La domestication des animaux (Panneau 10)

Quand l’animal devient propriété humaine. La domestication d’animaux sauvages s’est développée il y a 10 à 15 000 ans. L’augmentation des populations humaines, associée à l’amélioration des outils de chasse et à des changements climatiques, a pu mener à la raréfaction des grands mammifères chassables, ce qui pourrait avoir motivé un besoin de sécuriser une source stable de nourriture.

UN PROCESSUS D’ÉVOLUTION CONTRÔLÉ PAR L’HOMME

La domestication est définie comme la modification de traits comportementaux et physiologiques d’espèces sauvages par l’humain en vue d’un profit matériel, social ou symbolique, grâce au contrôle de la reproduction des individus. Via cette sélection génétique artificielle, les traits choisis sont transmis à la descendance. La volonté humaine de modifier l’animal sur le long terme différencie la domestication d’un phénomène de co-évolution naturelle, dit « co-développement ».

Les animaux ont été sélectionnés pour aider à la chasse (chiens), à la production de viande (porcs…) et de produits secondaires (poules, moutons…), pour leur force (bœufs, chevaux…) ou plus tard pour leur compagnie (chiens chats), pour l’élimination des rongeurs (chats), voire pour la communication longue-distance (pigeons), ou pour la guerre (chiens).

Apprivoiser n’est pas domestiquer

Toutes les espèces ne peuvent être domestiquées (zèbre, antilopes, guépards…). Certaines espèces sauvages sont néanmoins utilisées en élevage (autruches, bisons, poissons), à la chasse (rapaces…) ou pour leur force (éléphants), mais elles ne sont pas considérées comme domestiquées au sens strict car elles ne diffèrent pas des espèces sauvages. Leur docilité n’est pas garantie, même si elle est quelquefois obtenue par la violence dans le jeune âge (éléphants). Tous les animaux, en revanche, peuvent en théorie être apprivoisés, c’est-à-dire habitués à la présence humaine, en accepter le contact et la proximité. C’est un phénomène non permanent qui doit être répété pour chaque individu. Il ne se transmet pas à la descendance.

Les mécanismes de la domestication

Deux voies principales favorisent la domestication :

  1. Le commensalisme : les espèces sauvages « anthropophiles » (vivant à proximité de l’humain) ont tiré bénéfice d’une relation nouée avec l’humain : chien, chat, cochon…
  2. Les cultures humaines (céréales…) ont attirés certaines proies qui ont pu être gérées en troupeau dans la nature : bovins, moutons…

Premier cas : le chien

L’humain, chasseur-cueilleur, partageait son espace vital avec le loup (Canis lupus). On retrouvait déjà leurs ossements aux mêmes endroits il y a 300 000 ans en Chine, et il y a plus de 100 000 ans en France (grotte de Lazaret).

Le chien descend-il du loup ?

Les loups partagent 98% de leur ADN mitochondrial avec les chiens, alors que ce chiffre n’est que de 7,5% avec les coyotes, pourtant également de la famille des canidés.

Un domestique encore un peu sauvage : le chat

D’abord commensal, le chat sauvage est devenu très utile lorsque les souris, elles aussi commensales, sont devenues néfastes en s’attaquant aux cultures et denrées stockées. La relation est devenue mutualiste (coopération) et les chats ont été sélectionnés par leur compétence de chasseurs et pour leur affinité avec l’humain.

DU COMMENSALISME À L’ÉLEVAGE

Les dates sont à titre indicatif, une remise à jour régulière est nécessaire pour prendre en compte les découvertes de l’archéozoologie.

BP = avant aujourd’hui (Before Present).

  • ~35 000 ans BP : Proto-domestication du chien, il ne s’agit pas encore du processus conscient qu’est la domestication, mais plutôt d’un phénomène d’apprivoisement et de collaboration à la chasse.
  • ~14 000 ans BP : Premières traces d’une véritable domestication du chien en Europe à partir du loup.
  • ~11 000 ans BP : Domestication des ruminants et des porcins au Proche-Orient : le bézoar devient la chèvre, le mouflon, devient le mouton, l’auroch devient le bovin domestique, le sanglier devient le cochon.
  • ~9 500 ans BP : Naissance d’une véritable agriculture et de l’élevage à proprement parler.
  • ~9 500- 4 000 ans BP : Domestication estimée du chat à partir du chat sauvage d’Afrique ou chat ganté. Les données archéologiques ne permettent pas de distinguer clairement le chat sauvage du domestique, il est donc encore difficile de dater précisément la domestication du chat.
  • ~6 000 ans BP : Domestication du cheval à partir du cheval sauvage aujourd’hui disparu, et de l’âne à partir de l’âne sauvage nubien.
  • ~5 000 ans BP : En Asie, le coq bankiva sauvage devient la poule et le ver à soie est élevé en Chine à partir du papillon indien B. religiosae ou du papillon chinois Theophila mandarina.
  • ~Ve siècle de notre ère : Domestication du renne des toundras d’Eurasie à partir de renne sauvage. Le monde d’élevage des rennes est dit « semi-domestiques », c’est-à-dire qu’ils sont seulement dirigés vers des lieux de pâturage et effectuent leur migration annuelle en toute liberté. Les rennes présents au Canada (caribous) sont restés à l’état sauvage.
  • ~VIe siècle : Le lapin, issu du lapin de garenne (même espèce), est progressivement domestiqué au Moyen Âge
  • ~XIIe siècle : Domestication de la carpe commune en Europe de l’Ouest. Les toutes premières traces d’aquaculture de cette espèce remonteraient à 4 000 ans BP en Chine, d’où elle est originaire.
  • ~XIVe siècle : Domestication de la dinde en Amérique du Nord et centrale par les Mayas puis les Aztèques.

À retenir

« Notre société n’est pas seulement humaine, elle est […] une société interespèces et cela bien avant toute domestication »

Philippe Diolé, cofondateur de la LFDA (Les Animaux malades de l’homme, 1974)

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