Élise Gravel, Éditions le pommier, collection « Les petits dégoûtants », 2016
« Dieu créa, l’hirondelle, le Diable la chauve-souris ». Ce proverbe populaire roumain illustre à lui seul l’impopularité de la chauve-souris. Malheureusement, le fait d’être mal aimée ne lui suffit pas pour être à l’abri de la menace humaine. Certaines espèces sont menacées d’extinction, et cela dans la plus grande indifférence… A travers cet ouvrage, Élise Gravel transmet l’amour des « petites bêtes dégoûtantes » aux générations futures. La chauve-souris y est transformée en un personnage « dégoutant » mais sympathique, qui ne demande qu’à être aimé.
En réponse aux sollicitations répétées de leurs chers bambins, de nombreux parents accèderont à l’acquisition d’un animal de compagnie. Il s’agira alors la plupart du temps d’un petit animal « mignon » tel que le poisson, le chat ou le chien (1). Les moins inspirés d’entre eux opteront peut-être pour un canari, ou bien pour un furet, un hamster, un chinchilla ou autre NAC, très tendances dans les animaleries (2). Cela se vérifie par la présence de 63 millions d’animaux (domestiques ou non) dans les foyers français…
On pourrait penser que l’amour de l’enfant envers l’animal se résume à sa possession.
Mais les enfants n’aiment pas TOUS les animaux. Certains sont pour eux source de peur, de dégoût, voire zoophobie. La chauve-souris grâce à cette impopularité échappe à « l’animal business ». Malheureusement, le fait d’être mal aimée ne lui suffit pas à être mise à l’abri de la menace humaine.
« Dieu créa, l’hirondelle, le Diable la chauve-souris »
Ce proverbe populaire roumain illustre à lui seul l’impopularité dont sont victimes les chauves-souris depuis la nuit des temps. La « chiroptophobie » sévissait déjà dans la Rome Antique où ces animaux étaient l’expression d’esprits malfaisants. Les chrétiens du moyen-âge en ont fait la figure du Diable et par superstition, ces « suppôts de Satan » étaient cloués aux portes pour d’éloigner les démons. Dans les années soixante, la destruction de leur milieu naturel et l’utilisation de pesticides organochlorésont causé la disparition d’immenses populations de chauves-souris ; « Le XXIème siècle ne s’est toujours pas extrait de toutes ses superstitions, syndrome de l’ignorance » (3). Même si de nos jours les coutumes barbares ont été abandonnées et les pesticides mieux réglementés, les populations décimées n’ont toujours pas réussi à se reconstituer, et certaines espèces sont menacées d’extinction, cela dans la plus grande indifférence…
Heureusement, « la chauve-souris » d’Élise Gravel est là !
Avec son septième album, l’auteur-graphiste de Montréal persiste dans son domaine de prédilection, à savoir transmettre l’amour des « petites bêtes dégoûtantes » aux générations futures. À l’instar du rat, de l’araignée ou du crapaud (4), la chauve-souris est transformée en un personnage « dégoutant » mais sympathique, qui ne demande qu’à être aimé. Mais la chauve-souris souffre-t-elle vraiment d’une telle mauvaise réputation auprès de nos enfants ? La LFDA est allé à la rencontre d’un petit échantillon d’entre eux (5) afin de vérifier leurs connaissances et préjugés en matière de chiroptères. Notre expérience commencera par quelques questions avant la lecture :
– À la première question « La chauve-souris est-elle méchante ? » : la réponse est oui, à l’unanimité.
– À la seconde question « Que savez-vous de la chauve-souris? » : Quelques idées fusent: une petite fille nous expliquera que « la chauve-souris vit la nuit et dort le jour ». Son voisin nous précisera « Elle dort la tête en bas ». Mais bientôt un autre s’offusquera « Elle boit du sang, c’est un vampire ! ». Ainsi le mot fatidique étant lâché, la plus terrible des accusations ne se fera pas attendre : « Elle mange les enfants ! ».
– A la dernière question « Aimez-vous les chauves-souris ? » la réponse est sans surprise. C’est un « non » collectif, empli d’effroi….
C’est alors que nous plaçons nos sujets en présence du livre d’Élise Gravel. Et la curiosité l’emporte sur la peur. Au fil des pages et des dessins, nos enfants découvrent, s’amusent et apprennent ; que la chauve-souris est un mammifère, comme nous ; qu’elle mange des fruits ou des insectes et que grâce à ses aptitudes remarquables, elle joue un rôle important pour la biodiversité. Bref, cette nouvelle description ne correspond plus vraiment au monstre sanguinaire du début…
La lecture achevée, nous leur soumettons à nouveau le questionnaire :
– « La chauve-souris est-elle méchante ? » : « Non ! Il faut juste la laisser tranquille ! »
– « Que savez-vous de la chauve-souris? » : « En fait, elle est très utile » « Elle nous protège des moustiques ! », « Elle participe à la pollinisation. C’est triste qu’elle disparaisse … »
– Et enfin « Aimez-vous les chauves-souris ? » : la réponse…. « Peut-être que oui ! …»
Et cela tombe à pic ! Car petits et grands pourront bientôt observer ces créatures fascinantes dans leur milieu naturel les 26 et 27 août prochains lors de la « 20ème Nuit internationale de la chauve-souris » (6), un évènement en faveur de sa protection et de sa réhabilitation future.
Merci Élise Gravel d’instruire nos enfants tout en leur faisant comprendre que l’animal a sa place dans la nature ! Car c’est par eux que le futur se fera…
Les chauves-souris sont dégoutantes? Oui, et c’est tant mieux !
Christelle Houvenaghel
(1) Enquête exclusive « un animal à la maison, ça change quoi ? » – Sondage CSA pour la Fondation Adrienne & Pierre Sommer en partenariat avec Top Famille sur 508 parents et 508 enfants constituant un échantillon représentatif.
(2) Pour rappel, les conditions de détention de certains animaux un peu moins conventionnels que chiens et chats ont été définies par l’arrêté du 10 août 2004 fixant les règles générales de fonctionnement des installations d’élevage d’agrément d’animaux d’espèces non domestiques. Un certificat de capacité est depuis exigé à l’achat de certains animaux sauvages en voie de disparition.
(3) Définition de la chiroptophobie, Dictionnaire commenté des phobies, Camille Case.
(4) Titres précédents de l’auteur dans la série « Les petits dégoutants »
(5) Les enfants du « club nature » de la ville de Colombes dans les Hauts de Seine, initiation au jardinage et à la biodiversité.
(6) Pour plus de renseignements, consulter le site www.nuitdelachauvesouris.com
Article publié dans le numéro 90 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.