Sémiotique d’une descente aux Enfers
Si tu exprimes ta force en molestant les animaux, ta fin de vie sera douloureuse.
Pourquoi est-ce que tu tues les animaux qui sont innocents ?
Pourquoi est-ce que tu tues les animaux par égoïsme ?
(Shahad 9, 10, 64, Principes bishnoïs)
Aucune civilisation n’a fait l’impasse sur la relation humain-animal, voire sur l’hybridité divinisée humain-animal. Bien des cultures du monde ont eu recours aux figures animales sur le plan artistique, mythologique, philosophique, littéraire ou religieux. L’animal fait partie de la culture, de la pensée et de la spiritualité humaines depuis toujours, et ce sur tous les plans, que ce soit au quotidien ou sur les rayons des bibliothèques, dans les légendes, les fables et les contes, les croyances, les symboles, les blasons jusqu’aux logos d’entreprises les plus contemporains. Les animaux nous entourent et nous accompagnent de la naissance à la mort.
Des dieux animaux
Le monde des traditions, des croyances et des symboles est presque aussi ancien que l’espèce humaine. De tout temps, l’humain a cherché à représenter son quotidien ou ses dieux par le biais de figures animales. Dans ces univers faits de représentations peuplées de mythes, de légendes, de signes et de symboles, l’animal occupe une place de choix en tant que forme esthétique dans les arts premiers, en tant que caractère typographique, mais aussi et surtout en tant que divinité à part entière. Avant l’apparition des monothéismes, bien des divinités étaient soit des animaux, soit des êtres hybrides animal-humain. Dans la grotte Chauvet, on trouve déjà une multitude d’animaux (ours, cheval, panthère, chat sauvage, renard, aigle, chevreuil…), dans la grotte de Lascaux l’étonnante présence d’un homme ithyphallique à tête d’oiseau et surtout dans la grotte de Gabillou un homme-bison et de nombreux autres hybrides.
En Inde, Ganesh (dieu homme-éléphant) et Hanuman (dieu homme-singe) sont toujours vénérés aujourd’hui, comme bien d’autres dieux et déesses, parmi lesquels beaucoup de figures hybrides. Aujourd’hui encore, en Inde, nombre d’animaux ne sont ni violentés ni mangés parce qu’ils représentent des figures divines dans la religion hindoue (la vache, le singe, l’antilope/gazelle, le paon, le tigre, l’éléphant, etc.).
Les temples, sarcophages, tombes et pyramides de l’Égypte ancienne regorgent de créatures et de divinités animales. Anubis en est sans doute le plus bel exemple, en tant que dieu majeur de l’Égypte antique (Des Animaux et des Pharaons, Guichard, 2014). Les croyances polythéistes intègrent une multitude d’animaux ; les hiéroglyphes également, on y trouve aussi bien des mammifères [1-], des oiseaux [2-], des reptiles et des amphibiens [3-], que des poissons et des insectes [4-] (voir illustration : animaux extraits du projet Rosette).
Bien des animaux y sont divinisés, des plus puissants (lion, serpent, scorpion, abeille) aux plus petits et inoffensifs (hibou, sauterelle, scarabée, hérisson, grenouille, oie…). Le règne animal, finement observé, est représenté dans une large diversité, et ce assez précisément compte tenu des maigres connaissances de l’époque antique en zoobiologie.
La liste des divinités animales serait trop longue pour être ici développée de manière exhaustive (L'Egypte ancienne et ses dieux, Corteggioni, 2007) mais le panthéon des dieux égyptiens réunit une belle galerie d’animaux divers et variés, hybrides bien souvent, qu’il faut adorer pour obtenir des faveurs, une clémence, un temps favorable avant de prendre la mer ou pour être aidé dans le voyage final. Ils symbolisent en effet le lien entre ici-bas et au-delà, entre la vie et la mort, c’est pourquoi on les trouve également momifiés, ils jouent alors le rôle de relique protectrice reliant deux univers.
