Foie gras : n’invitons pas la maltraitance animale sur nos tables des fêtes de fin d’année

À l’approche des fêtes de fin d’année, le foie gras est souvent un incontournable des menus. C’est l’occasion de rappeler l’enfer qu’est le gavage pour les palmipèdes. En dépit de la cruauté de cet acte et de l’existence d’alternatives, la France est l’un des rares pays européens à encore refuser l’interdiction de cette pratique cruelle.

La France est le premier pays producteur et consommateur

En 2020, en France, ce sont plus de 26,9 millions de canards et 313 000 oies (source : Agreste) qui ont été gavés, c’est-à-dire nourris de force, afin que leur foie s’engraisse et devienne malade, pour fabriquer du foie gras.

Deux espèces de palmipèdes sont élevées pour produire le foie gras. Contrairement à une idée répandue, les oies ne représentent que 1,2 % des palmipèdes élevés pour leur foie, l’essentiel des oiseaux gavés étant des canards. L’espèce couramment utilisée est le canard mulard. Il est issu du croisement entre un canard de Barbarie et une cane domestique par insémination artificielle. La France, premier producteur et consommateur, produit près des deux tiers de la production mondiale de foie gras, avec près de 14 500 tonnes en 2020. Elle est suivie de loin par la Hongrie et la Bulgarie. Selon les chiffres du ministère de l’Agriculture, 72 % des élevages de palmipèdes gras se trouvent en Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, 26 % en Bretagne et Pays de la Loire et 2 % dans la région Grand Est.

L’enfer du gavage

Le foie gras est par définition un foie malade atteint d’une stéatose hépatique[6] (accumulation de graisses dans les cellules du foie). La phase de gavage consiste à enfoncer un tuyau métallique dans l’œsophage de l’oiseau, pour le forcer à ingérer une préparation à base de maïs 2 fois par jour pendant 12 à 15 jours. La quantité d’aliments augmente progressivement, jusqu’à ce que le foie du canard ou de l’oie pèse 10 fois plus qu’un foie en bonne santé[7]. Le gavage ne concerne que les canards mâles car le foie des femelles n’est pas assez gros et trop nervuré pour être rentable. Les canetons femelles sont donc éliminés à la naissance.

Selon les producteurs de foie gras, le gavage reproduit un comportement naturel, car les espèces utilisées seraient migratrices et feraient naturellement des réserves. Pourtant, les canards mulards ne migrent pas. Même si les oies domestiques pourraient migrer en théorie, en pratique, le volume de leur foie, multiplié par 10 avec le gavage, les déstabiliserait en vol.

En somme, le gavage est un acte volontaire répété plusieurs fois par jour dans le seul but de rendre l’oiseau malade. Outre le foie gras, la carcasse des palmipèdes est aussi valorisée avec : le magret, le confit, les cuisses, etc. Les plumes des oies sont également récoltées après l’abattage.

Des conditions de vie lamentables

Lors de la phase de gavage, les oiseaux sont placés dans des cages collectives contenant au minimum 3 individus. Ils ne peuvent pas exprimer de comportements naturels, comme se baigner, se retourner, interagir avec d’autres congénères, déplier leurs ailes, plonger la tête sous l’eau, etc.

En 1998, un rapport du comité scientifique de la santé et du bien-être animal sur la protection des palmipèdes à foie gras a été publié par la Commission européenne. Ce rapport est toujours d’actualité, car les conditions de vie de ces animaux ne se sont guère améliorées depuis. Celui-ci reconnaît que le gavage n’est pas un mode d’alimentation normal. L’augmentation de la taille du foie empêche l’oiseau de se déplacer correctement. Il mentionne également les nombreuses blessures que subissent les animaux, comme des lésions du sternum et des fractures des os. Le gavage entraine des douleurs à l’œsophage. Selon ce même rapport, les animaux élevés pour la production de foie gras sont extrêmement stressés. De nombreux individus sont également blessés. En effet, les blessures et fractures[8] aux ailes sont fréquentes. Afin de réduire les blessures que les palmipèdes s’infligent entre eux, les canards sont souvent débecqués (section de la pointe du bec) et dégriffés. La promiscuité des individus en élevage est telle que les oiseaux se gênent et se blessent mutuellement. Le gavage entraine des souffrances non seulement inutiles mais aussi prolongées.

Une interdiction en France ?

Déjà une vingtaine de pays européens ont interdit le gavage. Seulement quatre pays et une région produisent encore du foie gras : la France, la Hongrie, la Bulgarie, l’Espagne, et la Wallonie (Belgique).

Les élevages de volailles français pour la production de foie gras ont été touchés par la grippe aviaire. Le virus a refait son apparition dans les élevages, entrainant l’abattage de près de 21,8 millions de volailles, dont 8 millions de canards, à la mi-octobre 2022. À ce jour, la filière tourne au ralenti car elle ne dispose pas du nombre suffisant de canards et de canetons pour satisfaire la demande française. Une production en baisse de l’ordre de -30 % à -35 % est attendue en cette fin d’année. La filière estime que la situation ne pourra revenir à la normale qu’au second semestre 2023. Faute d’offre suffisante, le prix du foie gras va augmenter. Si les raisons éthiques ne convaincront pas tout le monde, espérons que cela soit une raison de plus pour cesser de consommer du foie gras lors des fêtes de fin d’année.

Le livret foie gras de la LFDA

La souffrance imposée aux animaux pour la production de foie gras est inacceptable, inutile et doit s’arrêter. Consciente de l’impact que peut avoir le consommateur, la LFDA met à disposition un livret accessible au plus grand nombre : « Le foie gras, une gourmandise au prix de la souffrance ». Ce livret permettra d’informer davantage sur la production de foie gras mais également d’aider le consommateur à choisir sa conduite éthique en toute connaissance de cause.

Il s’appuie sur le rapport du comité scientifique de la santé et du bien-être animal de la Commission européenne de 1998 et sur de nombreux textes règlementaires français et européens. Ce livret répond avec précision et concision à dix questions majeures sur le sujet. La version papier peut être commandée à l’adresse info@fondation-droit-animal.org (frais de port offerts aux donateurs) ou au 01 47 07 98 99.

Marie Texier


[6] Baèza et al. (2013), La stéatose hépatique chez les palmipèdes. INRA Production Animales, 26 (5), pp.403-414 : https://productions-animales.org/article/view/3169

[7] Broom & Rochlitz (2015). Le bien-être des canards pendant la production de foie gras. Université de Cambridge

[8] Rapport du Comité scientifique de la santé et du bien-être animal de la Commission européenne – 1998

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