Le pillage de la Nature continue: réseaux, complicités, espoirs

La planète Terre est entrée dans la sixième extinction massive des espèces, animales comme végétales. Elle est causée par une espèce animale récemment issue de l’Évolution, Homo sapiens ; on peut donc la qualifier d’extinction massive anthropique. L’emprise anthropique croissante entraîne nécessairement l’appauvrissement de la diversité des espèces « sauvages » et le rétrécissement des territoires naturels.

1. En mer

Trois millions de tonnes de thon sont pêchées par an dans l’océan Pacifique, un million de tonnes dans l’océan Indien (dont 1/3 par les thoniers français et espagnols), et 350 000 tonnes dans l’Atlantique. En océan Indien, l’albacore est surpêché, au point qu’il passerait à l’état d’espèce menacée en 2017. L’albacore, le listao et le patudo sont les trois espèces qui emplissent les boîtes de conserve que consomment les Européens ; leur pêche ne fait l’objet d’aucune limitation. La pêche au thon ne consent pas à se réguler elle-même. Pire, elle continue à intensifier son rendement par la pratique généralisée des dispositifs de concentration des poissons (DCP). Les DCP sont des sortes d’îlots artificiels, des radeaux de bambous, de planches, d’autres végétaux flottants ainsi que de récipients en plastique et de PVC expansé ! Ils sont pour la plupart équipés de matériels électroniques (sondeur, balise satellite…) rudimentaires mais suffisant à leur repérage. Souvent sous les radeaux pendent des dizaines de mètres de filets en matières synthétiques. De nombreuses espèces viennent s’abriter et se concentrer sous les DCP, seuls refuges et relais dans l’immensité du Grand Bleu. Une fois un DCP repéré, souvent par la présence de frégates tournoyant juste au-dessus de lui, le bateau thonier l’encercle d’un filet de deux kilomètres de long et deux cents mètres de haut, qui se referme comme un immense sac pour être tiré à bord. Le coup de filet va contenir un nombre très importants de thons, mais aussi des dorades, des barracudas, et même des tortues, des requins, des raies, des dauphins, qui seront rejetés morts à la mer.

L’utilisation des DCP est totalement hors de tout contrôle ; en l’absence de la moindre régulation encadrant leur usage, il est impossible de connaître le nombre exact de DCP dérivant actuellement dans les océans, mais on estime que des dizaines de milliers de DCP artificiels sont déployés dans les zones tropicales de tous les océans du monde. Ils sont couramment utilisés par les thoniers aux Antilles, dans le Pacifique sud et en Asie. Les pêcheurs industriels n’ont pas l’obligation de signaler aux autorités le nombre de DCP qu’ils mettent à l’eau. Ils ne sont pas non plus obligés de les récupérer et de l’aveu même des entreprises de pêche, ce sont environ 20 % des DCP qui sont perdus chaque année. À titre d’exemple, dans les eaux seychelloises, pas moins de 10 000 DCP sont actifs et au moins 2 000 DCP fantômes dérivent au gré des courants et continuent à avoir un impact sur la vie marine.

Les thoniers français commencent cependant à s’inquiéter, et se demandent s’ils peuvent continuer « à scier la branche sur laquelle ils sont assis » (Yves Riva, président de l’Organisation des producteurs de thon tropical congelé). Certains, à Diego-Suarez, ont fait remarquer que sous les DCP « les poissons sont toujours aussi nombreux, mais ils sont de plus en plus petits ».

L’ONG Greenpeace, avec son navire Esperanza, équipé d’un hélicoptère, de drones et d’un robot-caméra sous-marin, a lancé des campagnes de surveillance des zones de pêche, à la recherche des DCP, et des campagnes d’information du consommateur sur les conserves de thon. On consultera avec beaucoup d’intérêt le site de Greenpeace mentionné en note, qui classe les conserveries sur le critère de la provenance des thons mis en boîte.

