Dans ses quatre numéros durant l’année 2017, notre revue présentera ou rappellera les actions principales de la LFDA, et les succès qu’elle a pu emporter dans sa lutte de quarante années contre la souffrance animale et contre la disparition des espèces. Quarante ans en quatre numéros : le découpage est simple, chaque numéro couvrira dix ans. Cette revue n°92 fera revivre la décennie 1977 à 1987.
Préambule
Mais pour une bonne compréhension des faits et de leur déroulement, il est indispensable de commencer par mentionner les actions conduites à titre individuel par quelques personnalités françaises, durant les années 1973 à 1976, car elles expliquent la création de la LFDA, sous sa forme initiale : la « Ligue française des droits de l’animal ».
Le professeur Rémy Chauvin, titulaire de la chaire d’éthologie à la Sorbonne, publiait articles et ouvrages scientifiques sur le comportement animal.
Le professeur Alfred Kastler, vice-président de l’Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoirs (OABA), mettait sa notoriété d’humaniste et de Prix Nobel de physique, membre de l’Académie des sciences au service de la condition des animaux d’élevage.
Philippe Diolé (1), explorateur, journaliste et écrivain, collaborateur du Cdt Cousteau, multipliait ses écrits et ses ouvrages : Les animaux malades de l’homme, Lettres au Président de la République sur la mort des Français, La symphonie animale.
De son côté, Jean-Claude Nouët, professeur à la faculté de médecine, biologiste, dénonçait le trafic des animaux sauvages et leur détention, et multipliait des actions parmi lesquelles :
- en 1973,une manifestation Laissez les courir, laissez les voler contre les animaleries du Quai de la Mégisserie à Paris qui vendait des animaux sauvages de toutes sortes, (renards, ourson, lionceau, singes, cygnes, chouettes), ainsi qu’une opération organisée avec Michèle Aragon et retransmise en direct sur Europe 1, contre Tropicanim, une importante entreprise de trafic d’animaux exotiques située près de Meaux, dans laquelle a été découvert un charnier de près d’une tonne de cadavres d’animaux exotiques,
- la participation rédactionnelle à l’arrêté publié le 2 octobre 1974 (2), le tout premier texte réglementant en France le commerce de la faune sauvage,
- la fermeture administrative du zoo de Rabodanges dans l’Orne (1974),
- la surveillance des zoos et la multiplication d’articles critiques sur l’état des animaux, les trafics, l’absence de tout rôle dans la préservation des espèces (Vincennes, Thoiry, Saint-Vrain, Ermenonville, etc.) aboutissant à la fermeture de la ménagerie du Jardin des Plantes de Paris pendant 6 mois (1976), après révélation d’une épizootie mélioïdose dans cet établissement causant la mort de très nombreux animaux du zoo, action menée en collaboration avec le professeur Henri Mollaret de l’Institut Pasteur. En janvier 1976, est créé le Rassemblement des Opposants à la Chasse par Serge Boutinot, Jean-Claude Nouët, Théodore Monod, Bernard Groslier, Paule Drouault.
Ainsi, durant les premières années 1970, et sans qu’ils se soient concertés initialement, les quatre futurs fondateurs de la LFDA se trouvaient liés par des motivations convergentes, et étaient prédisposés à agir ensemble. L’occasion de se trouver réunis s’est présentée en 1976, lors d’une réunion internationale organisée à Genève grâce à la générosité de donateurs suisses, pour fonder une Ligue Internationale des Droits de l’Animal. Puis en 1977, une réunion internationale a été organisée à Londres pour se mettre d’accord sur le texte d’une Déclaration universelle des Droits de l’Animal (DUDA), issue d’une Déclaration sur les droits de l’animal proposée en 1973 par M. Georges Heuse, biologiste belge.
