Association Code Animal, février 2018
Ce livre résulte en fait du travail de trois auteurs, qui, par modestie, ne figurent pas sur la couverture : Franck Schrafstetter, Céline Paterre et Julie Lasne.
La question des mauvais traitements subis par les animaux de cirque n’est pas nouvelle. Notre Fondation y avait consacré un rapport, publié en français et en anglais, dès 2000*. Le présent ouvrage actualise cette approche à la date d’aujourd’hui et constitue une remarquable synthèse de tous les aspects de cette douloureuse question.
L’ouvrage commence par un état des lieux qui rappelle que, sur le plan historique, « “débarqués” dans les ports européens en même temps que les “indigènes” capturés dans les colonies, les animaux sauvages ont peu à peu intégré les ménageries à partir de 1820 » (p. 2). Mais ce n’est qu’en 1889 « avec la création de la cage centrale par les frères Hagenbeck, que les fauves sont réellement entrés sur la piste, soit plus d’un siècle après la création du cirque traditionnel » (p. 2). L’ouvrage relate ensuite la situation actuelle, les types de cirques (grands cirques-entreprises versus cirques familiaux, cirques dits contemporains) « qui excluent en général de leurs numéros tout animal » (p. 4), les animaux utilisés, la réglementation. Si l’arrêté du 16 mars 2011 stipule que « les animaux doivent être entretenus et entraînés dans des conditions qui visent à satisfaire leurs besoins biologiques et comportementaux » (p. 10), la réalité est toute autre. « La détention [est] contraire aux besoins physiologiques » (p. 16) et le rapport en donne de nombreux exemples. Aux animaux sont imposés « des comportements aberrants et en contradiction avec leur nature » (p. 18), comme l’obligation de se maintenir dans ou près de leurs excréments « qui ont une fonction de marqueur olfactif à destination des autres animaux » (p. 18).
Tout cela conduit à de nombreux « troubles du comportement », comme les stéréotypies (mouvements répétitifs), léchages compulsifs, rejets de sa progéniture par la mère, automutilations, agressivité, troubles alimentaires… « La captivité induit des perturbations neurologiques qui ont des conséquences durables sur le comportement des animaux » (p. 25). En outre, « en Europe, les difficultés financières rencontrées dans la majorité des petits cirques […] renforcent le risque de mauvaise gestion, de soins vétérinaires insuffisants et d’alimentation inadaptée » (p. 25). Des pages plus spécifiques sont consacrées aux équidés, aux girafes, aux hippopotames, aux lions, tigres et autres carnivores, aux ours, aux primates, qui permettent d’analyser, pour chaque type d’animal, les facteurs de stress qu’ils sont les plus susceptibles de rencontrer. À l’occasion, le livre raconte aussi comment, dans certains cas, Code Animal est intervenu pour sauver des animaux.
Quant au dressage, il est en général « coercitif et contre-nature » (p. 59) : « Le dressage doit conduire à la désorganisation des archétypes comportementaux associés aux espèces […] et vise à démontrer une suprématie de l’homme sur la bête » (p. 59). La confession (p. 61) d’un dresseur d’ours est exemplaire dans son caractère abominable. « La cruauté naît avec le dresseur », avoue-t-il (p. 63). Divers instruments de coercition et de torture aident le dresseur à rester, à n’importe quel prix, maître de ses animaux. La réglementation est peu ou pas respectée, les services de l’État sont dépassés, la justice reste à la traîne (p. 92). Parfois certains animaux s’échappent ou attaquent le dresseur. Les évasions sont souvent mortelles pour l’animal, à quelques exceptions heureuses près, auxquelles le livre nous fait assister.
Ce bilan, dans l’ensemble dramatique, ouvre cependant sur quelques notes d’espoir. L’évolution vers des cirques sans animaux sauvages fait son chemin dans l’opinion publique. En France, en 2017, le cirque Bouglione a décidé « d’abandonner l’utilisation des animaux » (p. 99) et c’est déjà le cas dans plusieurs pays d’Europe. Diverses recommandations émanant de Code Animal figurent en fin d’ouvrage pour encourager l’évolution dans ce sens.
* Jean-Claude Nouët et Stéphane Né, La Condition des animaux dans les cirques / The Condition of Circus Animals, Édition LFDA, 2000
Article publié dans le numéro 98 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.