Considérant que l’Europe est le premier marché d’exportation des conserves de thon, la Commission européenne envisagerait de demander soit une baisse de 20 % des captures, soit une fermeture temporaire de la pêche à l’albacore en océan Indien. Quelle que soit la décision européenne, ou l’initiative que prendrait la pêcherie thonière elle-même, il y a urgence à diminuer le tonnage total des prises de thon albacore. Et rien n’empêche le consommateur de participer au sauvetage du thon en choisissant soigneusement ce qu’il achète, ou ce qu’il refuse d’acheter, conformément à ce que lui dicte son éthique.

Sources : Le Monde, 22 avril, et divers sites de Greenpeace, dont le suivant :

http://www.greenpeace.org/france/fr/campagnes/oceans/arrethon/?utm_source=google&utm_medium=cpc&utm_campaign=Oceans-Market&codespec=N16AWOCE/&gclid=COKPtdfJnc0CFdIV0wodqbkGlg#petition

2. En l’air

Le chardonneret (Carduelis carduelis) est en péril : la variété harmonieuse du chant et la beauté du plumage de ce petit passereau le font victime d’un trafic intense, qui aujourd’hui menace l’espèce. Elle est pourtant protégée en Europe depuis la directive d’avril 1979. Les comptages, effectués en France depuis 1989 sous l’égide du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), révèlent qu’entre 2001 et 2014 la population de chardonnerets y a diminué de 55 %, les couples n’étant plus qu’au nombre de 1 million 500 000 : on en comptait plus du double il y a quinze ans. En septembre prochain, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) va modifier le classement de l’espèce, la passant de « préoccupante » à « vulnérable ». Déjà les chardonnerets (ainsi que les autres oiseaux granivores) sont privés de nourriture durant l’hiver par « l’urbanisation, la fin des jachères agricoles obligatoires et la disparition des chaumes » (F. Jiguet, MNHN), les voilà aujourd’hui victimes d’un braconnage de masse. Dans le Nord de la France, le chardonneret est piégé « à la tenderie », attiré dans un filet de 6 m de long et de 2 m de hauteur par les cris enregistrés et diffusés par un téléphone portable. Dans le Sud, la méthode est plus cruelle : les oiseaux sont attirés, également avec cet « appelant », vers des branchettes enduites de glu. Les pauvres bêtes affolées se débattent et s’engluent plus encore, au point qu’il est impossible de décoller leurs pattes ou leurs plumes, et qu’ils sont déchiquetés. Beaucoup de ceux qui sont récupérés meurent, au point qu’il est estimé qu’un seul sur dix survit au stress de la capture et des manipulations.

Le braconnage se fait aussi intensément au Maroc ainsi qu’en Algérie, où une sous-espèce d’Afrique du Nord (Carduelis parva) a presque disparu. Au Maghreb, les chardonnerets sont offerts en cadeau, comme on fait des fleurs coupées. Ils sont aussi les vedettes de concours de chanteurs. Mais la majorité des oiseaux capturés est expédiée par avion et par car-ferry dans les bagages des passagers en direction de Marseille puis en direction de Paris et de Bruxelles, la plaque centrale du trafic des oiseaux en Europe.

L’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) a pris conscience de la gravité de la fraude et des conséquences sur la pérennité de l’espèce : plusieurs dizaines de milliers de chardonnerets seraient capturés en France chaque année ! Le corps des gardes de l’ONCFS bénéficie depuis 2012 des prérogatives semblables à celles de la police et de la gendarmerie, dont la possibilité de perquisitionner et de questionner les banques. Le service départemental des Bouches du Rhône est déterminé à user de tous ses pouvoirs. Dans le Nord, l’ONCFS a pratiqué la surveillance en civil, la filature en véhicule banalisé, la cybertraque. Les trafiquants sont très organisés, car le trafic rapporte gros : le chardonneret se paie 150 euros, il pèse 15 grammes, ce qui met le gramme de chardonneret à 10 euros, comme le cannabis. Avec un risque bien moindre : au maximum 1 an de prison pour la capture ou la détention d’un animal appartenant à une espèce protégée, jusqu’à 5 ans pour la drogue.