Lors de la réunion de Londres de 1977, J.C. Nouët a obtenu que le texte initial soit refondu dans un sens plus scientifique et plus naturaliste. La décision de créer des ligues nationales a été prise. Sur proposition de P. Diolé, J.C. Nouët a été chargé de créer la Ligue française des droits de l’animal. Il a choisi de se démarquer des associations de protection animale et de réunir une société de scientifiques, de juristes et de moralistes se consacrant à réfléchir aux moyens de rétablir des rapports équilibrés et justes entre le genre humain et les autres espèces animales, sauvages comme domestiques, et à assurer la diffusion de la DUDA en France.
Après ce préliminaire, voyons en détail les activités et les apports de la LFDA, dans une approche historique, en nous appuyant sur les innombrables documents que nous avons soigneusement conservés et archivés depuis les débuts, et qui constituent une collection de références très probablement unique en France.
1977
La création de la Ligue Française des Droits de l’Animal a été signée par A. Kastler, R. Chauvin, Ph Diolé et J-C Nouët, et publiée au J.O. le 25 août 1977. Rémy Chauvin en a été le premier président. La LFDA a choisi son emblème, créé par la décoratrice Michèle Aragon : il possède un caractère symbolique marqué en exprimant la paix retrouvée entre le genre humain et le monde animal. C’est à cette date que commence l’histoire de la LFDA, dont les deux tâches principales ont été de diffuser la DUDA, et d’organiser sa proclamation publique. L’année 1977 se termine par la publication d’un décret réglementant les établissements qui détiennent et présentent au public des animaux de la faune sauvage (3): il résulte des révélations des trafics d’animaux sauvages, et des conditions des animaux dans les zoos. L’année s’est terminée avec le décès de Ph Diolé en décembre, qui a privé la LFDA d’un ami efficace et d’un porte-parole talentueux.
1978
La LFDA publie son premier rapport Dogmes religieux et droits de l’animal à la suite d’une table ronde œcuménique. Elle se consacre ensuite entièrement à l’organisation de la proclamation de la Déclaration universelle des droits de l’animal (4). Cette cérémonie solennelle a lieu le 15 octobre dans la Grande Salle de l’UNESCO devant 2000 personnes dont les ambassadeurs de quatorze pays. Le texte de la DUDA est lu en plusieurs langues dont l’arabe et le russe, et il est remis à son Excellence M’Bow, alors directeur général de l’UNESCO, qui présidait la séance. Des centaines d’articles paraissent dans la presse française sur cet évènement, probablement le plus important du siècle en ce qui concerne l’animal : la DUDA introduit une réflexion éthique qui se superpose au sentiment de compassion, en sorte qu’à la « protection » de l’animal s’est substitué le « respect » de l’être vivant qu’est un animal. Cette mutation confère à cette période charnière une importance capitale dans l’histoire des rapports entre l’homme et le monde animal : la DUDA propose à l’humanité une conduite morale la conduisant à retrouver sa place parmi les espèces vivantes dans les équilibres naturels, condition fondamentale de sa propre survie.
Cette façon d’appréhender de façon différente nos rapports aux animaux, quels qu’ils soient, domestiques comme sauvages libres ou captifs, a attiré l’adhésion de personnalités et d’intellectuels, peu mobilisés par la classique « protection », parmi lesquelles des Académicien français (Marguerite Yourcenar, Jacques Soustelle, Thierry Maulnier, Etienne Wolff, René Huygue, R. P. Ambroise Carré), des membres de l’Académie des sciences (Marcel Bessis, Pierre-Paul Grassé, Maurice Pic, Edouard Boureau, Jean-Claude Pecker), des politiques (Edgar Faure, Edgard Pisani), des personnalités du monde artistique et littéraire (Léonor Fini, Serge Lifar, Jean Mercure, Olivier Messiaen, Claude Simon Prix Nobel de littérature).
