Nous avons tous entendu parler de Monsieur Lemauvais, chasseur de son état, mais il semble que personne n’ait eu la chance de le rencontrer, de lui parler. Pourtant, il existe sûrement, parce que chaque année, on le suit aux traces qu’il laisse de ses méfaits, tout seul en France, unique en son genre puisqu’aucun chasseur ne se reconnait dans ce qu’il fait, courant du Nord au Sud et d’Est en Ouest, présent partout à la fois, insaisissable. Même les « Inconnus » n’avaient pas pu le rencontrer, en préparant le tournage de leur chasse à la galinette cendrée…
C’est lui le responsable de tout, c’est lui l’infâme, qui discrédite la chasse, ce sport noble et viril, et démocratique ! Monsieur Lemauvais (chasseur) est tout ce que le bon chasseur n’est pas. Agressif, brutal, à moitié aveugle et sourd, insolent, grossier, imprudent, il ne connaît pas d’espèce protégée, il méprise la vie animale. En somme, il est tout et il fait tout ce que le bon chasseur n’est pas et ne fait jamais.
Comme il ne respecte ni les autres ni le bien d’autrui, il pénètre dans les propriétés privées, il casse les clôtures, ne referme pas les barrières, écrase les récoltes, l’insulte à la bouche et la menace dans le pli du coude. Comme il ne respecte pas le bien public, il fusille les panneaux de signalisation routière. Comme il a un complexe de virilité, il se déguise en parachutiste de commando, comme il n’a jamais entendu parler de protection de la Nature, ou qu’il s’en fout intégralement, c’est lui qui tire sur les grèbes, les crécerelles, les buses, les milans, les hérons. C’est lui qui voudrait tant tuer un loup, un lynx, un ours, c’est lui qui tue des ânes dans un pré, qui est malade de ne pas aller tuer son léopard ou son antilope. Monsieur Lemauvais (chasseur) est un sanguinaire qui tue les animaux par plaisir.
Comme l’imprudence est fille de la stupidité, il ne décharge jamais son arme, ni pour monter dans sa voiture, ni pour franchir un obstacle, ni pour marcher sur une route ; il ne casse jamais son fusil et se contente de mettre la sécurité ; il se promène l’index sur la détente au lieu de le poser en arrière du pontet. Comme il tire sur tout ce qui bouge, ou qu’il n’y voit rien, ou qu’il voit double, il assassine un ramasseur de champignon, il expédie un chien dans un monde meilleur, il envoie une volée de plombs dans la figure de son voisin en tirant à hauteur d’homme ou en suivant un animal à la visée, il envoie dans l’au-delà une brave femme qui cueillait des roses en la prenant pour un cerf. C’est lui qui braconne la nuit aux phares, qui flingue les oiseaux à patte, les lièvres au gîte, les isolateurs électriques, les chauves-souris, les bouteilles vides, les pinsons, les panneaux routiers.
C’est toujours lui et partout lui. Mais pas les bons chasseurs. Il est tout seul. Car bons chasseurs, respectueux des autres, de leur vie et de leurs biens, respectueux des règlements, prudents et disciplinés, respectueux de la Nature et de la Vie, ils le sont tous, bien sûr, tous, sauf LUI. On connaît la chanson : c’est pas moi, c’est ma sœur... Reviennent à la mémoire les propos d’un haut responsable de ce qui était jadis l’Office national de la chasse : un seul porteur de fusil sur cent mérite le nom de chasseur.
On en déduit qu’un seul sur cent devrait pouvoir chasser.
On n’a jamais pu démontrer qu’un animal puisse éprouver la moindre sensation assimilable à un sentiment humain. Tout porte à croire, au contraire, qu’il mène une vie parfaitement végétative, plus proche de la plante que de l’homme.
BERNIE
Gazette officielle de la chasse, 15 mars 1986
En bonus, une vidéo éducative pour bien distinguer M. Lemauvais, chasseur, des autres :
Article publié dans le numéro 96 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.