Malgré un polythéisme très développé, c’est surtout la Grèce et la Rome antiques qui vont remettre en avant des dieux aux traits humains. Cependant on y côtoie encore des hybrides comme des centaures, des minotaures et autres satyres, et, peut-être pour assurer une douce transition, tous les dieux de l’Olympe humanisés sont accompagnés d’un animal qui les symbolise :
- Zeus/Jupiter, l’aigle ;
- Aphrodite/Vénus, la colombe ;
- Poséidon/ Neptune, le cheval/taureau ;
- Héra, le paon ;
- Hermès/Mercure, le bélier/ la tortue,
- etc.,
Cela montre combien le référent animal a pu être essentiel. Dans une moindre mesure, on retrouve ce phénomène également dans la Bible ( Les animaux de la Bible, Cair-Helion, 2004)), les quatre évangélistes possèdent leur allégorie homme ou animal (Jean, l’aigle ; Marc, le lion ; Luc, le taureau ; Matthieu, l’homme), quant à l’Esprit saint, il est représenté par une colombe, et l’âme des humains par un agneau.
L’Ourobouros, serpent aussi bien créateur que destructeur, est sans conteste l’animal le plus représenté sur la planète, ce qui en fait une clef des croyances anciennes, tout comme le serpent à deux têtes ou encore le serpent à plumes, également médiateurs de l’au-delà. Le serpent est d’ailleurs plus souvent connoté positivement que négativement ; c’est surtout la Bible qui en a fait un symbole du mal.
Le bestiaire divin aztèque regorge également d’une faune impressionnante, de même celui des Aborigènes, des Chinois de l’Antiquité, des Germains et peuples du Nord, des Incas, des Mayas, des nombreuses tribus africaines. Pas une cosmogonie, pas une mythologie, pas une région du monde qui, à un moment de son histoire, n’ait fait l’impasse sur l’animal divin.
Cette promiscuité humain-animal a conduit l’humain à diviniser l’animal pour en adorer la figure, en lui attribuant des dons en lien avec ses capacités. Le vénérer, lui offrir sacrifices, offrandes et bijoux, être enterré avec lui (salamandre, chat, chien), faire de lui un symbole de force suprême (lion, ours, serpent), le choisir comme métaphore et allégorie pour illustrer des pensées, des proverbes, le prendre comme couleur pour des blasons : l’animal a occupé dans l’histoire de l’Humanité les rôles les plus nobles et honorifiques qui soient.
De l’animal divin à l’asservissement contemporain
Cette complicité ancestrale, dont il reste quelques traces aujourd’hui dans certains logos, films ou jeux vidéo, a pourtant cessé progressivement en grande partie avec le monothéisme et l’athéisme, pour finalement s’inverser radicalement en l’espace de quelques siècles, en défaveur de l’animal, dégradé de force d’un statut divin à celui d’esclave pour être parqué dans des usines-prisons sans lumière ni verdure, voire être exterminé pour des raisons industrielles ou de trafic criminel dans le cas de certaines espèces définitivement disparues ou en instance de disparition prochaine.
Aujourd’hui sur la planète, l’animal n’est encore divin que minoritairement, il a perdu son caractère divin, les monothéismes ne lui accordant plus d’attention particulière. En Europe, l’époque où il était un dieu n’existe plus que dans les livres de mythologie, mais devait-il pour autant se transformer en esclave d’un humain qui ne le nourrit que pour mieux le stocker dans des fermes devenues usines, ne se souciant guère de son bien-être ? L’évolution dans le temps de la relation humain-animal pose question.
Si l’augmentation de la démographie dans le monde a joué un rôle majeur dans cette inversion des rôles, rien ne pouvait laisser présager une telle détérioration des conditions de (sur)vie et de « surmort » de l’animal, désormais gérées à grande échelle et de manière majoritairement mécanique. La production agroalimentaire de masse, de surcroît mondialisée, a transformé le dieu en un esclave soumis, violenté puis assassiné à la chaîne. Du divin adulé, on est passé à un zoocide universellement reconnu, accepté, encouragé et souhaité. En l’espace de quelques siècles, l’animal est ainsi descendu de son Olympe pour rejoindre des lieux sales, obscurs et sordides, où il survit dans des cages et dans la puanteur, avant d’être égorgé devant les siens, bien souvent dans des souffrances insupportables.
Même chez les Hindous, réputés pour leur respect de l’animal, dans le cadre d’un rituel divin, la cruauté animale envers les cobras est courante. Les saperas, « charmeurs » de serpents, exercent une activité désormais illégale en Inde mais tolérée pour la fête de Naga Panchami, durant laquelle les crochets et les poches à venin du serpent sont retirés. Cette ablation, si elle protège le « charmeur » de serpent de toute morsure mortelle, génère chez l’animal des infections puis l’impossibilité de chasser et donc de se nourrir. On force aussi le cobra à boire du lait, ce qu’il ne peut digérer et ce qui infecte les plaies de sa bouche, en partie cousue par le sapera pour l’empêcher de mordre. Le cobra finit évidemment par mourir. Est-ce là le sort définitif de l’animal que de subir l’humain ?