1979
Succédant à R. Chauvin, M. Alfred Kastler accepte d’assurer la présidence de la LFDA. La LFDA organise un colloque au Centre Pompidou (5) en collaboration avec l’AFIRAC Association française d'information et de recherche sur l'animal de compagnie, pour lancer en France le concept de ferme urbaine ; elle fait dresser un projet architectural de transformation de la ménagerie du Jardin des Plantes de Paris en ferme pédagogique, une initiative soutenue par une pétition signée des écoles municipales des quatre arrondissements limitrophes 4e, 5e, 12e et 13e. Grâce aux examens bactériologiques qu’elle fait effectuer, la LFDA obtient l’interdiction du trafic des tortues terrestres capturées dans la nature et de leur vente dans les poissonneries, en révélant que ces animaux étaient tous porteurs de bactéries pathogènes.
Informée de l’afflux soudain et important d’ivoire brut importé en France depuis la Centre-Afrique (82 tonnes en 1978/1979), la LFDA ouvre une enquête, se fait communiquer des documents douaniers, et découvre que 20 tonnes de pesticides ont été « détournées » d’un envoi de Belgique au Zaïre, avec lesquels des points d’eau ont été empoisonnés, tuant de 7000 à 9000 éléphants, dont des animaux très jeunes (ce dont on se doutait devant la mention de défenses très courtes dans les lots d’ivoire importés). La LFDA informe le sénateur belge Roland Gillet et l’assiste dans ses démarches, qui aboutissent à une réglementation sévère de l’importation des animaux exotiques en Belgique.
La LFDA organise une table ronde de scientifiques et chercheurs consacrée à l’expérimentation sur l’animal et présidée par le Pr Kastler. Le rapport conclut à la nécessité d’une nouvelle réglementation comportant une formation préalable des chercheurs, la promotion des méthodes de remplacement, la fin de l’utilisation expérimentale de l’animal dans l’enseignement secondaire et dans l’industrie cosmétique.
1980
La LFDA rédige et diffuse la Déclaration des professionnels du cinéma en faveur des droits de l’animal : les signataires de ce texte s’engagent à veiller à la meilleure condition des animaux impliqués dans les tournages. En juillet, lors du Festival de Cannes, cette déclaration rassemble les signatures de centaines d’acteurs et de producteurs, parmi lesquelles celles des plus grands noms du cinéma mondial (Anouk Aimée, Stéphane Audran, Claude Autan-Lara, Brigitte Bardot, Jean-Paul Belmondo, Claude Brasseur, Robert Bresson, Christian-Jaque, Alain Delon, Catherine Deneuve, John Huston, Isabelle Huppert, Francis Huster Klaus Kinski, Michael Lonsdale, Jerry Lewis, Joseph Losey, Jean Marais, Philippe Noiret, Alain Poiré, Charlotte Rampling, Raf Vallone, Monica Vitti, Georges Wilson, Michael York…).
La LFDA publie son dossier L’animal sauvage dans le spectacle qui dénonce les cirques, les locations d’animaux sauvages, les ménageries ambulantes, et demande l’interdiction du dressage de l’animal sauvage.
En matière d’élevage, elle s’oppose vigoureusement sur des arguments scientifiques et médicaux à l’utilisation d’œstrogènes, d’antibiotiques et d’anabolisants, qui est prônée par l’industrie pharmaceutique, l’industrie agroalimentaire, les pouvoirs publics et les syndicats agricoles. A la fin de l’année, la LFDA patronne l’exposition Chats et chiens dans l’art au Louvre des Antiquaires (Paris), présentant des objets précieux ou historiques.
Le décret du 1er octobre 1980 (6), premier texte issu de la loi de 1976 impose des règles générales pour l’élevage, le transport, l’abattage des animaux.
1981
La LFDA propose la création d’une Coalition contre l’Élevage en Batterie, qu’elle crée en collaboration avec l’OABA-Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoirs ; cette fédération d’associations affiche le double but de la lutte contre l’élevage hors sol, et de la promotion de l’élevage en liberté, pour toutes les espèces d’animaux dits de consommation.
