Le Conseil d’État met définitivement un terme à la chasse à la glu et aux tenderies

Le 24 mai 2023, à la suite d’un recours déposé par la Ligue de protection des oiseaux (LPO), le Conseil d’État a enjoint au gouvernement d’abroger les arrêtés historiques de 1989 relatifs à la chasse à la glu et à la tenderie, des techniques de chasses abominables pour piéger les oiseaux, qui avaient déjà été jugées illégales par la haute juridiction administrative.

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Plusieurs espèces d’oiseaux, telles que les vanneaux huppés, les pluviers dorés, les grives et les merles, seront désormais protégées de ces techniques moyenâgeuses. Cette décision intervient après une longue bataille judiciaire entre des associations de protection de la nature et le gouvernement, qui publiait chaque année de nouveaux arrêtés permettant le recours à ces méthodes de chasses traditionnelles, et ce alors que le Conseil d’État avait déjà jugé à plusieurs reprises leur incompatibilité avec la directive européenne « Oiseaux » du 30 novembre 2009, qui vise à la préservation des espèces d’oiseaux en Europe.

Des méthodes de chasses déjà qualifiées d’illégales

Pour rappel, la chasse à la glu consiste à encoller des baguettes pour attraper des oiseaux censés rester vivants, afin de s’en servir comme appelants. Les oiseaux sont ensuite placés dans des cages accrochées aux arbres et se mettent à crier à la lumière, attirant ainsi leurs congénères qui sont tirés presqu’à bout portant.

La chasse aux tenderies consiste quant à elle à capturer les oiseaux à l’aide d’un lacet à nœud coulissant confectionné « traditionnellement » avec du crin de cheval, soutenu par une branche sur laquelle est suspendue un appât (des baies).

Lire aussi : « Chasses traditionnelles cruelles: le gouvernement loupe une occasion pour les oiseaux » (revue n° 111)

La directive Oiseaux interdit les techniques qui capturent des oiseaux massivement et sans distinction d’espèces. Mais elle prévoit aussi qu’une dérogation peut notamment être accordée, à condition d’être dûment motivée et dès lors « qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante » pour capturer certains oiseaux.

Le gouvernement a profité à plusieurs reprises de cette « dérogation » pour publier des arrêtés permettant le recours à ces méthodes de chasse, prétextant la nécessité de préserver les traditions et indiquant qu’il n’existait pas de solutions alternatives.

Après avoir interrogé la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour qu’elle précise l’interprétation à retenir des dispositions de la directive Oiseaux, le Conseil d’État a annulé des arrêtés ministériels autorisant ces pratiques de capture d’oiseaux sauvages pour les saisons de chasse 2018-2019, 2019-2020, 2020-2021 et 2021-2022.

La haute juridiction administrative avait notamment affirmé que si des méthodes traditionnelles de chasse peuvent être autorisées par la directive Oiseaux, le seul objectif de préserver ces traditions ne suffit pas à justifier une dérogation aux interdictions de principe que pose la directive. Par ailleurs, elle a rappelé que ni le gouvernement ni la fédération des chasseurs n’ont démontré qu’il n’existait pas d’autre solution satisfaisante possible à la pratique de ces chasses dites traditionnelles.

Abrogation définitive des arrêtés cadres sur la chasse à la glu et à la tenderie

Les décisions du Conseil d’État citées précédemment ne concernaient néanmoins pas directement les arrêtés cadres de 1989, qui restaient toujours en vigueur. D’après la LPO, « Ces arrêtés-cadres constituent le socle juridique sur lequel se basait chaque année le ministère pour autoriser ces pratiques et fixer des plafonds de prélèvements annuels ».

grive fin des chasses traditionnelles

Ainsi, dans un recours déposé le 14 décembre 2021, la LPO demandait au Conseil d’État de se prononcer à la suite du rejet implicite par le ministère de l’Environnement de ses demandes d’abrogation des cinq arrêtés cadres du 17 août 1989 relatifs aux chasses traditionnelles d’oiseaux sauvages, à savoir :

  • l’emploi de gluaux pour la capture des grives et des merles destinés à servir d’appelants dans les départements des Alpes-de-Haute-Provence, des Alpes-Maritimes, des Bouches-du-Rhône, du Var et du Vaucluse,
  • la tenderie aux vanneaux dans le département des Ardennes,
  • la tenderie aux grives dans ce même département,
  • la capture de l’alouette des champs au moyen de pantes dans les départements de la Gironde, des Landes, du Lot-et-Garonne et des Pyrénées-Atlantiques,
  • la capture de l’alouette des champs au moyen de matoles dans les départements des Landes, du Lot-et-Garonne et du Tarn-et-Garonne.

S’agissant des arrêtés relatifs aux alouettes, ceux-ci avaient fait l’objet d’une modification par le gouvernement et font actuellement l’objet d’un recours distinct devant le Conseil d’État, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de statuer à leur sujet.

Cependant, concernant les trois premiers arrêtés cadres, le Conseil d’État a enfin enjoint au gouvernement de les abroger, dans un délai de deux mois à compter de sa décision, ce qui a été fait le 17 juillet.

Conclusion

Le gouvernement n’aura désormais plus de fondement juridique sur lequel s’appuyer pour publier chaque année de nouvelles dérogations perpétuant les méthodes de chasse traditionnelles et surtout cruelles, en dépit des décisions du Conseil d’État qui rappelaient chaque année leur incompatibilité avec le droit européen. 

Le combat n’est cependant pas tout à fait terminé. Les arrêtés relatifs aux chasses aux pantes (filets) ou à la matole (de petites cages), encore pratiquées dans quelques départements, ont été modifiés en 2022 et ces nouveaux textes font l’objet d’un autre recours de la LPO, en attente de décision définitive. Affaire à suivre…

Talel Aronowicz

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