Est-ce là tout ce que l’homme moderne, éduqué, civilisé et high tech a à lui offrir comme vie ? N’y a-t-il pas d’autres voies plus respectueuses, une étincelle d’espoir qui pourrait montrer un chemin plus éthique et un sort plus noble à celui avec lequel les enfants grandissent par le biais de peluches, de contes ou d’animaux domestiques et de fermes ? Les élevages de masse et les abattages à la chaîne seront-ils le sort définitif des animaux dans une société moderne et éthique, qui semble se tourner de plus en plus vers des formes nouvelles de spiritualités ?
Éthique animale, spiritualités et religions : une lueur d’espoir ?
Toutes les religions monothéistes s’annoncent pacifiques, pacifiantes et compatissantes ; pourtant leur relation avec l’animal est ambiguë.
On pourrait imaginer que tuer un animal se trouve en opposition avec un objectif pacifiant et compatissant. Faire cohabiter pacifiquement les deux créatures divines que sont l’humain et l’animal ne serait donc pas le projet des religions et philosophies spirituelles ?
Les trois religions monothéistes, majoritaires en Europe, ont en effet pour tradition de sacrifier l’animal pour le consommer, à tort ou à raison, car les textes sacrés ne le stipulent pas (on lit dans l’Ancien Testament, Genèse 1.29 que Dieu donne à l’homme un régime végétarien, il est vrai qu’il se trouve alors au paradis…).
Le sang de l’animal qui coule demeure un acte symbolique et ancestral fort, le couteau de l’homme qui égorge l’animal reste un geste de puissance et de domination. Le sacrifice animal a dans les faits remplacé les sacrifices humains (Le sacrifice humain en Égypte ancienne et ailleurs, Albert & Midant-Reynes, 2005), « ce procédé consiste à établir une communication entre le monde sacré et le monde profane par l’intermédiaire d’une victime, c’est-à-dire d’une chose détruite au cours de la cérémonie » (Essai sur la nature et la fonction du sacrifice, Hubert & Mausse, 1899), acte qui pourrait être facilement remplacé par des gestes et des liquides symboliques (« Ceci est mon corps, ceci est mon sang, prenez et mangez en tous » !) Dans les îles Féroé au Danemark, on continue de massacrer des dauphins à coups de couteau et de pics en fer pour respecter une tradition qui date du XVIe siècle.
Cependant, chez les monothéistes, des petits groupes apparaissent qui mettent en avant une autre lecture des textes sacrés et des traditions, privilégiant un comportement religieux éthique et respectueux de l’animal, qui passe par le végétarisme.
Concept juif :
Le concept juif de tsaâr baâlei ’haïm, l’obligation de ne pas causer de souffrance aux animaux, est mis en avant par les végétaliens de confession juive : « La façon dont les animaux sont traités de nos jours, dans les fermes, viole totalement les enseignements juifs. » Par ailleurs, l’État hébreu détient le deuxième rang mondial des végétariens, et le nombre de végétaliens ne cesse d’y croître majoritairement pour des raisons éthiques.
Le rabbin Abraham Isaac Kooken présente en 1924 une vision du végétarisme et de la paix, pour lui, à la venue du Mashiah, les hommes redeviendront végétariens : « L’effet de la connaissance se propage même aux animaux… et les sacrifices dans le Temple seront composés de végétaux, et ils seront agréables à Dieu comme au temps jadis… Selon certains spécialistes de la Torah, comme les rabbins Bonnie Koppel, Rami Shapiro et Yitzhak HaLevi Herzog, ancien grand rabbin d’Israël, cela signifie que l’objectif initial de Dieu était que l’homme soit végétarien car le végétarisme est l’ultime sens des enseignements moraux bibliques. »
Dans Isaïe, I, on peut lire : « Que m’importe la multitude de vos sacrifices ? Dit le Seigneur. Je suis saturé de vos holocaustes de béliers, de la graisse de vos victimes ; le sang des taureaux, des agneaux, des boucs, je n’en veux point. […] Quand vous étendez les mains, je détourne de vous mes regards ; dussiez-vous accumuler les prières, j’y resterais sourd : vos mains sont pleines de sang. Lavez-vous, purifiez-vous, écartez de mes yeux l’iniquité de vos actes, cessez de mal faire. Apprenez à bien agir, recherchez la justice ; rendez le bonheur à l’opprimé, faites droit à l’orphelin, défendez la cause de la veuve. »
Soit, si Dieu a permis la consommation de viande après le déluge (Genèse 9,3 : Tout ce qui se meut et qui a vie vous servira de nourriture : je vous donne tout cela comme l’herbe verte.), c’était par absence de végétaux, ce n’était ni un ordre ni même un souhait mais une raison de survie : c’est en tout cas l’analyse du rabbin polonais Hitzhak Hebenstreit, dans son ouvrage Kivrot Hata’avah.