Au projet de création d’un aquarium et d’un delphinarium géant dans le Trou des Halles envisagé par la Mairie de Paris, la LFDA oppose des arguments de santé publique et de santé vétérinaire, et obtient que la Mairie renonce à ce projet.
En matière d’expérimentation, elle publie un appel signé de quatre scientifiques membres de la LFDA, dont deux membres de l’Académie des sciences, réclamant au nom de l’éthique que l’animal ne soit plus dénommé « matériel » dans les publications scientifiques.
A l’occasion de la campagne pour l’élection présidentielle, la LFDA fonde le Comité pour le Respect de la Vie, présidé par le professeur Alfred Kastler, et lance l’idée d’une modification de la Constitution faisant du Président de la République « le garant de l’intégrité biologique du territoire national». Par courrier personnel, et avec le soutien d’une publication en pleine page du quotidien Le Monde du 20 mars, elle interroge les candidats sur l’élevage intensif, l’expérimentation animale, l’éducation civique de la nature.
En novembre, les éditions Fayard publient « Le Grand Massacre », co-signé par A. Kastler, M. Damien et J.C. Nouët (7). Au long de 380 pages, l’ouvrage dévoile et dénonce le système de l’élevage « intensif » (dit aussi industriel, ou concentrationnaire, ou hors-sol), qui consiste à contraindre les animaux à subir des conditions incompatibles avec leurs besoins biologiques (donc contraires à la loi), à la limite des mauvais traitements et interdisant toute expression comportementale, au prix d’une imprégnation médicamenteuse constante, de l’utilisation d’accélérateurs de la croissance, et de la surnutrition en protéines. Cet ouvrage a eu un retentissement considérable ; il a fait l’objet d’innombrables articles de presse, et d’un abondant courrier de félicitations (Robert Badinter, Claude Hettier de Boislambert, Alain Poher, Charles Hernu, Jean Bernard, Jean Hamburger, Jean Dausset, Pierre Emmanuel, Edouard Bonnefous). Mais il a suscité une très vive, et très efficace opposition de la part des promoteurs de cet « élevage » (politiques, syndicats agricoles, industrie pharmaceutique, filières agroalimentaires), au point qu’après un premier tirage à 8 000 exemplaires, vendus en une semaine, l’ouvrage a été retiré de la vente et mis au pilon, sur instructions « supérieures ».
1982
La LFDA propose une Convention d’éthique et de pédagogie des parcs zoologiques visant à limiter les espèces détenues, à améliorer les conditions de détention en étendant les espaces, à ne faire appel à aucune capture dans la nature ; un seul zoo apporte sa signature. Elle demande, en collaboration avec le ROC, que la loi reconnaisse à tout citoyen le droit d’interdire la chasse chez soi.
Elle publie son rapport La tauromachie en France présentant analyse et propositions, parmi lesquelles l’interdiction clairement explicitée dans le code pénal d’organiser des corridas dans des communes nouvelles, comme le code l’édicte pour les combats de coqs.
En mars, la LFDA intervient auprès du Préfet de Police de Paris et obtient l’interdiction de la présentation de deux panthères tenues en laisse lors du spectacle des Folies-Bergères.
La Coalition contre l’élevage en batterie décide de concentrer sa lutte sur l’élevage des poules pondeuses en batteries de cages, une détention particulièrement contraire aux besoins physiologiques des animaux. J.C. Nouët convainc la Coalition d’agir non pas au nom des conditions de vie infligées aux poules, mais au nom du droit des consommateurs à l’information : la Coalition prend le titre de Coalition des consommateurs contre l’élevage en batterie. Plusieurs associations de protection la rejoignent, ainsi que deux associations de consommateurs. La Coalition choisit pour objectif l’obtention de l’étiquetage du mode d’élevage des poules sur les boites d’œufs, afin d’offrir au consommateur la possibilité de refuser les œufs issus de poules élevées en cage. Puisqu’elle avait essuyé le refus des pouvoirs publics français d’envisager un tel étiquetage, la Coalition fait appel à un cabinet d’avocats pour porter l’affaire au niveau européen.
