Les zoos ne sont rien d’autre que des entreprises commerciales : un capital est investi dans le foncier, le bâti, les aménagements, l’acquisition et l’entretien des animaux, le personnel, la publicité, etc. ; les revenus attendus de ces investissements doivent être maintenus, voire augmentés par des campagnes publicitaires constantes, qui visent à attirer des visiteurs. Des sommes considérables sont consacrées à cette propagande qui joue essentiellement sur la curiosité et l’affect. Ces campagnes sont d’une importance telle que le zoo de Vincennes nouvelle formule a choisi d’être aujourd’hui dirigé par une professionnelle de la communication !
Des espèces « rares » ?
Jouer sur la curiosité, c’est insister sur les images d’animaux exceptionnels en raison de leur rareté, ou de leur particularité. Dans les deux cas, l’argument est contre-scientifique. Si l’espèce est « rare », voire en danger de disparition, elle n’a rien à faire dans un zoo : pour être sauvée de la disparition, elle doit être confiée à un organisme scientifique qui s’efforcera de la faire se reproduire et la réhabilitera à la vie sauvage dans l’habitat naturel qui est le sien.
Si l’animal a des caractères particuliers, il n’est pas représentatif de l’espèce, car en général, cette particularité est une anomalie d’ordre génétique telle l’albinisme (lion blanc) favorisée par l’endogamie, ou résulte d’un croisement entre espèces (tigron). L’exhibition de tels spécimens tient plus de la Foire du Trône que d’établissements qui se disent abusivement zoologiques. Mais peu importe à une entreprise commerciale qu’est un zoo : le but principal est que les curieux mordent à l’hameçon, avec l’aide de chaînes de télévision en contrat avec des zoos, un arrangement bénéfique aux deux parties, dont l’une fait sa propre publicité en fournissant à l’autre des films qui garnissent gratuitement la grille de programme.
Une communication qui joue sur l'affect
L'annonce des « carnets roses »
Jouer sur l’affect, c’est annoncer les naissances dans des termes anthropomorphiques : c’est l’appât qui marche le mieux, le piège à gogos. Chaque année, les zoos procèdent à la diffusion de photos ou de vidéos « craquantes », dès le retour de la belle saison, après un hiver sans visiteur. D’un continent à l’autre, les naissances s’ajoutent pour gonfler le décompte. En ne manquant pas, évidemment, de souligner que ces naissances contribuent à sauver les espèces, l’argument publicitaire mensonger sans cesse dénoncé. C’est ainsi qu’en mai ou juin prochain fleuriront à nouveau les reportages et les émissions de télé détaillant les « carnets roses ».
L’an dernier n’a pas failli ; citons par exemple un bébé élan américain dans l'Indre, un kangourou albinos dans l'Oise, deux lémuriens couronnés, trois chiens de forêt et un pélican frisé à Mulhouse, un girafon (mort-né) à La Flèche, des lions blancs triplés dans un zoo polonais, deux jumeaux pandas en Chine, un ourson polaire à Toronto, un panda à Taipei, un requin zèbre à Brest, un girafon à Lyon, un veau à deux têtes au Maroc, cinq bébés lions d'Afrique en Chine, un dauphin à Chicago, une loutre qui accouche en Californie, un bébé gorille né par césarienne à Bristol, un bébé tigre à Londres, quinze félins dans l’Oise… Une avalanche de « bébés absolument irrésistibles ».
« Chaque naissance fait l'objet de la plus grande attention des équipes et des soigneurs qui veillent sur les mamans et leurs petits du début de la gestation aux premiers signes d'autonomie des nouveaux pensionnaires. » Voilà pour l’affect et l’anthropomorphisme racoleur.
Des informations incomplètes
Mais le message est incomplet, car aucune information n’est jamais donnée sur la survie des nouveau-nés : or la mortalité des juvéniles est importante, aggravée par les perturbations comportementales de la mère qui lui font négliger ou sacrifier son ou ses petits. En captivité, l’assistance vétérinaire fera tout pour éviter ces éliminations, au risque de maintenir en vie des animaux qui, dans la nature, seraient rejetés par la mère de façon active ou passive, parce qu’ils ne suivent pas exactement le programme du déroulé de la croissance, participant ainsi à l’inaltération du patrimoine génétique.
Enfin le message est faussé en taisant cette mortalité, et en laissant au contraire entrevoir une survie quasi générale jusqu’à l’âge de se reproduire, ce qui est la condition d’une « reproduction ». La publicité mentionne : « Une fois sevrés et autonomes, les jeunes quittent généralement le zoo pour rejoindre un autre parc dans lequel ils constitueront leur propre famille. Un brassage génétique indispensable à la survie de l'espèce. Les petits appartenant à des espèces rares et menacées peuvent également faire l'objet d'un programme de réintroduction dans les zones protégées de leur région d'origine . » Voilà ce qu’est le message écologique inexact des zoos.
Du fait que la publicité racoleuse, tronquée et scientifiquement incorrecte que les zoos diffusent concerne une activité commerciale et vise à augmenter des revenus financiers, il s’agit stricto sensu d’une publicité ressortissant à la publicité mensongère, ce qui ne devrait pas être toléré.
À nouveau, la LFDA doit répéter et souligner :
- que la conservation d’individus animaux captifs par les zoos n’est pas la préservation d’une espèce,
- que la préservation des espèces animales ne peut être espérée et réalisable que par la préservation des espaces naturels et originels qui leur sont propres, et conformément à des programmes scientifiques visant à la réhabilitation à la vie autonome de l’état sauvage.
Article publié dans le numéro 93 de la revue Droit Animal, Éthique & Sciences.