Trente-deux députés sur les 577 qui siègent à l’Assemblée nationale, soit seulement 5 % de l’hémicycle, viennent de voter le 12 janvier 2017 en 1ère lecture la proposition de loi n° 4312 relative au respect de l’animal en abattoir. Cette proposition de loi fait suite aux travaux de la commission d’enquête parlementaire initiée en avril 2016 par le député Olivier Falorni et devant laquelle la LFDA a pu exposer ses arguments.
Cette proposition de loi reprend quelques unes des 65 propositions du rapport de la commission d’enquête. Elle prévoit d’inscrire dans le code rural et de la pêche maritime ainsi que dans le code de procédure pénale plusieurs dispositions relatives à la transparence, aux contrôles et aux sanctions.
De la transparence au service du respect de l’animal en abattoir
En matière de transparence, l’article 1 prévoit la mise en place d’un comité national d’éthique des abattoirs au sein du Conseil national de l’alimentation. Il aura pour objectif de débattre de l’évolution de la législation et de la réglementation relatives à la protection animale en abattoir. Ce comité regroupera l’intégralité des acteurs de la filière, à savoir : les professionnels du secteur de l’abattage, les représentants des organisations professionnelles de salariés, des vétérinaires, des éleveurs, des associations de protection animale et de consommateurs, des personnes qualifiées en matière de bien-être animal, des parlementaires, ainsi que les représentants des cultes. La composition et les modalités de fonctionnement seront précisées par décret. L’article 2 prévoyait que ce comité soit décliné à l’échelle territoriale sous forme de comité local de suivi. Cette disposition a été supprimée dans la mesure où le ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt l’a déjà ordonnée par voie réglementaire.
Lors de leur audition, la LFDA et d’autres organisations de protection animale avaient demandé la création de ces comités d’éthique. La LFDA avait proposé que ce comité national d’éthique et les comités locaux de suivi soient en lien avec le centre national de référence bien-être animal dans lequel les organisations de protection animale seront représentées. À ce jour, aucune organisation de protection animale n’est représentée dans le Conseil national de l’alimentation pour la mandature 2016-2019. La composition des membres de ce « parlement de l’alimentation » devra être élargie afin que le comité national d’éthique en abattoir corresponde dans sa composition au contenu du texte.
Du contrôle au service du respect de l’animal en abattoir
En matière de contrôle, la proposition de loi initiale proposait d’équiper « les abattoirs de plus de 50 salariés d’un contrôle officiel permanent des postes d’étourdissement et de mise à mort » en y imposant la présence en permanence d’un agent des services vétérinaires. Cette disposition a été retirée du texte à la demande du ministre Stéphane Le Foll : « Je demande que nous prenions bien en compte le fait que, si nous choisissons la vidéosurveillance, nous ne pouvons pas demander à l’État de placer un vétérinaire dans chaque chaîne d’abattage – ce doit être l’un ou l’autre ».
Mesure phare de la proposition de loi Falorni, la vidéosurveillance, désormais appelée « contrôle vidéo » pour alléger la connotation de « flicage » tant décriée, a finalement été votée (lire également l’article sur le contrôle vidéo dans cette même revue). Cette proposition avait été supprimée lors de la discussion préliminaire du texte en commission des affaires économiques le 14 décembre 2016. Pourtant, la vidéosurveillance en abattoir avait été demandée à l’unanimité par les organisations de protection animale et de consommateurs ainsi que par d’autres acteurs de la filière auditionnés. Afin de faire pression sur les députés, les organisations de protection animale entendues par la commission Falorni, dont la LFDA, ont publié dans Libération une tribune commune le 10 janvier 2017, et ont cosigné un courrier adressé aux 577 députés pour les encourager à soutenir l’amendement concerné. Via les réseaux sociaux, elles ont mobilisé les citoyens afin qu’ils interpellent leur député en vue de la discussion du texte le 12 janvier dans l’hémicycle. Finalement, l’amendement n° 22 prévoyant le contrôle vidéo dans tous les abattoirs a été réintégré au texte. Sur les 32 députés présents, 28 ont voté « pour » et 4 ont voté « contre ». Même si seulement 5 % de l’hémicycle s’est déplacé, les députés présents ont répondu à l’attente sociétale.
Des sanctions au service du respect de l’animal en abattoir
Enfin, en matière de sanction, l’article 2-13 du code de procédure pénale sera modifié. Les organisations de protection animale pourront, une fois la loi votée, se porter partie civile en ce qui concerne les infractions prévues par le code rural et de la pêche maritime et non plus uniquement en application du code pénal.
Lors de son audition, la LFDA avait demandé que les actes de maltraitances, de cruauté ou les sévices graves soient plus sévèrement punis. L’article L.215-11 du code rural sera modifié : les peines encourues par les exploitants en cas de maltraitance animale passeront de six mois à un an d’emprisonnement et les amendes de 7 500 à 20 000 €. Enfin, « les établissements d’abattage et les transports d’animaux vivants » entrent également parmi les établissements concernés par l’article. Ce délit de maltraitance impliquant la responsabilité des directeurs d’abattoirs avait été remis en cause par le Conseil constitutionnel dans le cadre de la loi Sapin II (novembre 2016) ; ce délit est pour l’instant réintégré dans la proposition de loi.
