Le 28 août dernier, Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique et solidaire a décidé de démissionner. Il n’a pas supporté que le lobbyiste des chasseurs, Thierry Coste, soit présent à une réunion sur la chasse à l’Élysée, alors que lui, ministre, n’était pas prévenu et que le lobbyiste n’était vraisemblablement pas invité. D’après les médias, c’est la raison pour laquelle Nicolas Hulot a démissionné précipitamment de son poste de ministre de l’Environnement. Pourtant, cela est en fait un prétexte, ou la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, car la présence des chasseurs dans les plus hautes sphères de l’État n’est pas nouvelle, bien au contraire.
Quelques exemples suffisent à l’illustrer. En 1998, une proposition de loi a été adoptée à l’Assemblée nationale, visant à allonger la période de chasse des oiseaux migrateurs. Pourtant, cette loi est juridiquement inacceptable car la directive européenne sur les oiseaux l’interdit. Mais les chasseurs ont réussi à faire valoir leurs idées. Déjà en 1994, une loi avait inscrit dans le code rural et de la pêche maritime une date de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs reculée d’un mois (jusqu’à fin février) pour la plupart des espèces, alors que la directive européenne implique la fermeture de la chasse pour toutes les espèces à la fin du mois de janvier (Le Monde, 3 juillet 1998).
Depuis des années, les chasseurs ont également leurs passe-droits dans les écoles françaises, afin de prêcher la mauvaise parole auprès des enfants. En 2010, une Convention de partenariat pour l’éducation au développement durable avait été signée entre le ministère de l’Éducation, le ministère de l’Environnement et les fédérations nationales des chasseurs et des pêcheurs pour autoriser l’intervention des chasseurs auprès des écoliers. Cette convention signée pour 4 ans a depuis été constamment reconduite (Midi Libre, 26 juillet 2018). Cela dit, les chasseurs intervenaient dans les écoles bien avant 2010. En 2015, comme elle l’avait fait en 2009, la Fondation Droit Animal, Éthique et Sciences, avec plus d’une soixantaine d’ONG réunies au sein d’un collectif s’opposant à la présence des chasseurs dans les écoles, avait envoyé une lettre à la ministre de l’Environnement de l’époque, Ségolène Royal, pour s’insurger contre son soutien à cette convention. Mais encore une fois, les chasseurs murmurent mieux aux oreilles des politiques que la majorité des citoyens français qui se détournent de la chasse…
Le président de la République actuel paraît être tout autant à l’écoute que ses prédécesseurs. Les chasseurs ont largement ses faveurs. À noter toutefois : la baisse du permis de chasse national, qui devrait passer de 400 euros à 200 euros prochainement n’est pas un cadeau en soi de la part de l’exécutif. Il s’avère que presque la moitié du prix actuel du permis est versée à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), organe public, pour ses frais d’administration, notamment le financement des services administratifs chargés d’indemniser les agriculteurs pour les dégâts dus aux sangliers et autres grands animaux. Or, ces frais ne sont plus justifiés : les indemnités sont versées par les fédérations de chasse départementales depuis le début des années 2000 (adoption de la loi Voynet). Si la baisse du prix du permis de chasse devait être inscrite dans une loi, l’ONCFS arrêtera de recevoir de l’argent pour des services administratifs qu’il ne rend pas (Capital, 13 avril 2018). Malgré cela, la baisse du prix du permis de chasse reste une aubaine pour les chasseurs : ils espèrent qu’elle aidera à renflouer leurs effectifs, qui ne cessent de chuter inéluctablement.
Quant à la démission de Nicolas Hulot, elle ne présage rien de bon pour la planète, l’environnement et les animaux. En tant que ministre, il s’était engagé à reprendre un nouvel arrêté sur la captivité des cétacés (celui de 2017 a été annulé par le Conseil d’État en janvier pour vice de procédure) ; il était contre le projet de mines d’or en Guyane (projet destructeur de la biodiversité) ; il était opposé à la chasse… Dans tous ces domaines, il faut craindre fortement que son successeur François de Rugy soit moins engagé. Le nouveau ministre de la Transition écologique et solidaire s’est déjà dit prêt à reprendre le dossier « Montagne d’Or » en Guyane, en annonçant que le projet nécessiterait d’être révisé, mais en ne s’y opposant pas (Le Monde, 5 septembre 2018). Le ton est donné.
- Agathe Van Lang, « La loi des chasseurs contre le droit », Le Monde, 3 juillet 1998.
- « La Fédération de chasse participe à l’éducation à l’environnement », Midi Libre, 26 juillet 2018,
- Jean-Claude Nouët, « Non aux chasseurs dans les écoles ! », Droit Animal, Éthique et Sciences, 22 avril 2015,
- Alexandre Loukil, « Le “cadeau” d’Emmanuel Macron aux chasseurs en est-il vraiment un ? », Capital, 13 avril 2018,
- « Le projet “Montagne d’or ” en Guyane devra être repris, prévient François de Rugy », Le Monde, 5 septembre 2018,
Article publié dans le numéro 99 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.