Quel sort pour les orques captives en France?

Le 30 novembre 2021, l’adoption de la loi visant à lutter contre la maltraitance animale a sonné le glas – au moins en théorie – de la captivité des cétacés en France. Les parcs zoologiques Planète Sauvage, près de Nantes, et Marineland, à Antibes, doivent trouver une solution pour se séparer de leurs grands dauphins et, pour Marineland, de ses orques, d’ici le 1er décembre 2026. Les orques font justement l’objet d’une médiatisation accrue ces derniers mois, à propos d’un possible transfert vers des zoos au Japon et de la mort de deux d’entre elles en l’espace de cinq mois. La perspective du départ des deux orques restantes pose un problème éthique.

La fin de la captivité des cétacés en France

En 2020, la ministre de l’Écologie Barbara Pompili avait annoncé que le gouvernement allait mettre fin à la captivité des cétacés. Finalement, c’est la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes qui a entériné la fin des spectacles de dauphins et orques au 1er décembre 2026. À cette date, les cétacés devront avoir quitté les bassins des delphinariums français.

La LFDA travaille depuis longtemps sur le sujet des cétacés captifs et s’y oppose fermement, au nom du bien-être des animaux et de considérations éthiques vis-à-vis de nos relations aux animaux utilisés pour nous divertir. Lors des travaux menés par Barbara Pompili lorsqu’elle était secrétaire d’État chargée de la biodiversité en 2016, la LFDA avait proposé, avec d’autres ONG, d’interdire la reproduction des cétacés, permettant ainsi de ne pas renouveler les générations de mammifères marins et de laisser la possibilité aux parcs de poursuivre leur activité jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Ce n’est pas l’option qui a été retenue par les parlementaires avec la loi de 2021. Ils ont laissé cinq ans aux delphinariums pour trouver où replacer leurs animaux. La loi prévoit toutefois une dérogation : faire participer les cétacés à des programmes scientifiques qui seraient agréés par le ministère.

Le transfert des orques vers d’autres delphinariums

En ce qui concerne les orques, la décision de Parques Reunidos, société-mère de Marineland, semble prise. Le mardi 9 janvier 2024, le zoo a procédé à un exercice de préparation des orques à un potentiel transfert. Une grue munie d’un brancard pour orques a été approchée d’un bassin dans lequel se trouvaient les animaux. Le bassin a été vidé d’une grande partie de son eau pour entrainer les mammifères marins à rentrer dans le brancard.

D’après les associations One Voice et C’est Assez !, les orques seront envoyées dans des delphinariums japonais, ce que Marineland n’a pas confirmé. Le ministère de l’Écologie a assuré que ses services n’avaient pas reçu de demande de transfert. One Voice a obtenu de la justice qu’une expertise indépendante de l’état d’Inouk et de Moana ainsi que des installations dans lesquelles vivent Wikie et Keijo soit diligentée. L’expertise n’aura pas eu le temps d’aller à son terme avant que Moana et Inouk ne décèdent toutes deux, la première d’une septicémie en octobre 2023 et la seconde consécutivement à l’ingestion d’un élément en métal en mars 2024. En janvier 2024, One Voice a obtenu une nouvelle décision de justice : les orques ne doivent pas être transférées avant que l’expertise en question ait pu être menée à bien.

Trouver la solution la moins mauvaise

Ces animaux n’auraient jamais dû être là où ils se trouvent actuellement. En ce sens, la fondation a applaudi les dispositions de la loi du 30 novembre 2021 qui visent à mettre fin à la captivité des cétacés en France. Cependant, il n’est pas question de se réjouir du départ des orques vers d’autres delphinariums. Plusieurs organisations de protection des animaux, dont la LFDA, ont dénoncé ce transfert potentiel dans une tribune.

Vraisemblablement, il n’y a pas de bonne solution pour les épaulards captifs. À Marineland ou bien au Japon, comme dans n’importe quel autre parc, elles restent détenues par les humains dans des conditions à mille lieux de leur environnement naturel et qui ne permettent pas de répondre à leurs besoins physiologiques et, surtout, comportementaux. Elles restent également contraintes de participer à des spectacles pour amuser la galerie… pardon, pour « sensibiliser le public ».

Cependant, les transférer vers un autre zoo implique des entraînements, possiblement stressants, un transport sûrement long et stressant lui aussi, dans des conditions difficiles, voire dangereuses. Tout ça pour finalement continuer à les reproduire et donc participer au maintien de l’industrie des delphinariums dans le monde. En plus, elles seront détenues dans des conditions certainement encore plus mauvaises que celles qu’elles subissent actuellement à Marineland. Wikie et Keijo ne méritent pas cela.

Les plans – inexistants – du gouvernement

Mais alors, que faire de ces orques ? L’idéal, quitte à leur imposer un transfert, serait de les emmener dans un refuge ou sanctuaire pour cétacés issus de la captivité. Toutefois, il n’existe actuellement pas de telle structure pour les orques. Un sanctuaire serait en cours de création au Canada, mais cela prend du temps. Un refuge pour bélugas existe en Islande. D’autres projets pour dauphins sont en cours d’élaboration.

Le ministère ne semble pas volontaire pour mettre au point un véritable plan de sauvetage de ces animaux. À ce jour et à notre connaissance, il n’y a pas de réflexion sur le devenir des cétacés captifs en France et sur la création d’un refuge en mer. D’après nos discussions avec le ministère, celui-ci se borgne à vouloir encadrer les conditions d’hébergement des cétacés captifs – sans toutefois définir de véritables normes minimales – en faisant fi qu’une interdiction de détention est prévue dans la loi et doit être accompagnée.

Conclusion

Les orques captives en France, comme les grands dauphins, d’ailleurs, sont des animaux sacrifiés. Il est peu probable qu’une solution acceptable leur permette de finir leurs jours dans des conditions convenables. Ce n’est pas une raison pour ne pas essayer et leur offrir le pire. Des transferts dans d’autres delphinariums réduiraient leur sacrifice à néant, en exportant le problème. C’est inconcevable.

Nikita Bachelard

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