Les insectes pollinisateurs comme les abeilles sont indispensables aux écosystèmes car la pollinisation permet aux plantes de se reproduire. Ainsi, ces petits animaux rendent services aux écosystèmes et à leurs habitants, à commencer par les humains. On parle depuis les années 1980 de « services écosystémiques ».
Dans les années 1980, avec la naissance du terme « biodiversité » a émergé le concept de « services écosystémiques ». Ces services sont les bénéfices que l’Homme tire des écosystèmes naturels, gratuitement, sans avoir à agir pour les obtenir. Ils se divisent en quatre catégories :
- Les services de support, qui créent les conditions de base au développement de la vie sur Terre (formation des sols, production primaire, air respirable…).
- Les services d’approvisionnement, qui fournissent aux populations de la nourriture, de l’eau potable, des combustibles, des fibres…
- Les services culturels, qui représentent les bénéfices non-matériels que l’humanité peut tirer des écosystèmes, à travers un enrichissement spirituel ou un développement cognitif (patrimoine, esthétisme, éducation…).
- Les services de régulation, permettant de modérer ou de réguler les phénomènes naturels (régulation du climat, de l’érosion, des parasites…).
Un de ces services de régulation, bien connu des jardiniers et arboriculteurs, présente une importance capitale : la pollinisation. Ce processus permet aux plantes de se reproduire, car, enracinées dans le sol, elles ne peuvent se mouvoir. Il assure également un meilleur brassage génétique (la pollinisation évite la consanguinité, ce qui favorise la diversité et la résistance des plantes), le maintien de la biodiversité et l’équilibre des écosystèmes.
En effet, la pollinisation constitue le mode de reproduction, et plus spécifiquement de fécondation, des gymnospermes (plantes à graines dont l’ovule est nu), telles que les conifères, et des angiospermes (plantes à fleurs dont l’ovule est contenu dans un ovaire).
Les végétaux, qui nécessitent que leurs grains de pollen soient transportés depuis l’organe mâle jusqu’à l’organe femelle, vont alors bénéficier :
- De l’action des animaux (la pollinisation par les insectes, les oiseaux, les chauves-souris…)
- Ou de l’action des éléments non-vivants (la pollinisation par le vent, l’eau…).
Ainsi, le pollen de la plupart des gymnospermes est transporté par le vent, tandis que les plantes à fleurs (les angiospermes), elles, dépendent du monde animal : elles ont besoin d’insectes dits « pollinisateurs » pour assurer leur reproduction. On estime d’ailleurs qu’environ 80 % des plantes à fleurs doivent leur fécondation à l’intervention des insectes.
La pollinisation par les insectes, un service écologique fondamental
Ce processus suppose la présence de deux acteurs : les fleurs et les insectes. Les fleurs sont les structures qui assurent la reproduction sexuée des plantes à fleurs, tandis que les insectes pollinisateurs, eux, sont les protagonistes de ce processus : ils assurent le voyage du pollen d’une étamine jusqu’au stigmate.
Tout d’abord, un aperçu de l’appareil reproducteur des plantes à fleurs paraît nécessaire. Celles-ci sont dotées de pièces fertiles mâles : les étamines, et de pièces fertiles femelles : le stigmate (sur lequel se dépose le pollen) et l’ovaire, contenant l’ovule. En fonction des espèces, les fleurs peuvent être unisexuées (soit mâles, soit femelles) ou bisexuées (c’est à dire hermaphrodites, avec à la fois les éléments mâles et les éléments femelles).
Afin d’optimiser l’arrivée des insectes pollinisateurs, les fleurs ont adopté, au fil de leur évolution, diverses stratégies : elles vont se colorer, s’orner de divers motifs, adopter une certaine forme, ou encore émettre une certaine odeur, plus ou moins perceptible par l’Homme. Ces parfums sont émis à des moments stratégiques : aux heures précises de la journée ou de la nuit où les insectes sont actifs. Aussi, le choix des couleurs arborées par les fleurs n’est pas anodin : les fleurs rouges, jaunes et violettes attireront plutôt les papillons, tandis que les fleurs jaunes, bleues et blanches attireront les abeilles.
Les insectes pollinisateurs, quant à eux, appartiennent, majoritairement à quatre grands ordres :
- Les hyménoptères (abeilles, bourdons et guêpes)
- Les lépidoptères (papillons « de jour » et papillons « de nuit »)
- Les diptères (mouches, syrphes…)
- Les coléoptères (cétoines…)
Afin d’assurer le processus de pollinisation, les insectes se sont eux aussi dotés, au fil de leur évolution, d’organes spécifiques : ils possèdent des mandibules, leur permettant de casser les étamines ; leur trompe – faisant office de langue – recueille le nectar, et leurs pattes leur permettent de retenir le pollen sous formes de pelotes.
Ainsi, la pollinisation, processus fondamental à la survie des plantes, est le fruit d’une parfaite coopération, puisqu’en s’associant, végétaux et insectes tirent tous deux un bénéfice réciproque. En effet, a lieu un échange de bons procédés : les végétaux confient aux pollinisateurs le soin d’assurer leur fécondation, et en échange, ils leur fourniront du pollen et du nectar (produit par une glande appelée « nectaire »). Les insectes, venus se délecter de cette précieuse nourriture, effectueront un vol de fleurs en fleurs et assureront le transport du pollen d’une fleur A vers le stigmate d’une fleur B. Puis, une fois l’ovule de fleur fécondé, se formera un fruit contenant des graines. Celles-ci, si elles germent, donneront naissance à une nouvelle plante.