La police de l’environnement n’est pas seule à réagir. La justice a compris les enjeux. La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) s’est portée partie civile dans des dizaines d’affaires de braconnage de chardonnerets. Le 7 avril, un braconnier a été condamné à Périgueux à 15 jours de prison ferme, 2 800 € d’amende et 1 600 € de dommages à verser à la LPO et au Groupe ornithologique du Roussillon, qui s’était portés parties civiles. Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO, rappelle qu’au Marché aux oiseaux, qui se tient tous les dimanches matin dans l’Ile de la Cité (au pied de la préfecture de police !) « des types proposent des passereaux planqués dans les coffres des voitures garées à l’abri des regards ».

Revenons sur la chasse à la glu, mentionnée dans cet article et dans le numéro précédent (Droit Animal, Éthique & Sciences, n ° 89, p. 11). Cette « chasse traditionnelle » aux grives et aux merles, devrait être interdite : elle est la cause de souffrances et d’angoisses indescriptibles, et de plus elle porte atteinte à la vie et à la préservation d’espèces d’oiseaux dont la capture et la détention sont interdites, et lourdement punies. Le 1er mars, en vue de la discussion en commission de la loi pour la reconquête de la biodiversité, plusieurs députés avaient déposé des amendements visant à l’interdiction de cette pratique : Laurence Abeille (amendement CD508), Bertrand Pancher (amendement CD680) et Jacques Krabal (amendement CD773). L’ambiance y était assez favorable, et l’argumentation des députés était solide : cette pratique est « particulièrement néfaste pour la biodiversité. En effet, cette pratique va à l’encontre de la préservation et de la reconquête de la biodiversité, parce qu’il s’agit d’une méthode de chasse non sélective et difficilement contrôlable, qui détruit de nombreux oiseaux, notamment des espèces protégées. De plus, cette méthode est particulièrement cruelle pour les animaux. » M. Krabal ajoutait des considérations convaincantes sur l’impossibilité d’assurer les contrôles sur le terrain, et détaillait les dommages dont peuvent être victimes « les oiseaux capturés involontairement [qui] subissent la plupart du temps des dommages (plumes arrachées et articulations démises en se débattant dans la glu, état de fatigue et de stress avancé, etc.) qui ne leur laissent que très peu de chances de survie lorsqu’ils sont libérés après traitement. C’est particulièrement vrai pour les petits passereaux tels que fauvettes, pouillots, roitelets qui pèsent autour de 10 grammes, soit 10 à 20 fois moins qu’un merle ou une grive. » M. Krabal rappelait que pour ces raisons « la Cour de justice des communautés européennes a ainsi retenu le caractère non sélectif de cette pratique pour refuser d’appliquer l’article 9 de la directive et condamner l’Espagne (CJCE, 9 septembre 2004, C-79/03, Commission / Espagne). »

Pourtant, en dépit de leurs évidentes légitimité et nécessité, la commission a repoussé les amendements, et la chasse à la glu n’a pas été interdite. Pourquoi ? Cela est le résultat direct de l’action permanente de lobbying en faveur de la chasse que mène ouvertement depuis des années, et à prix d’or, Thierry Coste auprès des parlementaires et des membres du gouvernement, depuis ses bureaux au 90 B rue de Varenne, dans le 7ème arrondissement de Paris. Mobilisé par la Fédération nationale de la chasse (FNC) qui tient à absolument à préserver la tradition de la chasse à la glu, T. Coste est intervenu auprès de l’assistante de David Douillet, il a téléphoné personnellement à B. Pancher, et s’est entretenu avec François Sauvadet, homme fort du groupe UDI de l’Assemblée. Résultat : Pancher a penché de l’autre côté, et n’a pas présenté son amendement, et les articles en faveurs de la chasse glissés dans la loi pour la reconquête de la biodiversité ont été adoptés. Il est dit de Coste qu’il est un « manipulateur machiavélique », dont on reconnait l’influence dans certains discours parlementaires. Lui-même affirme : « Je suis un mercenaire. Je vais là où ça paie le mieux ». Par son action inspirée par le seul profit, Coste a privé la loi d’une disposition légitime : lui et les chasseurs qui le paient seront directement responsables des captures à venir de dizaines de milliers de chardonnerets et de la mort de beaucoup d’entre eux. Mais que ces gens-là ont-ils à faire de l’éthique?

