L’article page 22 rappelle que dans l’espèce éléphant d’Afrique, au cours des générations, les individus portent des défenses de plus en plus courtes, parce que les individus victimes de la chasse aux trophées sont ceux porteurs des défenses les plus longues et sont donc éliminés de la reproduction. Le sujet est d’importance, et suscite de nouvelles recherches. Un travail très fouillé vient d’être publié dans The Journal of Wildlife Management.
Il est de lecture assez difficile, parce que comportant 11 pages d’études statistiques avec formules algébriques et courbes, le tout en anglais… En voici le résumé, traduit du résumé de la publication ; il sera suivi de notre analyse.
Résumé
Certains écologistes suggèrent que la chasse au trophée (par exemple chasser des mâles possédant des caractéristiques désirables d’une certaine taille) peut mener à un changement rapide du phénotype ; cela a mené au débat en cours sur les conséquences de la chasse au trophée sur l’évolution. Les affirmations qui soutiennent une évolution rapide proviennent d’analyses statistiques de données, mais sans évaluation de la plausibilité théorique de ces résultats. Les auteurs construisent des modèles de génétique quantitative simples afin d’explorer la manière dont divers scénarios de chasse peuvent affecter l’évolution du trophée, telle que la longueur de la corne. Ils démontrent que la chasse aux trophées amène à une évolution de celui-ci, définie comme un changement de la valeur moyenne de l’attribut considéré comme trophée. Néanmoins, les changements les plus rapides du phénotype attribuables à la chasse suivant les hypothèses de la génétique quantitative sont plus lents que les plus rapides changements de phénotype rapportés d’après les analyses statistiques. Le travail suggère qu’une réévaluation des conséquences évolutionnistes possibles de la chasse aux trophées serait appropriée lors du choix de politique à suivre. Le travail ne considère pas les conséquences éthiques ou écologiques de la chasse au trophée.
Principales idées développées dans l’article
Une raison pour laquelle les conséquences écologiques et évolutionnistes de la chasse aux trophées ont récemment suscité l’intérêt, est que les biologistes ont découvert que l’évolution peut s’observer sur une échelle de temps écologique. Les preuves de changements génétiques sont moins courantes, car elles sont plus difficiles à démontrer.
Coltman et al. (2003) observent un changement phénotypique rapide en rapport avec la chasse, qui a été principalement attribué à l’évolution. En s’appuyant sur des données longitudinales de la population de mouflons dans la « Ram Mountain » au Canada, les auteurs ont utilisé la statistique génétique quantitative pour démontrer que la chasse sélective d’en moyenne 2 mâles/an sur une population moyenne de 150 mouflons a contribué substantiellement à une réduction de 30 % de la taille de la corne sur 5 générations. Dans une autre étude, Pigeon et al. (2016) apportent une nouvelle analyse qui conclut également que l’évolution joue un rôle clé dans les déclins phénotypiques observés. Aucune étude n’a cependant vérifié si les vitesses de changements observés dans ces 2 études sont plausibles au regard de la théorie de la génétique quantitative qui a inspiré leurs analyses statistiques.
Principales conclusions
Les simulations démontrent que le prélèvement sélectif peut altérer le sort de l’évolution des populations et peut entraîner un déclin de la taille des trophées. Cependant, même sous une intense chasse aux trophées, il est escompté qu’il faut des dizaines de générations avant que la taille moyenne du trophée ne se trouve grandement réduite par rapport à celle d’avant le début des prélèvements sélectifs.
Les résultats de l’étude démontrent aussi qu’en dépit du fait que des caractères corrélés peuvent avoir un impact sur l’évolution du phénotype, ils ne peuvent pas être invoqués pour expliquer un changement phénotypique rapide.
Le travail suggère qu’une chasse aux trophées hautement sélective aura pour résultat un changement d’évolution, mais qui ne sera pas particulièrement rapide. Ce changement sera plus rapide si les deux sexes sont ciblés de manière sélective, comme c’est malheureusement le cas pour les populations d’éléphant d’Afrique (Loxodonta africana) dans certains pays. Quand le prélèvement est moins sélectif, ou couplé avec un changement d’habitat, les conséquences sur l’évolution peuvent être plus difficiles à détecter.