Certaines plantes à fleurs ne laissent qu’une seule espèce d’insectes assurer leur reproduction. C’est le cas du figuier, qui ne peut être pollinisé que par le blastophage, un insecte parent des guêpes et des abeilles.
Schéma de la pollinisation entomophile (effectuée par les insectes)
L’implication de l’Homme dans ce processus
La pollinisation, profitant avant tout aux végétaux et, plus largement, aux écosystèmes naturels, fournit également de nombreux bénéfices à l’Homme. En effet, beaucoup de pratiques culturales dépendent du travail des insectes pollinisateurs : c’est notamment le cas de l’agriculture et de l’arboriculture. Ainsi, 80 % des espèces cultivées par l’Homme sont dépendantes de la pollinisation, ce qui représente 35 % de notre alimentation.
Toutefois, en retour, l’Homme ne se montre pas toujours reconnaissant envers ceux qui, pourtant, lui fournissent tant de services. Les activités humaines et les nuisances environnementales qu’elles causent sont un grand facteur de la disparation des pollinisateurs : de nombreuses espèces d’insectes, et notamment les abeilles, connaissent un fort déclin.
De la dégradation des milieux naturels aux dangers des pesticides, en passant par le réchauffement climatique, les menaces sont grandes, et grandissantes. En effet, les molécules présentes dans les pesticides, même à très faible dose, provoquent une perturbation des capacités cognitives (apprentissage, orientation) et du comportement de butinage des abeilles. Malheureusement, en France, la quantité de produits phytosanitaires utilisée pour l’agriculture a augmenté de 25 % entre 2011 et 2018, alors que le plan « Écophyto » en prévoyait une réduction de 50 %.
S’ajoute à cela le réchauffement climatique, qui contribue à la modification des conditions de vie des espèces. En effet, une floraison plus précoce que la normale peut ôter de précieuses ressources alimentaires à des populations d’insectes pollinisateurs, ce qui les affaiblit considérablement.
Or, si ces insectes venaient à disparaître, de grandes famines risqueraient de survenir car la plupart des plantes cultivées ne pourraient plus être fécondées. Aussi, l’Homme devrait se démener pour polliniser artificiellement les fleurs de multiples végétaux, ce qui représenterait un travail colossal et un coût important. De même, les générations futures, et de nombreuses espèces d’animaux fructivores, risqueraient de connaître de grandes difficultés pour s’alimenter. Il est alors grand temps de promouvoir et d’appliquer des solutions pour limiter l’érosion de la biodiversité, et favoriser la présence de ces insectes pollinisateurs.
Les solutions existantes pour favoriser la pollinisation
Dans les vergers, et pour la pérennité de certaines cultures (colza ou tournesol), les arboriculteurs et agriculteurs ont trouvé une solution permettant aux fleurs des arbres fruitiers d’être fécondées par l’action des pollinisateurs : ils peuvent louer des ruches aux apiculteurs ! Par ailleurs, Lucy Alford et Joan Van Baaren, chercheuses au laboratoire Ecobio (université de Rennes 1), ont réalisé une étude permettant de se rendre compte que l’installation de bandes fleuries autour des grandes cultures de céréales pourrait favoriser les pollinisateurs qui manquent de ressources florales dans ce contexte paysager.
Toutefois, de manière plus générale et accessible, il est tout à fait possible de protéger les insectes et de favoriser leur présence dans nos jardins et/ou sur nos balcons :
- Tout d’abord, il est important de leur fournir des sources de nourriture sur nos pelouses ou dans nos jardinières. On peut planter des plantes mellifères (plantes dont la floraison est abondante, et qui produisent beaucoup de pollen et de nectar) telles que le pissenlit, la lavande, la bruyère, le lierre, le thym, le romarin, le framboisier… Ne pas hésiter à diversifier les espèces, pour le plaisir de nos yeux et pour offrir le choix aux insectes, du printemps à l’automne. On peut aussi espacer les tontes, car un gazon bien tondu n’a aucune valeur nutritive pour les insectes (nombreuses sont les plantes fournissant un garde-manger important, mais qui sont pourtant tondues car considérées comme des « mauvaises herbes » (c’est le cas des trèfles et des pissenlits par exemple).
- D’autre part, il ne faut surtout pas utiliser de produits chimiques (pesticides, insecticides…) lorsque l’on entretient son jardin ou son balcon, sinon les actions précédemment citées n’auraient que très peu d’efficacité…
- Aussi, que ce soit dans un jardin ou sur un balcon, vous pouvez fabriquer un hôtel à insectes avec des matériaux naturels (bois, tiges de bambou et de sureau, paille…).
- Enfin, la protection des insectes pollinisateurs passe également par la recherche et les études scientifiques. Si vous souhaitez contribuer à cela, vous pouvez participer au projet de sciences participatives Spipoll (le suivi photographique des insectes pollinisateurs), initié en 2010 par le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) et l’Office pour les insectes et leur environnement (Opie). Ce projet a pour but d’obtenir des données sur les insectes pollinisateurs présents en France. Si vous souhaitez y participer, rendez-vous sur leur site Internet !
Conclusion
Nous l’avons vu, nos écosystèmes nous fournissent de nombreux et précieux services. Il est ainsi de notre devoir d’œuvrer en faveur d’une connaissance plus juste et d’une protection plus efficace de tous les acteurs, aussi petits soient-ils, qui nous entourent.
Elodie Gloaguen
Autres références
FISCHESSER, Bernard, DUPUIS-TATE, Marie-France, MOYNE, Marie-Laure, et al. Le guide illustré de l’écologie. Ed. de la Martinière, 2007.
https://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/insectes-abeilles-sont-si-utiles-12022/