Sources : Le Monde, 3 mai ; Marianne, 6-12 mai

3. Sur terre

Le tigre est victime de l’homme, infiniment plus que l’homme en l’est du tigre. Au début du XXème siècle, 100 000 tigres vivaient à l’état sauvage dans le monde. Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et l’ONG Global Tiger Forum, il en reste(rait) actuellement 3 890 , répartis dans les quelque 13 pays d’Asie. La seule cause de cette quasi disparition est l’homme, soit directement jadis par la chasse et aujourd’hui par le braconnage, soit indirectement actuellement par la déforestation, l’exploitation minière, le déploiement des réseaux routiers, et toutes causes qui aboutissent à réduire considérablement ses zones d’habitat, dont il ne reste de leur superficie totale que 7 % de ce qu’elle était il y a un siècle. La déforestation aboutit aussi à réduire le nombre de leurs proies, en sorte que les tigres viennent roder près des villages, au risque d’être tués ou capturés.

Le braconnage est particulièrement odieux, car il alimente en Chine et au Viet Nam, d’une part le trafic des dépouilles, têtes et peaux, recherchées et payées à prix d’or par les nouvelles élites politiques et économiques pour témoigner de leur puissance, et d’autre part la pharmacopée traditionnelle uniquement fondée sur la superstition, sans aucun effet thérapeutique d’aucune sorte, comme le rappelle Renaud Fulconis et son association Awely : griffes et dents de tigre contre la fièvre et l’insomnie, bile et yeux contre l’épilepsie…, jus d’os aphrodisiaque (comme la corne de rhinocéros !).

Devant le déclin dramatique de l’espèce, plusieurs pays ont conduit des actions de préservation, notamment l’Inde et la Russie, consistant à multiplier et à étendre les zones protégées, et à mettre en place des patrouilles de surveillance. Cette politique a abouti, dans les cinq dernières années, à une augmentation de l’effectif total de l’espèce, notamment en Russie, en Inde et au Bhoutan. En 2010, le recensement avait totalisé 3 200 individus : ils sont 3 890 actuellement. C’est le résultat d’une politique de bon sens, qui veut que pour préserver les espèces il faut protéger les espaces, une évidence que la LFDA de cesse de clamer depuis des décennies. La réelle préservation des espèces doit se faire sur place, dans les territoires qui leur sont naturels. Elle s’oppose totalement au simulacre mensonger d’une « préservation » effectuée par les détentions en zoos, lesquels utilisent abusivement le terme « préservation » pour justifier leur activité, qui n’est autre que commerciale. L’évocation d’une restitution future à la liberté est tout autant mensongère. Les animaux conservés dans les zoos, et leur descendance, sont inéluctablement perdus pour la nature. La multiplication des naissances de félins dans ces établissements ne sert qu’à attirer les visiteurs attendris, et à alimenter les cessions d’animaux entre zoos. Il faut être aussi ignorant des lois de la génétique, de l’éthologie et de l’écologie pour déclarer, comme l’a fait (et ce n’est qu’un exemple parmi des dizaines du même genre) le dresseur Kid Bauer, propriétaire du zoo de Saint-Léger en Bray (Oise), après la naissance de quinze félins dans la saison 2015 : « Nous serons obligés de nous en séparer [en les envoyant] dans les parcs zoologiques animaliers pour assurer la pérennité de l’espèce ». Nous persistons à affirmer avec force que la revendication de la préservation des espèces par les zoos est une imposture absolue. Et à affirmer tout aussi fortement que la préservation des espèces passe nécessairement par la préservation des espaces naturels. À cette condition, la préservation du tigre serait-elle en bonne voie ?

