Interdiction des tests sur animaux en cosmétologie : le mauvais message envoyé par la Commission européenne

Les tests sur les animaux en cosmétologie ne sont plus admis à la fois par l’opinion publique, les ONG mais également les entreprises du secteur qui développent des alternatives. Pourtant, la Commission européenne a laissé entendre que pour certains produits uniquement utilisés dans le domaine des cosmétiques, des tests devaient être réalisés. Cela met à mal l’interdiction de l’utilisation des animaux dans le domaine de la cosmétologie.

Dans le précédent numéro de la revue, nous vous parlions de la polémique autour des tests sur animaux pour la production de produits cosmétiques, en cas de doute pour la sécurité des travailleurs. Depuis la parution de l’article en octobre 2020, des organisations de défense des animaux et des entreprises de cosmétiques se sont élevés contre la décision de la Chambre de recours de l’Agence européenne des produits chimiques (Echa).

Comme expliqué en octobre, la décision de l’Echa est conforme à la législation européenne, que ce soit sur l’interdiction des animaux pour tester les produits cosmétiques, ou bien sur les tests des substances chimiques (règlement Reach). Mais comme nous le soulignions en conclusion, le message envoyé par l’Echa est contraire à toute progression vers la fin de l’utilisation des animaux pour les tests réglementaires d’innocuité des produits. C’est notamment ce que dénoncent des géants du secteur et des ONG.

Industrie et ONG vent debout contre les institutions européennes

Dans une déclaration commune du 10 novembre 2020, des membres de l’Animal-Free Safety Assessment Collaboration (Afsa) (l’ONG Humane Society International et les entreprises Avon, L’Oréal, Procter&Gamble, Unilever and Lush) se sont insurgées contre la demande de l’Echa de tester sur des animaux les substances homosalate et 2-ethylhexyl salicylate, alors qu’elles sont uniquement utilisées dans le cadre de produits cosmétiques. L’Afsa demande aux institutions européennes de ne pas affaiblir l’interdiction de tester des produits cosmétiques et leurs ingrédients sur des animaux et de commercialiser des produits qui ne respecteraient pas cette règle. Elle demande également à collaborer avec l’Union européenne pour faire progresser la recherche sur les méthodes alternatives, y compris pour éviter d’avoir à effectuer des tests sur des animaux dans le cas où des doutes pour la sécurité des travailleurs persisteraient.

Car les affaires qui ont mené aux décisions de l’Echa d’exiger des tests sur animaux pour ces substances concernent bien la sécurité des travailleurs. Or, selon Unilever, les deux substances en question sont utilisées depuis longtemps par les firmes de cosmétiques et donc présentes dans les usines, sans avoir posé de problème de sécurité pour les travailleurs. Les décisions de l’Echa ne leur paraissent donc pas justifiées.

Le 20 novembre, la Commission européenne a répondu à une question écrite de l’eurodéputée Tilly Metz à ce sujet, soutenant les décisions de la Chambre de recours de l’Echa. En réponse à la Commission, Eurogroup for Animals, dont la LFDA est membre, Cruelty Free Europe, Humane Society International Europe, Peta UK et The European Coalition to End Animal Experiments ont publié une déclaration commune demandant au Parlement européen et à la Commission de respecter scrupuleusement l’interdiction des tests sur animaux en cosmétologie, de s’assurer que la réglementation sur les produits chimiques n’affaiblit pas cette interdiction et d’établir une stratégie pour qu’il n’y ait pas d’exemptions possibles à cette interdiction. Les organisations déclarent que si l’innocuité d’une substance ne peut pas être correctement évaluée avec des méthodes sans animaux, celle-ci ne doit pas être utilisée en cosmétique, jusqu’à ce qu’une méthode sans animaux soit développée pour évaluer son innocuité.

Conclusion

L’interdiction des tests sur les animaux en cosmétologie est une longue bataille des organisations de protection des animaux, soutenue par de nombreux consommateurs. Les institutions européennes se sont félicitées de cette victoire et le Parlement a même adopté une résolution demandant à la Commission de travailler à une interdiction à l’échelle mondiale. D’ailleurs, à la suite de l’Union européenne, de nombreux pays ont décidé à leur tour d’interdire l’expérimentation animale pour les produits cosmétiques.

La cosmétique n’est pas un domaine de la recherche justifiant l’utilisation d’animaux. Les fabricants l’ont bien compris et ont entrepris de nombreux efforts pour développer des méthodes sans animaux pour établir la sécurité des produits. Se passer totalement des animaux dans ce domaine est une étape indispensable dans la stratégie visant à mettre fin à l’utilisation des animaux pour les tests réglementaires d’innocuité des produits. Et c’est également le seul moyen de respecter le consommateur à qui l’on vend des produits censés ne pas avoir été testés sur des animaux.

Nikita Bachelard

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