Le projet de loi d’orientation agricole fait l’impasse sur le bien-être animal

Le projet de loi d’orientation agricole, censé répondre aux défis de souveraineté alimentaire et de renouvellement des générations dans la profession, a été adopté à l’Assemblée nationale après de longs débats. Malgré les apparences, le texte fait l’impasse sur les enjeux de protection de l’environnement, y compris en termes de bien-être animal.

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Une réponse à la crise agricole

Le projet de loi d’orientation agricole, initialement annoncé en septembre 2023 mais mis à mal par le mouvement de colère du monde agricole, a subi plusieurs reports. Crispés par l’inflation et alors qu’approchaient les élections européennes, les agriculteurs se sont saisis des récentes avancées obtenues à Bruxelles en matière environnementale et de souveraineté alimentaire – telles que le Pacte Vert ou la stratégie « De la ferme à la table » – pour exprimer leur mécontentement. Le lancement conjoint de mouvements de blocage, du Salon international de l’agriculture et de la campagne électorale ont entériné un rapport de force en faveur des syndicats dans un contexte politique frileux. Ainsi, le projet de loi « d’orientation pour la souveraineté en matière alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture » présenté le 3 avril a finalement pris la forme d’une réponse à la colère des agriculteurs. Souveraineté alimentaire, formation, simplification des procédures… Le gouvernement a tenté d’apporter des gages à la profession qui ne cesse de se plaindre de la multiplication des normes et de l’influence européenne.

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La simplification au détriment du bien-être animal et de l’environnement

Les orientations du projet de loi en matière de simplification d’installation et de transmission d’exploitation bénéficient au maintien d’un système « conventionnel » intensif déjà en place. Ainsi, à l’exception d’une mention dans le volet dédié à la formation, les questions de bien-être animal étaient d’abord absentes du texte malgré d’importants enjeux de transition agricole vers des pratiques plus vertueuses en matière d’éthique et de protection de l’environnement.

Le Plan gouvernemental de reconquête de notre souveraineté sur l’élevage, publié par le ministère en février 2024, indiquait l’intérêt d’une opération de communication pour attirer et recruter les jeunes qui boudent aujourd’hui les métiers agricoles, et en particulier l’élevage. S’il est utile que les plus jeunes aient conscience de ce qu’est l’élevage en France, il est aussi primordial qu’ils puissent exercer leur esprit critique en recevant toutes les informations pertinentes, pas seulement celles flattant les filières. L’axe « Parler positivement de l’élevage et lutter contre les idées reçues » du plan a permis aux filières, « sous l’égide du ministère chargé de l’agriculture », de créer une lise des « apports positifs de l’élevage ». Si les sujets moins positifs ne sont pas évoqués, on voit bien le risque de façonnement des esprits selon un modèle qui ressemblerait, entre les mains de communicants orientés, à de l’embrigadement. L’axe « Impulser des actions de découverte des métiers de l’élevage et des filières animales » représente en ce sens un point de vigilance important.

Dans ce projet de loi, la création de modules de découverte des métiers de l’agriculture dans les écoles élémentaires met l’accent sur l’attractivité du secteur et omet d’aborder la question de notre relation avec les animaux, pourtant centrale. De manière générale, l’introduction de la notion très vague de « pratiques agroécologiques » fait l’effet d’un écran de fumée, tandis que le sujet des conditions d’élevage des animaux avait déjà naturellement disparu du champ médiatique et politique pendant les manifestations des agriculteurs.

Le texte a fait l’objet de longs débats à l’Assemblée nationale à la suite du dépôt de plus de 5 000 amendements. Parmi eux, des propositions portées par les ONG de protection animale, notamment avec l’appui de l’association « Convergence Animaux Politique » dont la LFDA fait partie, et qui défendent la condition animale. Par exemple en revenant sur le développement de l’aquaculture, en promouvant l’alimentation végétale ou en introduisant l’interdiction de l’élevage en cage des poules pondeuses. Toutes ont été rejetées. Par ailleurs, si la protection de l’environnement est quelques fois évoquée, c’est d’abord à ses dépens. Notons par exemple l’accélération des délais de recours contre certaines installations qui porteraient atteinte à l’environnement, au bénéfice des exploitants. Un amendement troublant, proposé par le Gouvernement et qualifié de « régression » par l’opposition, a été adopté : il limite les poursuites pour atteintes aux espèces protégées et aux habitats naturels en introduisant une présomption de « non-intentionnalité ».

Le texte adopté par les députés n’aura finalement convaincu personne : ni les groupes d’opposition, ni les syndicats, ni les ONG de protection animale et de l’environnement. Ainsi, loin d’être un principe structurant, le bien-être animal a retrouvé sa place d’objectif accessoire au profit duquel des avancées ne sont possibles qu’en période d’équilibre. En ces temps de crises multiples, c’est donc un fort recul que risquent de subir les animaux.

Un avenir incertain

L’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin à la suite des résultats de l’élection européenne a déclenché la suspension des travaux parlementaires, quelques jours seulement avant le passage du texte devant la commission des affaires économiques du Sénat et alors que les élus avaient déjà déposé leurs amendements. La reprise des travaux sur ce texte ne sera pas automatique : le prochain gouvernement choisira de l’inscrire ou non à l’ordre du jour. L’avenir de cette loi dépendra donc de futures manœuvres politiques dans une période fragile, autour d’un sujet extrêmement symbolique et qui renvoie à des questions fondamentales de transition écologique et de bien-être animal auxquelles la loi adoptée par les députés ne répond pas.

Léa Le Faucheur

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