Même si la LFDA se réjouit de ce durcissement des peines, elle regrette que les actes de maltraitances soient toujours moins sévèrement punis que le vol d’un animal, à savoir trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende (article 311.3 du code pénal). La LFDA avait demandé que les condamnations soient au moins identiques dans les deux cas, les actes de maltraitances et de cruauté étant plus graves du point de vue de la morale que le vol. Enfin, la LFDA réaffirme qu’afin que l’aggravation des sanctions soient efficace, le statut de lanceur d’alerte doit être attribué aux opérateurs des abattoirs ainsi qu’aux responsables de protection animale, afin qu’ils puissent en cas d’actes de maltraitance les dénoncer sans pour autant risquer leur emploi.
En parallèle : d’autres dispositions d’ordre réglementaire
La plupart des 65 propositions du rapport de la commission d’enquête parlementaire sont d’ordre règlementaire. Lors d’une rencontre le 13 octobre 2016 entre le ministre Stéphane Le Foll et le président de la commission d’enquête Olivier Falorni, le ministre s’est engagé à en retenir certaines.
Prévu dans les objectifs de la loi d’Avenir pour l’agriculture, le décret du 15 décembre 2016 organisant la publication des résultats des contrôles officiels en matière de sécurité sanitaire des aliments entrera en vigueur le 1er mars 2017. Dès lors Il sera possible d’accéder, entre autres, aux résultats annuels des contrôles effectués dans les abattoirs, en consultant, en toute transparence, le site du ministère.
Le ministère travaille actuellement à réviser les conditions de délivrance des certificats de compétence concernant la protection des animaux dans le cadre de leur mise à mort, fixées par l’arrêté du 31 juillet 2012. Lors de son audition la LFDA avait insisté sur la nécessité de « mieux former pour mieux responsabiliser », estimant que les formations et l’évaluation pour l’obtention de ces certificats sont insuffisantes pour garantir aux opérateurs et aux responsables de protection animale une véritable formation protectrice de l’animal. La LFDA avait demandé un allongement des durées de formation, la mise en place d’un volet pratique et un rehaussement du niveau d’exigence.
Enfin, le prochain gouvernement devra, quand la proposition de loi sera adoptée définitivement, remettre sous six mois trois rapports examinant les enjeux en termes de bien-être animal et économiques : premièrement sur le remplacement de l’usage du dioxyde de carbone (CO2) comme méthode d’étourdissement des porcs ; deuxièmement sur l’interdiction de l’abattage à des fins alimentaires des animaux gestants à partir du dernier tiers du développement normal du fœtus ; et troisièmement un rapport sur les moyens d’améliorer la formation professionnelle au bénéfice des salariés des abattoirs.
La LFDA ne peut que se réjouir de la prise en compte de ses demandes par le Gouvernement, et par les députés dans la proposition de loi relative au respect de l’animal à l’abattoir. Pour la plupart, ces points avaient été soulevés lors de l’audition du Pr Jean-Claude Nouët. Adoptée en 1ère lecture par l’Assemblée nationale, cette proposition de loi doit maintenant être adoptée par le Sénat puis devrait probablement passer en seconde lecture devant la nouvelle Assemblée nationale. L’issue quant au contenu de la loi relative au respect de l’animal en abattoir est donc à ce jour incertaine. La LFDA regrette le taux d’absentéisme très élevé lors de la discussion du texte alors même plus de 33 000 citoyens ont interpellé leur député sur cette proposition de loi, soit en moyenne plus de 58 demandes par député.
Audition du Pr Jean-Claude Nouët, vice-président de la Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences (LFDA), par la commission d’enquête parlementaire sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français, le 29 juin 2016 (extrait 1)
Enfin, la LFDA regrette qu’un nombre important de ses demandes n’ait pas été pris en compte, et regrette tout particulièrement le rejet des amendements réclamant que l’étourdissement soit rendu systématique pour tout abattage, alors même que les parlementaires wallons s’apprêtent à voter l’interdiction généralisée de l’abattage d’animaux sans étourdissement. Le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires s’est pourtant exprimé le 24 novembre 2015 énonçant que « Tout animal abattu doit être privé de conscience d’une manière efficace, préalablement à la saignée et jusqu’à la fin de celle-ci » (Louis Schweitzer, « Vétérinaire, le professionnel garant du bien-être animal », revue n°88). La LFDA réaffirme une nouvelle fois sa position en matière d’abattage : « Si la mise à mort d’un animal est nécessaire, elle doit être instantanée, indolore et non génératrice d’angoisse » (Déclaration universelle des droits de l’animal, article 3-2). Actuellement les dérogations à l’obligation d’étourdissement ne respectent en rien le caractère sensible de l’animal à qui ne sont épargnées ni douleur, ni souffrance, ni angoisse ; les dérogations à l’étourdissement doivent être supprimées.