Maltraitance animale au laboratoire allemand LPT

Les informations dévoilées sont macabres. Le scandale, révélé par l’association Cruelty Free International (CFI) & SOKO (association allemande pour le bien-être animal), dénonce les conditions abominables d’hébergement et de traitement des animaux détenus par le laboratoire Laboratory of Pharmacology and Toxicology) (LPT) en Allemagne. Les vidéos prises par des militants infiltrés dans le laboratoire entre décembre 2018 et mars 2019 montrent un mépris total pour le droit et l’éthique dont la déontologie scientifique.

[Attention, cette vidéo montre des images choquantes de maltraitance animale.]

© Cruelty Free International / SOKO Tierschutz

Le rapport rédigé par ces deux associations met en lumière les pratiques cruelles et dangereuses du laboratoire allemand. Effectivement, au-delà d’avoir transgressé la législation allemande et européenne concernant les conditions de détention d’animaux et leur utilisation dans le cadre d’études scientifiques, le laboratoire est également soupçonné d’avoir falsifié les données obtenues lors des expériences, mettant ainsi en danger la santé des consommateurs des produits testés.

Le rapport de CFI et SOKO précise qu’aucune prise en charge médicale n’est apportée à un animal souffrant (ni soin, ni euthanasie), mais également que les conditions d’hébergement ne sont absolument pas conformes : les animaux sociaux sont séparés dans des cages individuelles, sans aucun enrichissement. Pourtant, la législation concernant l’expérimentation animale donne des directives claires concernant les conditions d’hébergement et les soins à apporter aux animaux utilisés dans ce cadre. Le laboratoire ne répond pas, entre autres, à la règle essentielle des « 3R » (Russel & Burch 1959) – Raffiner la méthode scientifique, Remplacer et Réduire le modèle biologique utilisé – imposée à tout laboratoire utilisant des animaux vivants comme sujet d’études ou d’expérimentation. Il ne respecte pas non plus les « cinq libertés » établies par le Farm Animal Welfare Council et qui influencent certaines législations nationales comme l’Animal Welfare Act 2006 au Royaume-Uni, dans lesquelles il est spécifié que tout animal captif doit être : 

  • Préservé de la faim, de la soif, de la malnutrition,
  • Préservé de la peur, de la détresse,
  • Préservé de l’inconfort thermique et physique,
  • Préservé de la douleur, des blessures et des maladies, 
  • Libres d’exprimer des comportements naturels.

Non seulement le laboratoire n’accorde aucune importance au respect de ces cinq libertés, mais le rapport dévoile que certains employés font également preuve de cruauté envers les animaux. Un employé a ainsi indiqué qu’un de ses collègues frappait régulièrement les singes et maltraitait les chiens au point qu’il ne soit plus autorisé à s’occuper d’eux. Des chiens ont d’ailleurs été retrouvés en sang ou dans un état moribond, sans qu’aucun soin ne leur soit prodigué et sans que cela ne soit nécessaire pour l’expérience. Le personnel et les animaux n’ayant reçu aucun entrainement adapté pour que les prélèvements (de sang, de salive ou de poils par exemple) et la prise de substances se passent correctement (passant notamment par une habituation progressive et un renforcement positif), les animaux subissaient alors un stress extrême, risquant ainsi de se blesser ou de blesser les employés lors des manipulations.

Les manipulations exercées par le laboratoire sont extrêmement violentes : des singes sont attrapés à l’aide de perches ou par le collier et immobilisés pendant plusieurs heures sans y avoir été habitués auparavant. Certains d’entre eux ont même été attachés par le cou, les pattes avant et arrière ligotées, pour subir des injections en intra-veineuses (une bonne alternative aurait été d’entrainer les singes à présenter leur bras ou toute autre partie de leur corps pour effectuer la prise de sang sans avoir à les déplacer et leur faire subir un stress et une douleur inutile et évitable…). À cette liste de maltraitances déjà trop longue, s’ajoute également le gavage. Les animaux sont ainsi nourris par un tube introduit dans leur estomac, sans aucune vérification des lésions potentielles provoquées par cette technique. Il n’existe pour eux aucune échappatoire, ni aucune possibilité d’exprimer des comportements naturels les plus basiques, pas même celui de s’alimenter.

Il semble que le laboratoire LPT n’ait fait aucun cas des recommandations, des lois et des différentes alternatives existantes pour éviter aux animaux un stress inutile ou une douleur trop importante. Le laboratoire accumule les maltraitances.

Les directives européennes violées par le laboratoire sont bien trop nombreuses : de celle concernant la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques (Directive 2010/63/UE) à l’inspection et la vérification des bonnes pratiques de laboratoire (Directive 2004/9/CE), en passant par la législation européenne sur les produits cosmétiques… la liste peut encore continuer.

En plus de cette ignorance du bien-être animal sous toutes ses formes, le laboratoire aurait également, lors d’une expérience, substitué un animal – mort des suites d’un prolapsus rectal non soigné – par un autre n’ayant pas suivi la même procédure expérimentale, falsifiant ainsi les résultats obtenus pour l’expérience menée. Cette pratique serait courante, d’après les employés du laboratoire. Dans son article datant de février 2020 consacré au scandale lié aux pratiques du laboratoire LPT, le journal Le Monde relate des faits alarmants. Le laboratoire avait en effet pour mission de tester des médicaments et produits chimiques dans le but d’en évaluer la toxicité potentielle pour des clients des secteurs pharmaceutiques, chimiques ou cosmétiques. La falsification des données est d’autant plus inquiétante que le laboratoire a notamment eut la charge d’études sur la génotoxicité du glyphosate ainsi que pour des médicaments impliqués dans le traitement contre le cancer, note le journal. La question reste de savoir si les clients du laboratoire étaient ou non au courant de ces pratiques illégales.

Après de telles révélations, les réactions ont été nombreuses, y compris à l’international. Des manifestations et des pétitions survenues partout dans le monde ont révélées l’intérêt du grand public pour le droit animal et la volonté d’agir pour sanctionner des pratiques aussi abjectes. Contacté par le journal Le Monde, la Commission européenne avait répondu fin 2019 avoir pris « des mesures immédiates pour donner suite à ce cas précis ». Effectivement, début 2020, il apparaît que le laboratoire LPT a bien été fermé, et s’est vu retirer son autorisation d’ouverture. Cette action démontre que l’indignation publique à bien été perçue et entendue, mais qu’en est-il de solutions et d’actions durables et concrètes ? Il semble urgent de réfléchir aux solutions à envisager pour que ce type de scandale, qui n’est pas un cas isolé, ne se reproduise pas et pour que le laboratoire soit sévèrement puni.

Julia Gavarrino

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