A la suite d’un colloque médical qu’elle a organisé en avril, la LFDA publie son rapport La surconsommation de viande et ses risques, qui relève une incidence sur l’accroissement du nombre des maladies cardio-vasculaires et des cancers digestifs, et conclut à la nécessité de réduire la consommation de viande, en raison également de la déperdition énergétique causée par l’élevage, notamment des herbivores, surnutris en protéines végétales importées.
En mai, M. Kastler prononce son allocution, de nombreuses fois mentionnée ultérieurement, Les incidences de l’élevage en batterie sur les enfants pauvres du tiers-monde, fustigeant le détournement « du 1/3 de la production céréalière vers l’alimentation du bétail des pays riches ».
En juillet, l’ouvrage Le Grand Massacre est l’objet d’une émission de télévision « Droit de réponse » de Michel Polac, de très forte écoute.
La LFDA prend l’initiative de rassembler les associations de protection sous le titre de Conseil supérieur français pour la défense de l’animal, afin d’adopter puis de soutenir des positions communes lors de réunions organisées à la Direction de la Qualité du ministère de l’agriculture, dont la première se tient en mars, une seconde en mai.
La LFDA participe à l’audition parlementaire européenne à Strasbourg consacrée à l’expérimentation sur l’animal. Elle préconise la formation préalable des chercheurs, l’approbation préalable des protocoles expérimentaux et l’extension de la réglementation protectrice aux animaux invertébrés dotés d’un système nerveux central.
L’arrêté du 25 octobre 1982 (8), pris en application du décret de 1980, précise les règles applicables à l’élevage, à la garde et à la détention des animaux. Les prescriptions de ces deux textes sont détaillées, mais sont conçues et formulées, en ce qui concerne l’élevage, pour être compatibles avec l’élevage intensif : elles ne prennent pas en considération le mal-être considérable de l’animal, de quelque espèce que ce soit, qui est totalement empêché d’exprimer ses comportements spécifiques, une privation qui le place en état permanent de stress et d’angoisse.
1983
Dans le domaine de l’éducation, la LFDA compose et publie à destination des enseignants son dossier L’Animal et l’École qui traite de la présence d’animaux en classe, des fermes pour enfants, des visites aux zoos, de l’expérimentation sur l’animal etc. Ce fascicule sera envoyé gratuitement à plus de 15 000 enseignants et inspecteurs de l’enseignement, au long de huit éditions ultérieures.
La LFDA et la Coalition des consommateurs contribuent au dossier juridique concernant l’étiquetage des boites d’œufs.
Elle participe aux deux réunions administration/Conseil supérieur français pour la défense de l’animal organisées à la Direction de la Qualité, où sont présentés des projets de textes réglementaires.
A nouveau, M. Kastler revient sur l’élevage intensif dans sa conférence Quelques mots sur l’une des causes de la faim dans le monde : l’élevage en batterie. Il y dénonce particulièrement la disparition au Brésil des cultures vivrières, au bénéfice de la production de soja destinée à l’exportation, et déplore aussi le gâchis des excès de récolte de fruits en France, jetés parce que l’on en n’a pas organisé l’utilisation. Il est reçu, à ce sujet par Mme Catherine Lumière, ministre de la consommation.
La LFDA publie son dossier Homme, animal et quotidienneté, à la suite d’un colloque organisé en juin. Elle participe à nouveau au Festival de Cannes, où elle continue de recueillir des signatures à sa Déclaration des professionnels du cinéma. La LFDA réalise une série de 20 émissions La vie animale en péril sur France Culture, édite et diffuse la Déclaration Universelle à 50 000 exemplaires. A partir de septembre 1983, elle réalise la série d’émissions hebdomadaires Pas si bêtes diffusée sur France Inter tous les samedis jusqu’en mars 1984.
