La France en tête des pays européens en guerre contre le loup

En octobre 2023, la Commission européenne a lancé une consultation publique sur l’état de la population du loup en Europe et son impact. Trois mois plus tard, elle a publié un rapport d’analyse sur le sujet. Dans le même temps, la Commission a annoncé qu’elle allait proposer d’affaiblir le statut de protection du loup auprès de la Convention de Berne.

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Protégé quand il disparaît, persécuté quand il réapparaît

Les loups du continent sont en danger. Pour l’instant, ils sont strictement protégés par la Convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe. Cela signifie qu’ils ne peuvent pas être chassés ni prélevés, sauf dérogations. Cette protection vise à préserver l’espèce Canis lupus, qui n’est pas passée loin de l’extinction dans de nombreux territoires européens, à force d’être chassée. En France, le loup avait semble-t-il totalement disparu, avant de recoloniser les Alpes au début des années 1990.

Une partie des éleveurs est vent debout contre la présence du loup, à cause des attaques d’animaux d’élevage, principalement des brebis en France, qui lui sont imputées. D’ailleurs, notre pays est le deuxième à subir le plus de pertes d’animaux d’élevage (12 526 en 2022) pour cause de prédation lupine, juste derrière l’Espagne. C’est aussi le pays où le taux de prédation par loup est le plus élevé. Selon le rapport de la Commission, le nombre de loups en Europe est d’environ 20 300 en 2023 (1 100 en France) et le nombre d’animaux d’élevage tués par le loup s’élève à 65 500, dont 73 % d’ovins. Rapportés au nombre de moutons élevés dans l’Union européenne (UE), le taux de mis à mort par le loup est de 0,065 %.

Une politique française chère pour peu de résultats

Si la France échoue à protéger correctement ses troupeaux des attaques de loups, elle est pourtant le pays qui dépense le plus en mesures de protection (32,7 millions d’euros en 2022). L’Allemagne a vu la fréquence des attaques de loups diminuer de manière significative ces dernières années dans les états fédérés où il y a le plus de loups, grâce à l’utilisation de mesures de protection des troupeaux adéquates. Notre pays possède une tradition d’élevage pastoral dans certains territoires, où les animaux sont élevés en liberté une partie de l’année. La prédation y est plus importante, notamment parce que protéger les animaux élevés dans ces conditions très extensives est plus difficile que sur une exploitation.

Le rapport note que la France est le pays qui dépense également le plus en indemnisation des dommages pour les éleveurs qui ont perdu des animaux : 4,1 millions en 2022. C’est aussi l’État membre dont le montant de l’indemnisation annuelle par loup est la plus élevée (3 700 euros).

En plus de tout cet argent du contribuable dépensé, la France fait plein emploi des dérogations à la stricte protection du loup, en établissant un plafond d’abattage pouvant aller jusqu’à 21 % de leur population. La Commission note que la population de loup continue d’augmenter malgré ces abattages. Cependant, il faut souligner que le statut de stricte protection du loup a précisément pour objectif de faire progresser sa population et que les tirs ne visent pas à réduire le nombre de loups. Le but des tirs est de diminuer le nombre d’attaques sur les animaux d’élevage. Or, cet objectif n’est pas bien rempli en France. Le nombre d’animaux d’élevage victimes du prédateur ne baisse pas vraiment.

De l’utilisation efficace des fonds publics

Résumons. La France a le nombre le plus élevé d’attaques mortelles sur les troupeaux rapporté au nombre de loup sur son territoire. La France ne voit pas baisser l’effectif d’animaux victimes du loup. La France est le plus gros dépensier en mesures de protection et en indemnisations des dommages sur les troupeaux. La France est le pays dont les montants d’indemnisation sont les plus élevés.

Ainsi, beaucoup d’argent public est dépensé pour mener une politique qui n’est pas suffisamment efficace pour protéger les animaux d’élevage, et ne l’est pas suffisamment pour protéger le loup, en permettant d’en abattre un nombre significatif chaque année (162 loups ont été tués légalement en 2022, et 7 abattus illégalement). Cela interroge sur la bonne utilisation de l’argent du contribuable. Des scientifiques se montrent sévères vis-à-vis de la politique française de gestion de ce dossier.

De plus, les Français sont majoritairement favorables aux loups. Selon une enquête de Savanta pour Eurogroup for Animals et la Fondation Brigitte Bardot, réalisée et publiée en novembre 2023, 74 % des Français interrogés se déclarent en faveur du maintien d’une protection stricte du loup dans l’UE pour garantir sa survie à long terme. Même dans les zones rurales, 75 % des Français y habitant estiment que les loups ont le droit d’exister dans l’UE.

Sale temps pour le grand prédateur

À peine le loup revient-il sur nos territoires qu’il en est à nouveau chassé. Le Gouvernement français a décidé de se ranger du côté des quelques éleveurs et chasseurs qui demandent de pouvoir abattre plus de loup, alors même que 80 % des réponses à la consultation publique en provenance de France sont favorables au maintien de la stricte protection du loup. La France a activement pressé la Commission à affaiblir le statut de protection du grand prédateur, notamment dans son « plan loup » 2024-2029 récemment adopté. À l’approche des élections européennes et face à la gronde multifactorielle des agriculteurs, la Commission a répondu favorablement à cette demande. Pour protester contre ces agissements anti-loups, un collectif d’associations françaises, parmi lesquelles la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), le WWF, le comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature ou encore, l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS), a mis en ligne une pétition demandant à la Commission européenne de revenir sur sa décision. La pétition a déjà dépassé les 165 000 signatures.

Nikita Bachelard

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