De même, le Rabbin David Shlomo Rosen : « Dans la société contemporaine, plus que jamais auparavant, le végétarisme doit être un impératif pour les Juifs qui cherchent à vivre conformément aux enseignements les plus sublimes du Judaïsme ». Lui-même végétarien, il pense que « la consommation de la viande, aujourd’hui, est interdite par la halakha : « La cruauté du traitement appliqué aujourd’hui aux animaux dans le commerce de bétail rend la consommation de viande absolument inacceptable du point de vue halakhique comme étant le produit de moyens illégitimes. » Tout comme le Rabbin Samuel Ho Dresnet, dans The Jewish. Dietary Laws, développe que : « Se nourrir de viande Kasher est une sorte de compromis… l’homme devrait idéalement ne pas manger de viande car pour ce faire un animal doit être mis à mort ».
Concept chrétien :
Pareillement, un groupe de chrétiens végétariens et végétaliens militent en faveur du respect animal ; ils sont en lien avec les Vegan Christian Resource.
Ils précisent concernant l’agneau pascal que parmi les premières communautés chrétiennes, l’agneau sur les épaules du pasteur symbolisait l’âme sauvée par le Christ, il n’avait donc pas vocation à être mangé : il s’agissait d’une métaphore.
Pour eux, il n’est pas pensable de tuer une créature de Dieu et encore moins de la manger. De même ils mettent en avant une allusion biblique (Daniel, 1, 1-20) où quatre végétariens, « au bout de dix jours, avaient plus belle mine et meilleure santé que tous les jeunes gens qui mangeaient des mets du roi » . Rappelons qu’au Moyen Âge, les Cathares étaient végétariens par refus de commettre la moindre violence à l’égard d’une créature « ayant du sang », principe pour eux des « vrais chrétiens » :
« Si un criminel dangereux les attaquait, ils pouvaient se défendre ; tuer la vipère ou le loup. Encore qu’à l’époque du catharisme triomphant, un « parfait » ne l’eût sans doute point fait, car il était aussi grave de tuer une bête « ayant du sang » que de tuer un homme. »
(René Nelli, La Vie quotidienne des Cathares du Languedoc au XIIIe siècle, Hachette, 1989)
De même, leur sens de la compassion à l’égard de l’animal était total : « Un hérétique que l’on mène en prison, à travers les rues de Limoux, se met à pleurer en voyant les bouchers tuer des veaux, près de l’abattoir de la ville. Il pleurait sur le sort de tous ces gens qui péchaient mortellement – et se perdaient – en mettant à mort une bête. »
Rappelons également que les chrétiens de Grèce, d’Alexandrie, de Byzance ou de Palestine, jusqu’au IVe siècle, étaient contre la consommation d’alcool et de viande, signe de sobriété et de simplicité. C’est le cas aujourd’hui encore de nombreux moines. Saint Benoît (VIe siècle), fondateur de l’ordre monastique des Bénédictins, prêchait en faveur du végétarisme. Quant à l’ordre de la Trappe, au XVIe siècle, il s’opposa à la consommation de la viande, des œufs et des autres aliments d’origine animale. Chez les chrétiens, la question est aussi de ne pas rendre le corps « tombes pour les animaux » : Clément d’Alexandrie (160-240), « Il vaut mieux être heureux que de rendre nos corps pareils à des tombes pour les animaux. »
Concept musulman :
De même, une Association des végétariens musulmans existe pour laquelle le respect de l’animal est mis en avant, et elle explique que le végétarisme et le bio sont parfaitement halal : « Le végétarisme gagne néanmoins des adhérents en terre arabe et musulmane, car il n’est pas halal d’élever un animal comme une machine, et que les animaux aussi méritent compassion, puisqu’ils sont, comme les hommes, des créatures de Dieu. (…) Soheib Bencheikh, Grand Mufti de Marseille, estime que le sacrifice d’un mouton à l’occasion de l’Aïd el Kebir, “n’est ni un pilier de l’Islam, ni une obligation majeure comparable à la prière ou au jeûne du Ramadan” ».
