une performance commerciale qui s’érode. Les trois auteurs de cette note livrent leur constat et pointent notamment les écueils des politiques publiques dédiées à ce secteur et recommandent une orientation plus claire de la politique agricole centrée davantage sur la présentation du capital naturel, la recherche, la formation, et la qualité sanitaire des produits permettant de réconcilier les objectifs de compétitivité, d’environnement et de revenus.

Si le soutien public au secteur agricole est massif, son efficacité est très discutable. En effet, les politiques publiques manquent d’orientations claires : elles consistent souvent en un empilement de mesures peu efficaces et poursuivant parfois des objectifs de court terme contradictoires, les dépenses élevées engagées ne permettant en définitive ni d’asseoir la compétitivité, ni d’assurer un revenu décent pour l’ensemble des agriculteurs, ni de préserver l’environnement.

En somme, bien que la nouvelle PAC permette des choix, l’utilisation des budgets agricoles s’apparente trop souvent en France à de simples aides au revenu, la stratégie pour orienter à long terme l’agriculture s’avérant peu explicite. Les auteurs soulignent en outre que les handicaps de l’agriculture Française ne sauraient se réduire à un outil de travail trop élevé ou une réglementation trop contraignante. La taille limitée des exploitations et la mauvaise coordination des filières nuisent à l’adoption des nouvelles pratiques culturales et aux relations avec l’industrie de seconde transformation et la distribution.

Par ailleurs, la formation hétérogène des agriculteurs, le manque d’ambition de la recherche française en agronomie et une stratégie de compétitivité hors-prix contestable participent aussi aux mauvaises performances du secteur. La note souligne que la compétitivité, la préservation de l’environnement et le soutien aux revenus ne seront plus des objectifs contradictoires si deux choix sont opérés.

En premier lieu, les agriculteurs doivent être considérés également comme des producteurs de biens publics et rémunérés comme tels tandis que les producteurs sur grande échelle doivent développer une agriculture technologique et responsable.

En second lieu, il convient de mettre en œuvre au niveau national une politique de long terme axée sur un effort ambitieux de formation et de recherche, la préservation du capital naturel et la promotion de la qualité sanitaire des produits. Sept recommandations ont été édictées :

  • La première, faire de la préservation du capital naturel un axe central de la politique agricole, cibler plus directement la performance environnementale en remplaçant les aides indifférenciées et l’éco-conditionnalité par une rémunération des aménités, qui pourraient être différenciée géographiquement.
  • La deuxième, développer les recherches sur les nouvelles techniques de sélection en s’attachant notamment à les mettre au service d’une agriculture en phase avec des régulations biologiques et promouvoir l’innovation ouverte.
  • La troisième est de faire du réseau de lycées agricoles un pionnier de l’enseignement numérique. Il faut permettre une formation continue plus poussée des agriculteurs via des congés individuels de formation en s’appuyant sur l’enseignement supérieur agricole pour former des managers d’exploitation agricoles de haut niveau.
  • La quatrième consiste à aider les acteurs à promouvoir ensemble un petit nombre de labels valorisant des atouts des produits français comme le contrôle sanitaire, la traçabilité intégrale, l’absence d’antibiotiques, de promoteurs de croissance et de respect de l’environnement ou du bien-être animal.
  • La cinquième souhaite privilégier des critères directement liés aux externalités dans le ciblage des aides et agir pour une réorientation dans ce sens au niveau européen. Par ailleurs, il conviendrait de ne pas pénaliser à priori l’agrandissement des structures s’il ne génère pas d’externalités négatives (par exemple gestion des effluents, gestion de la biodiversité…). Il faut favoriser la mise en commun de moyens de production.
  • La sixième privilégie le lissage fiscal, voire le report d’emprunts et de charges sociales sur plusieurs années comme outil de stabilisation au niveau national. Au plan communautaire, la note précise qu’il faudrait réduire les incitations à se spécialiser sur un très petit nombre de cultures.
  • La septième doit agir au niveau communautaire pour réduire progressivement les aides sur les surfaces (« paiements de base » et « paiements verts ») profit de budgets ciblant les biens publics ou des objectifs sociaux. Il faudrait évoluer vers des paiements aux résultats, contractuels et non transférables et plafonner les paiements individuels qui ne rémunèrent pas la production d’un bien public.

Jean Etcheverria

Article publié dans le numéro 89 de la revue Droit Animal, Ethique et Sciences.

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