1984
En janvier survient le décès soudain du Pr Alfred Kastler, son président. Sollicité par le Pr Théodore Monod, le Pr Etienne Wolff, de l’Académie française, membre de l’académie des sciences, accepte la présidence.
En février, la LFDA participe à la concertation administration/Conseil supérieur français. Elle est reçue au ministère de l’éducation nationale et remet un projet d’instauration d’une éducation civique de la nature. Elle organise un grand concours de dessins d’enfants dans le département des Alpes-Maritimes.
Devant le succès de la Déclaration des professionnels du cinéma, la LFDA lance le projet d’un label, prévu pour être attribué aux films utilisant des animaux « dans le respect de leur droits, de leur bien-être et de leur dignité ». Un jury est constitué, présidé par Mme Suzanne Flon et M. Etienne Wolff, de l’Académie française.
En octobre, la LFDA tient le premier de ses colloques à l’Institut de France sur le thème Droits de l’Animal et pensée contemporaine (9); les conférenciers, dont quatre membres de l’institut, interviennent dans les domaines de la philosophie, de la pensée religieuse, de la pensée scientifique, du droit, de la parenté entre grands primates et espèce humaine. Dans son intervention, le Bâtonnier Brunois réclame le principe d’une « représentation de l’intérêt général de l’animalité, complétant la représentation de l’intérêt personnel de l’animal victime », et souhaite la « personne animale » à côté de la « personne physique » et de la « personne morale ».
La LFDA fonde officiellement son Prix de biologie Alfred Kastler, destiné à récompenser les recherches conduites sur les méthodes expérimentales de remplacement, en le plaçant sous l’égide de son ancien président afin de rendre hommage à son action.
En octobre, lors de la Séance publique annuelle des Cinq Académies réunies à l’Institut de France, M. Etienne Wolff, délégué de l’Académie française, prononce son intervention solennelle sous le titre Les droits de l’animal (10).
La LFDA entame la série des procès qu’elle ouvrira contre la tauromachie, en faisant condamner les organisateurs d’une corrida « privée » à Salleboeuf (Gironde), et en ouvrant une procédure pour organisation d’une corrida illégale contre la municipalité de Vallauris (Alpes Maritimes), qui sera condamnée en 1989.
En fin d’année, le Conseil supérieur français pour la défense de l’animal se désunit en raison de dissensions entre des sociétés protectrices.
1985
Par décret du 4 février 1985 est créé le Comité consultatif de la santé et de la protection des animaux – CCSPA. Par arrêté ministériel du 28 mai, la LFDA est désignée comme l’un des deux membres nommés au titre de la protection des animaux.
À la suite des interventions répétées de la LFDA auprès du ministère de l’éducation nationale, la Direction de la programmation a inscrit la « protection de l’animal » dans le programme d’éducation civique, en reprenant plusieurs des propositions figurant dans le dossier L’Animal et l’École. La LFDA lance et coordonne la campagne « Nîmes, ville de sang », fait réaliser une affiche spéciale qui sera largement diffusée, y compris dans les pays voisins, avec pour résultat une baisse de la fréquentation touristique estimée à 25 %. Elle obtient que la ville de Nîmes suspende le versement de subventions à une école de toréros.
Après deux années de procédure, la LFDA, l’OABA et La Coalition des Consommateurs contre l’Elevage en Batterie (qu’elles ont fondée en 1982) obtiennent satisfaction : le Règlement européen du 12 juillet 1985 autorise la mention du mode d’élevage des poules, selon que les poules sont « élevées en plein air système extensif », ou « élevées en plein-air », ou « élevées au sol », ou « élevées en volière ». En conséquence, le consommateur avait la possibilité de refuser les œufs issus de poules élevées en cage : c’était le but visé. Cette victoire juridique a été de toute première importance, et la LFDA peut à juste titre s’en enorgueillir. Non seulement ce règlement considère comme déterminante la façon dont les poules sont élevées, mais il crée un précédent, qui a permis que le ressenti de l’animal soit pris en compte dans les textes qui, ultérieurement, seront applicables aux autres espèces d’animaux de consommation, dont notamment les porcs et les veaux.
