Mise en œuvre de la réglementation dans les labos : peut mieux faire

En même temps qu’elle a publié les statistiques 2015-2017 sur l’utilisation des animaux à des fins scientifiques, la Commission européenne a publié un rapport sur la mise en œuvre de la directive 2010/63/UE sur la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques. La Commission estime que la directive est globalement bien mise en œuvre dans les États membres, avec des disparités en fonction des domaines. Elle a tout de même intenté des procédures d’infraction à l’encontre d’une quinzaine d’État membres pour non-respect de la directive.

© Maggie Bartlett, NHGRI

De plus, si la législation était si bien appliquée, on éviterait sans doute des scandales tels que celui du laboratoire LPT en Allemagne.

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En général, chaque État membre de l’Union européenne (UE) a sa manière bien à lui de mettre en œuvre la directive européenne. C’est le propre des directives européennes : les États doivent les retranscrire dans leur réglementation nationale et ont une certaine marge de manœuvre sur la manière de le faire. Cela complique la comparaison entre les pays membres et l’analyse de la mise en œuvre globale de la directive.

L’évaluation a priori et l’autorisation des projets d’expérimentation

Des comités d’éthique nationaux ont dû être mis en place dans le but de conseiller les autorités compétentes mais aussi les structures en charge du bien-être des animaux. En France, la Commission nationale de l’expérimentation animale existait déjà bien avant l’entrée en vigueur de la directive en 2013, même si elle connait des problèmes de fonctionnement.

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Le rapport note qu’en 2017, l’UE comptait un peu moins de 4000 établissements en lien avec des animaux de laboratoire (laboratoires, éleveurs, fournisseurs) agréés actifs, pour un total d’environ 16 500 projets d’expérimentation autorisés. Au sujet de l’évaluation de ces projets, la Commission reconnaît l’importance d’une impartialité, particulièrement dans les cas comme en France où ce sont des comités d’éthique d’établissement – donc au sein des laboratoires – qui sont chargés d’évaluer les demandes de projets qui se dérouleront localement. La composition des comités d’éthique prévoit que le personnel qui dépose la demande ne soit pas en charge de son évaluation. C’est nécessaire, mais est-ce suffisant pour garantir l’impartialité ?

Le rapport fait aussi état d’un nombre de demandes d’autorisation de projet refusées très faible. En France, par exemple, aucun projet n’a été refusé en 2017. Cela s’explique par le fait que le ministère de la Recherche – qui accorde les autorisations – signale d’abord au porteur de projet si quelque chose ne convient pas dans la demande, afin que celui-ci la rectifie.

Les résumés non-techniques des projets d’expérimentation servent à expliquer brièvement (et en théorie clairement) au public les projets réalisés, leur objectif, le nombre d’animaux utilisés et comment la règle des 3R* est mise en œuvre. La France a indiqué à la Commission européenne que le nombre moyen de mois entre l’autorisation d’un projet et sa publication sur le site du ministère de la Recherche est de 12 mois. Pourtant, les derniers résumés non-techniques consultables actuellement datent de 2017… De plus, les résumés français restent très obscurs pour le public, aussi bien sur le fond que sur la forme. À compter de 2021, la publication des résumés non-techniques des projets devrait se faire sur une base de données centralisée de l’UE et dans les six mois suivant l’autorisation du projet.

Au cours des expérimentations

Les inspections doivent concerner au moins un tiers des établissement utilisateurs d’animaux tous les ans et des inspections inopinées doivent être effectuées. La moyenne européenne des inspections inopinées s’élève à 40 % environ. La France est bien en dessous, avec un taux proche de 15 % en 2017.

Concernant les violations réglementaires, le rapport indique que des violations communes consistaient à effectuer des procédures sans l’autorisation nécessaire, ne pas avoir la formation suffisante ou ne pas respecter les normes minimales d’hébergement des animaux. Le Royaume-Uni publie tous les ans des informations sur les violations et les sanctions.

Au sujet des animaux

La directive autorise des dérogations pour différentes mesures. Par exemple, les animaux doivent être issus d’un élevage agréé mais des dérogations existent pour des animaux sauvages. Plusieurs dérogations ont été accordées en ce sens pour expérimenter sur des animaux sauvages (poser des capteurs par exemple). Autre exemple, la réutilisation d’un animal après une procédure qui lui a infligé une douleur dite « sévère » est interdite, sauf exceptionnellement sur justification scientifique stricte. Alors que certains États membres n’autorisent même pas cette dérogation dans leur réglementation nationale, la France a indiqué avoir accordé cette dérogation, sans toutefois en préciser les circonstances… D’autres dérogations concernent des hébergements qui ne respectent pas les normes minimales inscrites en annexe III de la directive.

De plus, concernant les primates non-humains, la Commission se réjouit que l’ensemble des primates élevés dans l’UE soient issus de la deuxième génération de primates captifs (grands-parents nés dans la nature et capturés), et non de la première (parents nés dans la nature et capturés) ou eux-mêmes capturés.

L’examen des projets a posteriori

Les appréciations rétrospectives sont un mécanisme important prévu par la directive pour permettre d’analyser le déroulement du projet utilisant des animaux a posteriori et déterminer si l’évaluation a priori a bien été réalisée, ainsi que la façon dont la règle des 3R aurait potentiellement pu être mieux appliquée. Malheureusement, les données des États membres reçues par la Commission européenne ne sont pas vraiment exploitables et il n’est pas clair si ce mécanisme est conformément mis en place ou non.

Les méthodes alternatives à l’expérimentation animale

Enfin, concernant les méthodes alternatives, certains pays de l’UE se sont dotés d’un centre des 3R. La France a créé la plateforme française dédiée au développement, à la validation et à la diffusion de méthodes alternatives en expérimentation animale (Francopa) dont la LFDA est un membre fondateur. Mais Francopa, contrairement à d’autres centres européens, ne possède pas de fonds publics pour remplir sa mission, qui est donc limitée.

Conclusion

Des progrès sont perceptibles entre 2013 et 2017 sur la mise en œuvre de la directive 2010/63/UE, avec de grandes disparités entre les États membres de l’Union, mais de nombreux aspects doivent encore être améliorés pour que la directive remplisse pleinement l’objectif qu’elle s’est fixée : parvenir au remplacement total des animaux utilisés dans la recherche par des méthodes substitutives. Le respect de l’objectif passera sûrement par la révision de la directive dans le futur.

Nikita Bachelard

* Remplacer les animaux par des méthodes alternatives ; réduire le nombre d’animaux utiliser ; raffiner la procédure expérimentale (améliorer la condition de l’animal).

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