Les nouveaux programmes d’enseignement moral et civique (EMC) ont récemment été soumis à la consultation nationale. La LFDA y a contribué afin de rappeler l’intérêt d’enseigner l’éthique animale, mais aussi que, depuis 2021, l’école doit sensibiliser les élèves au respect des animaux. Ces notions ne sont pourtant pas abordées par le projet actuel, dont il est prévu que la version définitive entre en vigueur à la rentrée 2024.
Les nouveaux programmes d’EMC issus de cette phase de consultation ont été publiés en juin 2024. Dans leur version finale, ils proposent aux enseignants d’aborder « la question du respect dû aux animaux de compagnie » en classe de CP, dans le cadre de la compétence « Les règles collectives et l’autonomie ».
Le respect des animaux intègre le code de l’éducation
La loi du 30 novembre 2021 « visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes » modifie ainsi l’article L312-15 du code de l’éducation : « L’enseignement moral et civique sensibilise également, à l’école primaire, au collège et au lycée, les élèves au respect des animaux de compagnie. Il présente les animaux de compagnie comme sensibles et contribue à prévenir tout acte de maltraitance animale. »
Cette loi a depuis fait l’objet de deux rapports parlementaires1 relatifs à son application. Ils constatent la même carence, en l’occurrence l’absence de mise en place de modules spécifiques de sensibilisation à l’éthique animale. En juillet 2023 et en février 2024, des parlementaires ont également interpelé le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse à ce sujet par le biais de questions écrites.
La place de l’animal dans les programmes scolaires
D’après le ministère, les programmes scolaires actuels offriraient déjà plusieurs opportunités aux enseignants d’aborder la sensibilité et le bien-être des animaux, du CP à la terminale (lire à ce sujet l’article dédié dans le supplément de notre revue n° 120). Pour autant, on constate que l’animal en tant qu’individu et sa sensibilité ne sont jamais suggérés comme sujets à part entière. En effet, ces opportunités d’apprentissage se présentent en premier lieu à travers le développement de compétences psychosociales : responsabilité individuelle, esprit critique, discernement éthique, etc. Les intitulés des compétences n’explicitent pas le sujet animal, et donc encore moins la notion de respect des animaux.
Ainsi, l’enseignant n’est pas incité à s’emparer de cette dimension. Le choix d’aborder le sujet demeure à sa discrétion et dépend de son degré de sensibilité personnel, comme l’illustre une récente étude réalisée par la Chaire bien-être animal pour la LFDA et la Fondation A. et P. Sommer. Cette approche différenciée fait partie des facteurs qui créent des disparités entre les classes, alors même que l’école doit permettre de mettre tous les élèves sur le même niveau de connaissances et que la loi exige l’enseignement de la sensibilité des animaux par l’EMC.
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De nouveaux programmes d’EMC en 2024
Le Conseil supérieur des programmes (CSP) a soumis le 30 janvier 2024 un projet de programmes d’EMC du CP à la terminale. La Direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) a ensuite recueilli les avis des enseignants et du public, dont celui de la LFDA que nous partageons ici.
La Dgesco doit désormais évaluer cette proposition du CSP. La version finale des programmes entrera ensuite en vigueur à la rentrée 2024. Il conviendrait donc de profiter de cette phase de rénovation pour préciser les contenus des modules d’EMC et y intégrer l’animal.
Or, il est proposé que le sujet animal ne soit désormais abordé qu’en classe de seconde à l’occasion de l’enseignement « Droits et responsabilité : protection de l’environnement et sauvegarde de la biodiversité ». La sensibilité et l’individualité des animaux ne sont toujours pas mentionnées puisque l’animal y est simplement « institué comme objet de droit » dans le contexte d’un « respect du vivant ». Ces notions sont pourtant indispensables pour comprendre les droits dont l’animal est sujet.