En octobre, la LFDA organise à l’Institut de France le colloque Violence et droits de l’animal (11), dans lequel intervient notamment le Recteur Robert Mallet, dont on doit rappeler la conclusion : « Que l’ancienneté d’une erreur, que sa durée trop longue, au lieu de provoquer sa condamnation et sa fin, justifient son maintien, que la cruauté, parce qu’elle est traditionnelle, soit pérennisée, voilà le scandale de la logique et de l’équité, voilà nos raison de parler et d’agir au nom de l’intelligence et du cœur ».
La LFDA porte plainte contre l’établissement « Oisellerie du Châtelet » pour détention et vente d’animaux d’espèces protégées, vérifiées sur constat et procès-verbal de trois gardes assermentés de l’Office national de la chasse.
Le Prix de biologie Alfred Kastler est attribué pour la première fois, lors d’une cérémonie tenue à l’Institut de France en présence du directeur de cabinet de M. Yves Curien, ministre de la recherche. Le lauréat est un chercheur de l’Institut Curie pour ses travaux démontrant l’action d’agents antitumoraux sur des nodules cancéreux en culture.
Par décret du 7 novembre, la LFDA est reconnue d’utilité publique, ce qui affirme sa notoriété et valide la qualité de ses actions durant ses huit années d’existence.
La LFDA participe à la réunion inaugurale du CCSPA le 13 novembre. Elle est nommée membre d’une commission au ministère de l’environnement chargée d’attribuer le certificat de capacité exigible à tout responsable de zoo.
1986
En janvier, un arrêté crée une Commission spécialisée de la protection animale, adjointe au CCSPA. Cette commission réunit douze organisations, dont la LFDA. Sa première réunion se tient le 11 avril, pour examiner des projets de textes réglementaires. Les organisations demandent que le ministère édite un document destiné à informer le public sur la condition animale en général, sur les utilisations de l’animal et sa protection, notamment en élevage ; le ministère répond par la proposition d’un film sur le chien et le chat…
Le responsable de l’Oisellerie du Châtelet est condamné à 20 000 F d’amende ; la LFDA reçoit 5 000 F à titre de dommages-intérêts.
La LFDA participe à l’enseignement du diplôme d’université Environnement, violence et santé à l’Université Paris VI, qui sera poursuivi jusqu’en 1994. Elle intervient lors du colloque Protection de l’animal et société contemporaine (12) organisé au ministère de l’agriculture. En juin, J.C. Nouët fait une présentation devant l’Académie des sciences morales et politiques, sous le titre Le monde animal et nos rapports avec lui (13).
En octobre, la LFDA organise son troisième colloque à l’Institut de France, intitulé Droits de l’animal et pensée chrétienne (14), auquel participent notamment Jean Guitton, de l’Académie française, et Théodore Monod, membre de l’Académie des sciences.
Le deuxième Prix de biologie Alfred Kastler est décerné à une biologiste belge de l’université de Louvain pour ses travaux portant sur l’utilisation de cellules du foie en culture pour l’évaluation de la toxicité de produits à visée médicamenteuse. La séance de remise du prix a lieu en octobre à l’Institut de France, en présence de l’ambassadeur de Belgique. La LFDA est honorée par l’Institut de France qui lui attribue son Prix Botiaux 1986.