Il n’est pas étonnant que les musulmans les plus compatissants se tournent vers le végétarisme par respect de l’animal, car comme chez les chrétiens avec les Cathares, il existe aussi une tradition musulmane en faveur du végétarisme chez les soufis : Mirdad déclarait que « ceux qui suivent le sentier spirituel ne doivent jamais oublier que s’ils consomment de la chair, ils devront payer ce geste de leur propre chair ».
Notons également qu’« en islam, les jeux à caractère violent et agressif impliquant des animaux sont interdits, comme en témoignent certaines fatwas sur la tauromachie ».
L’éthique la plus exemplaire en matière de respect animal se trouve cependant institutionnalisée dans trois religions : chez les Jains, les Sikhs et les Bishnoïs, adeptes « d’Ahimsa », la non-violence universelle.
La devise des Jains est « les vies se doivent un mutuel respect ». Dans ce contexte, la notion de « viande » en lien avec l’« animal » est considérée comme une source infinie de violence, chez les Sikhs le végétarisme est une norme culturelle « le Guru Granth Sahib, qui enseigne la pitié envers toutes les créatures et le refus d’encourager ou de participer à leur mise à mort, comparent les meurtres d’animaux à l’oubli du Dieu Un omniprésent », de même pour les Bishnoïs, dont quelques principes se trouvent en préambule. Comme l’indique leur nom (bish [20], noïs [9] en rajhastani), ils suivent 29 principes, édictés au XVIe siècle par Jambeshwar Bhagavan ou Jambaji (1451 1536). Dans la shahad 18, « Jeev Daya Palani : Être compatissant envers tous les êtres vivants », on lit :
« Nous, les Humains, n’avons pas le droit de tuer les autres créatures vivantes pour nous nourrir ou assouvir des besoins et des envies égoïstes. Etant incapables de créer un animal, nous ne pouvons le détruire. »
Shahad 18
Conclusion
Pour conclure, cette poignée d’humains de confessions différentes, mais tous hautement spirituels, ont fait le choix de respecter l’animal, et dans le contexte religieux, respecter l’animal et à ce titre toutes les créatures divines passe par le végétarisme, voire le végétalisme. Ainsi, tout en pratiquant fidèlement leur religion, -car si dans les textes sacrés il peut être autorisé dans certaines conditions de manger de la viande, cela n’est jamais un commandement bien au contraire-, de plus en plus de pratiquants optent pour un respect du vivant au sens large. Rappelons que dans la Genèse, l’humain au paradis était végétarien pour des raisons d’harmonie entre les êtres vivants.
Par ailleurs, en juillet 2015, une bonne nouvelle est arrivée : le plus grand sacrifice d’animaux du monde qui se tenait une fois tous les cinq ans lors de la « fête » hindoue de Gadhimaï, que nous dénoncions dans un précédent article (Astrid Guillaume, « Bien-être animal ou Bientraitance animale ? Signes distinctifs », revue 84), vient d’être définitivement interdit. Il est heureux que des prises de conscience aient enfin lieu.
Le sens étymologique du mot religion vient soit de religare (relier), soit de relegere (relire). Il serait en effet temps de re-lier l’homme à l’animal pour plus de re-connaissance de ses souffrances et de son intelligence, et de re-lire autrement les textes sacrés pour y puiser plus de compassion envers tous les êtres vivants.
Alors que la zoophagie a quintuplé depuis 1950 générant souffrances animales, problèmes de santé et catastrophes écologiques, parallèlement le végétarisme ne cesse d’augmenter pour des raisons éthiques et écologiques d’une part et pour des raisons d’altruisme et de compassion d’autre part.
*NDLR : étymologiquement, le terme zoocide signifie « qui tue l’animal ». Il est utilisé entre autres par Matthieu Ricard pour désigner la disparition actuelle des espèces animale (voir les articles de ce numéro sur la perte de biodiversité). Pour rappel, la Déclaration universelle des droits de l’animal énonce, dans son article 8 : « Tout acte compromettant la survie d’une espèce sauvage et toute décision conduisant à un tel acte constituent un génocide, c’est-à-dire un crime contre l’espèce ».