L’animal est soit considéré dans sa seule relation avec l’humain dans une vision utilitariste, soit à l’inverse comme faisant partie du grand tout de la « biodiversité », ce qui ne permet pas de développer ce qui fait de lui un individu. Cette approche conforte une vision anthropocentrée de l’animal, à l’inverse de ce que demande, par exemple, le programme des SVT en cycle 4 : « comprendre l’effet de certaines activités humaines sur l’environnement sans se limiter à une vision anthropocentrée du monde. Il s’agit aussi de permettre aux jeunes de distinguer faits et savoirs scientifiques des opinions et des croyances, pour entrer dans une relation scientifique avec les phénomènes naturels ou techniques, et le monde vivant. »
L’intérêt d’enseigner l’éthique animale à l’école
La lettre de saisine à l’origine de ces nouveaux programmes d’EMC exprime parmi ses priorités la sensibilisation au respect et à la préservation de l’environnement. C’est une perspective qui avait orienté la politique du ministère dès une précédente saisine en 2019 dont l’objectif était le « renforcement de la dimension écologique des programmes de la scolarité obligatoire », notamment dans les enseignements relatifs à la biodiversité. Le CSP y avait répondu par une note d’orientations qui réaffirme la richesse des compétences que le sujet animal permet d’aborder, en intégrant d’ailleurs ce dernier parmi les « questions socialement vives » :
« Les questions liées au climat, à l’environnement et à la biodiversité […] sont susceptibles d’occuper une place importante dans le développement intellectuel et personnel des élèves. Elles ouvrent sur des questions éthiques, anthropologiques et existentielles : l’Homme et la nature ; l’Homme et l’animal ; le sens et les limites de la domination humaine, etc. ».
Le CSP n’a pas repris ces propositions dans son projet de programmes d’EMC. Pourtant, comprendre la place de l’humain dans la communauté du vivant est effectivement un savoir essentiel, sans quoi la société est conduite à ignorer sa responsabilité face aux effets de ses pratiques sur l’environnement. Enseigner des connaissances sur les animaux est une part essentielle de cet apprentissage.
En décembre 2023, la LFDA a réuni chercheurs, enseignants, représentants de l’Éducation nationale et acteurs de la société civile lors de son colloque « Connaître et respecter les animaux : un enjeu pour l’Éducation nationale ». Cette journée a mis en lumière l’importance de l’animal dans le développement de certaines qualités chez les jeunes, comme le sens de la responsabilité et le respect de l’altérité. Les animaux exercent sur nous, en particulier dans le plus jeune âge, un attrait qui vient de notre besoin naturel de comprendre le monde vivant qui nous entoure. C’est une affinité innée dont il faut profiter pour développer chez l’élève des qualités et des attitudes positives pour la vie en société, notamment sa conscience citoyenne et son engagement pour le bien commun.
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Dans sa lettre de saisine, le ministre souligne également, et en premier lieu, l’importance de la transmission des « valeurs et principes de la République ». Elle est présentée comme s’opérant notamment par la lutte contre toutes les formes de discriminations ainsi que par le développement de l’esprit critique. La sensibilisation à l’éthique animale est un outil qui se prête parfaitement au développement de ces compétences chez l’élève.
Elle permet également de lutter contre les phénomènes de violence en général. La maltraitance envers les animaux est corrélée à la violence envers les humains. Connaître la sensibilité des animaux, leurs émotions et leur capacité à souffrir contribue à cette lutte.
En comprenant que l’animal a des intérêts propres, l’élève apprend à tolérer la différence. Il pourra développer de la compassion à son égard et l’appliquer à autrui. C’est pourquoi l’éthique animale s’intègre naturellement parmi « les valeurs fondamentales de la République ».
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Conclusion
À cette étape, le contenu des enseignements d’EMC ne respecte pas la loi en ne sensibilisant pas à l’éthique animale. Cette carence empêche le développement de certains savoirs scientifiques et de compétences civiques telles que le respect de la sensibilité des animaux et de l’altérité. La LFDA défendra ces arguments durant les prochaines phases d’élaboration des programmes d’EMC afin qu’y soit abordées explicitement les notions de sensibilité et de respect de l’animal, dans une approche philosophique, juridique et scientifique.