Sources : Le Monde 3 avril, Oise Hebdo 28 octobre 2015

4. Une conclusion arithmétique ?

Inutile de tourner autour du pot : la planète Terre est effectivement entrée dans la sixième extinction massive des espèces, animales comme végétales. Les cinq précédentes ont été dues à des cataclysmes internes (volcaniques p.ex.) ou astronomiques (impact d’astéroïde p.ex.) qui ont bouleversé les milieux et les conditions de vie, dont le climat. Celle qui est en cours est causée par une espèce animale récemment issue de l’Évolution, Homo sapiens ; on peut donc la qualifier d’extinction massive anthropique.Dès qu’Homo sapiens a été en nombre suffisant, et que son ingéniosité lui a mis en main des armes efficaces, il s’est attaqué à la biodiversité en faisant disparaître les animaux pour s’en nourrir ou s’en défendre, à commencer par tous les plus grands d’entre eux, mammouth, paresseux géant de Jefferson, tigre à dents de sabre, moa ; c’était il y a une quinzaine de milliers d’années. Ensuite, au fur et à mesure de la colonisation de toutes les terres, notamment des îles, les espèces de plus petites tailles ont été attaquées, souvent éliminées. La vague d’extinctions s’est accélérée et amplifiée à partir du début du XIXème siècle sous l’emprise croissante de l’homme : augmentation de la population (passant de 1 milliard pour atteindre actuellement 7 milliards et demi), destruction et fragmentation des milieux naturels, déforestation, pêche et chasse excessives, extension des cultures, pollutions chimiques, pollutions industrielles conduisant à la modification climatique, etc. La vague est en passe de devenir un tsunami, qui n’épargnera pas notre espèce, menacée par la perte de fertilité des sols, la désertification des océans, la perte de fertilisation des plantes alimentaires, l’assèchement des diversités génétiques, la raréfaction et la disparition progressive des matières premières et des énergies fossiles.

La situation actuelle de nombreuses espèces de la faune et ses origines proto-historiques et historiques nous fait proposer l’hypothèse de l’existence d’une balance biologique, qui porterait dans un plateau l’ensemble des êtres vivants végétaux et animaux (la biomasse) constituant la « nature » sauvage et intacte, et qui dans l’autre plateau la masse constituée par l’espèce humaine et ses satellites, c’est-à-dire les espèces animales et végétales qui lui sont nécessaires. Dans ses débuts, l’espèce Homo ne pesait pas bien lourd, mais son poids s’est considérablement accru, pendant que le plateau « nature » s’allégeait. C’est bien ce que l’on constate : l’emprise anthropique croissante entraîne nécessairement l’appauvrissement de la diversité des espèces « sauvages » et le rétrécissement des territoires naturels. Cette hypothèse d’une balance des biomasses donne une vue assez réaliste, et peu optimiste de ce qui peut suivre. Poussée à l’extrême, elle fait entrevoir, faute d’une prise de conscience universelle et de décisions drastiques, que les extinctions d’espèces vont se poursuivre, que la biomasse « nature » va continuer à fondre, parce que la biomasse anthropique va s’accroître jusqu’à occuper et transformer tous les milieux de vie. La balance montrera alors un déséquilibre à l’inverse du déséquilibre initial (de l’équilibre, plutôt !). La sixième extinction de masse des espèces sera arrivée à son terme, la planète ne portant plus que l’homme, ses animaux et ses plantes domestiques, c’est-à-dire ses aliments.

Il reste à Homo sapiens (bien mal dénommé !) bien peu de temps pour tenter de corriger ses errements. Mais doit-il seulement sauver ce qu’il reste, ou doit-il restaurer ce qu’il a détruit ? Peut-il encore se mentir à soi-même en faisant miroiter la poursuite d’un développement, fut-il baptisé de durable, alors que sa présence et son activité doivent absolument être ramenées à égalité avec ce que peut lui fournir la planète. Et ne doit-il pas, en outre et pour des raisons d’éthique, sinon de simple intérêt personnel, prendre enfin pour ligne directrice le respect de la planète et de la diversité des vies qu’elle porte ? Voilà des dizaines d’années que nous affirmons à la Fondation, qu’affaiblir une espèce au point de la faire disparaître constitue un crime de lèse-Évolution, puisque cela en interrompt le cours. C’est là que se trouve le cœur de la question.

Jean-Claude Nouët

Article publié dans le numéro 90 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.

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