Le 6 décembre 2016, la propriétaire de trois chiens était appelée à l’audience du Tribunal Correctionnel de Bergerac pour avoir laissé ses animaux enfermés dans la cave de la maison dont elle déménageait.
Deux de ces chiens furent retrouvés morts en mars 2016. Selon la presse locale, c’est le troisième des chiens qui, ayant réussi à sortir, avait attiré l’attention vers l’endroit où gisaient ses congénères.
Cette affaire sordide avait particulièrement ému la population, au point qu’une pétition avait recueilli plus de 14 000 signatures et avait été adressée à la Procureure de Bergerac et au ministre de la Justice en vue de retenir une qualification délictuelle, et non contraventionnelle, de ces faits.
Sur l’échelle des sanctions des différentes « formes » de maltraitance d’un animal, se trouve au sommet la sanction de l’abandon d’un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité. Au même titre que les sévices graves et actes de cruauté envers les animaux, cet acte constitue un délit pouvant être puni jusqu’à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende (article 521-1 du code pénal).
C’est la qualification qui fut retenue en l’espèce par le Parquet.
Le jugement du 6 décembre 2016 reconnaît la prévenue coupable d’abandon volontaire et la condamne pour ce délit à une peine d’emprisonnement de 6 mois.
Il est intéressant de souligner, d’une part, la motivation du tribunal qui, non seulement, prononce une peine d’emprisonnement ferme, non assortie de sursis, mais en outre rejette tout aménagement de cette peine, au regard « de la nature des faits et de la personnalité » de l’auteur.
Cette décision démontre, d’autre part, l’adhésion du tribunal de grande instance de Bergerac à une interprétation plus souple de cette infraction, permettant de la retenir plus largement.
En effet, la prévenue affirmait avoir passé un accord avec son ex-conjoint pour que ce dernier s’occupe de ses chiens et n’avoir eu aucune intention de les laisser mourir.
Or, il était fréquent que les juges conditionnent la qualification d’abandon à la preuve de l'intention de l’auteur de se désintéresser durablement et définitivement du sort de l'animal. La condition d’une telle preuve en rend alors la qualification pénale plus restrictive, et donc plus difficile à retenir.
C’est un arrêt récent de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui a amorcé cette évolution, en retenant l’infraction d’abandon dans le cas de chevaux dont il fut constaté par les riverains et autorités qu’ils étaient affaiblis et affamés, sinon malades pour beaucoup (Cass. crim., 31 mai 2016, n° 15-81 656). Pour autant, leur propriétaire leur donnait quelques visites et « soins » – bien que ceux-ci soient aussi rares et inadaptés que médiocres –, ce qui aurait pu s’opposer à cette qualification d’abandon.
Il est à espérer que cette évolution prospère et qu’elle soit adoptée par les juridictions du fond, notamment parce que la qualification d’abandon permet de prononcer à l’encontre de l’auteur de l’infraction, à titre de peine complémentaire, l’interdiction de détenir un animal à titre définitif ou non. C’est d’ailleurs ce que fit le tribunal correctionnel de Bergerac à l’encontre de la prévenue.
Cette peine ne peut en effet être prononcée, et on peut le déplorer, lorsque sont retenues les infractions d’atteintes involontaires à la vie ou à l'intégrité d'un animal, les mauvais traitements ou encore les atteintes volontaires à la vie d'un animal. Cette sanction trouve pourtant tout son sens pour des personnes ayant démontré un tel mépris de la vie animale, sans toutefois être trop attentatoire aux droits et libertés fondamentaux telle que celle d’aller et venir comme peut l’être une peine d’emprisonnement et qui doit, à ce titre, faire l’objet d’une motivation particulière
Chanel Desseigne
Jugement du tribunal correctionnel de Bergerac, n° 790/2016.
Article publié dans le numéro 93 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.