Conclusion
Ces dix années 1977-1986 ont été marquées par quatre évènements d’une importance capitale en ce qui concerne la condition des animaux en général, et le rôle primordial qu’a pu y jouer la toute nouvelle « Ligue française des droits de l’animal ». Le premier, en date comme en importance, a été la proclamation de la Déclaration Universelle des Droits de l’Animal. Ce texte a totalement modifié le fondement des rapports entre l’homme et le monde animal. A la notion d’une « protection » de l’animal, qui se limite à interdire de le maltraiter et conduit à n’accorder à l’animal que ce qui ne gêne pas trop l’intérêt des hommes, s’est substituée la notion du « respect » dû à l’animal, imposant ainsi, pour des motifs d’éthique, de considérer autant ses besoins vitaux que sa sensibilité. Un autre évènement majeur a été notre entrée en lutte ouverte contre l’élevage intensif (dit aussi industriel, ou concentrationnaire), avec la publication de l’ouvrage Le Grand Massacre qui dévoilait les conditions odieuses et totalement méconnues de cet « élevage ». Le troisième évènement qui a marqué cette décennie et dont la LFDA se réclame directement, a été la publication du règlement européen autorisant que le mode d’élevage des animaux, et dans le cas précis celui des poules pondeuses, soit connu des consommateurs : ces derniers ont ainsi pu rejeter l’élevage des poules en batteries de cages, et favoriser l’élevage des poules élevées en liberté ou au moins, au sol. Deux événements doivent être ajoutés, auquel la LFDA a contribué activement : la publication de la Directive européenne concernant les conditions de l’expérimentation sur l’animal (15), la publication de la loi relative à la protection de la nature le 10 juillet 1976 (16). Ce texte a ouvert la voie aux réglementations à venir sur la protection de la faune et de la flore (dont la détention et la présentation d’animaux captifs), sur les réserves naturelles, sur la protection des espaces boisés, et aussi sur la protection de l’animal : son article 9 mentionne explicitement la sensibilité de l’animal, en précisant : « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce », un article capital, qui débouchera sur de nombreux textes ultérieurs.
Jean-Claude Nouët
Article conseillé: Quarante années au service de l'animal: 2e partie (1987-1996)
(1) Les animaux malades de l'homme, Philippe Diolé, Flammarion, 1974
Lettres au Président sur la mort des Français, Philippe Diolé, Grasset, 1975
La Symphonie animale-1, Philippe Diolé, Dargaud, 1977
La Symphonie animale-2, Philippe Diolé, Dargaud, 2005
(2) Prohibition d’importation des animaux vivants vertébrés, JO 2 octobre 1974
(3) Décret n°77-1297 du 25 novembre 1977
(4) Déclaration universelle des droits de l’animal
(5) Les fermes pour enfants, Centre de création industrielle, Centre Georges Pompidou/Centre d’information sur les innovations sociales, 1979
(6) Décret n°80-791 du 1er octobre 1980
(7) Le Grand Massacre, Alfred Kastler, Michel Damien, Jean-Claude Nouet, Fayard, 1981
(8) Arrêté du 25 octobre 1982 relatif à l’élevage, la garde et la détention des animaux
(9) Droits de l’animal et pensée contemporaine, Colloque du 15 octobre 1984, édit. LFDA
(10) Les Droits des animaux, Etienne Wolff, Institut, 1984 – n°18
(11) Violence et Droits de l’animal, Colloque du 16 octobre 1985, édit. LFDA
(12) Protection de l’animal et société contemporaine, Colloque du 23 octobre 1986, édit. Ministère de l’agriculture, DGAL
(13) Le Monde animal et nos rapports avec lui, Jean-Claude Nouet, Revue des Sciences morales et politiques, 1986, n° , Gauthier-Villars, p 483-501
(14) Droits de l’animal et pensée chrétienne, Colloque du 16 octobre 1986, édit. LFDA
(15) Directive du Conseil n°86/609/CCE du 24 novembre 1986 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à la protection des animaux utilisés à des fins expérimentales ou à d’autres fins scientifiques
(16) Loi n°76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, JO du 13 juillet 1976